L’ARCHÉOMÈTRE(*)

Il n’y a pas de sciences occultes,
il n’y a que des sciences occultées.

(Saint-Yves d’Alveydre.)

L’Archéomètre, du grec ἀρχῆϛ μέτρον, mesure du Principe (de ἀρχή, principe, et μέτρον, mesure), est le monument le plus admirable, dans le domaine de l’Ésotérisme, qui ait jamais été élevé à la gloire du Verbe Universel.

C’est un instrument synthétique applicable à toutes les manifestations Verbales, permettant de les ramener toutes à leur Principe commun et de se rendre compte de la place qu’elles occupent dans l’Harmonie Universelle ; c’est en un mot, selon l’expression même de son révélateur, le regretté Maître Saint-Yves d’Alveydre, un rapporteur cyclique, code cosmologique des hautes études religieuses, scientifiques et artistiques. Nous en reproduisons ci-après la figure, telle qu’elle a été donnée par Saint-Yves d’Alveydre.

Disons ici, une fois pour toutes, que rien dans l’Archéomètre n’est arbitraire : les éléments divers s’y trouvent placés d’une façon rigoureusement mathématique, et cet instrument plus qu’humain n’a pas été créé pour servir à faire prédominer un système sur un autre, ni à inventer un système nouveau ; la synthèse qu’il comporte ne peut pas être exprimée dans un système quelconque, qui serait nécessairement une formule fermée. C’est une clef synthétique permettant de déterminer la valeur intrinsèque de chaque système philosophique, scientifique ou religieux, et de la rattacher à l’Arbre universel de la Science ou de la Tradition.

Quelques explications s’imposent ici au sujet de la transmission de la Tradition primordiale, synthétisée dans l’Archéomètre, d’un cycle à un autre(1). Pendant la durée du Kali-Youga (dernière période d’un cycle), la Tradition primordiale, qui a été transmise des Universités Patriarcales du cycle précédent à celles du cycle actuel (ces cycles peuvent être des durées de races humaines ou d’autres périodes), doit être nécessairement cachée ou occultée, ainsi que l’Université même qui la possède et la conserve (Université Solaire de Dieu, Is-Râ-El, Ishwara-El), supposée soit au sommet du Mont Mérou, soit en un autre point désigné symboliquement comme le centre du Monde et le séjour du Souverain des Dieux.

Cette Tradition est alors renfermée en principe dans l’Arche (Sanctuaire des Arcanes, enceinte organique dans laquelle sont contenus les principes pendant la période de dissolution extérieure de l’Univers), ou la Thébah(2), qui est confiée à la garde du Manou(3) qui régira le Manvântara(4) suivant. La Tradition entre donc ainsi dans une période de non-manifestation, pendant laquelle se prépare sa re-manifestation dans le cycle suivant (avènement de la Nouvelle Jérusalem, Alliance de Dieu avec les Hommes ou du Ciel et de la Terre). L’Arche, qui renferme les principes des choses, marque par ses proportions symboliques la mesure des applications universelles de ces principes dans toutes les modalités de l’Être ; c’est pourquoi elle contient le plan de la nouvelle Université qui sera établie sur le modèle ou à l’image de l’ancienne, par une nouvelle adaptation, au début du cycle suivant. C’est là la véritable signification du mot Archéomètre, mesure du Principe.

Nous allons étudier maintenant, d’une façon rapide, la constitution de l’Archéomètre, après quoi nous considérerons successivement et en détail chacune des parties qui constituent ce merveilleux instrument.

La base numérique de l’Archéomètre est le duodénaire, quoique ce duodénaire soit engendré par un ternaire.

Il est composé de plusieurs zones concentriques d’équivalents montrant les rapports respectifs des couleurs, des planètes, des signes zodiacaux, des notes musicales, des caractères alphabétiques, et enfin des nombres.

La partie centrale de la figure représente quatre triangles équilatéraux entrelacés inscrits dans un cercle, et formant douze sommets ou pointes, à chacun desquels correspond une couleur déterminée. Au premier triangle droit, dont le sommet est dirigé vers le haut, correspondent les trois couleurs fondamentales disposées ainsi : le jaune au sommet, le bleu à droite de la base, et le rouge à gauche. Au second triangle renversé, disposé symétriquement et de façon inverse par rapport au premier, correspondent les trois couleurs intermédiaires formées par le mélange des couleurs fondamentales deux par deux, et distribuées ainsi : le violet, résultant du rouge et du bleu, au sommet ; l’orangé, résultant du rouge et du jaune, à gauche ; enfin le vert, résultant du jaune et du bleu, à droite. Aux deux autres triangles, disposés également d’une façon symétrique par rapport aux deux premiers, et dont les sommets occupent les points médians, correspondent d’autres couleurs intermédiaires, toujours produites par le mélange, deux par deux, des couleurs immédiatement voisines. Au centre est le blanc, synthèse de toutes les couleurs : c’est la région de l’Unité principielle. Au dehors des divers cercles qui constituent l’Archéomètre, est supposé le noir, qui est l’absence de toute lumière, et par suite de toute couleur : c’est la région des Ténèbres Extérieures.

Les quatre triangles dont nous venons de parler sont ceux des quatre éléments : le premier, dont le sommet est en haut, est le triangle de Terre ; le second, dont le sommet est en bas, le triangle d’Eau ; le troisième, dont le sommet est à gauche, le triangle de Feu ; et enfin le quatrième, dont le sommet est à droite, le triangle d’Air.

Les douze signes du Zodiaque correspondent trois par trois aux quatre éléments pris dans l’ordre suivant : Feu, Terre, Air, Eau. Ces douze signes sont les domiciles des sept planètes ; chaque planète a un domicile diurne et un domicile nocturne, sauf le Soleil et la Lune qui n’ont qu’un seul domicile chacun. Le Soleil étant considéré comme essentiellement diurne, et la Lune comme essentiellement nocturne, les planètes diurnes et nocturnes alternent régulièrement sur le parcours de la circonférence. On voit que les triangles de Feu et d’Air contiennent toutes les planètes diurnes, et que les triangles de Terre et d’Eau contiennent toutes les planètes nocturnes ; il importe de remarquer que ces derniers sont justement les deux triangles principaux.

D’ailleurs, le tableau suivant fera ressortir plus clairement ce que nous venons de dire.

Dans l’Archéomètre, chaque planète est située en face du signe zodiacal dans lequel elle a son domicile ; considérant successivement chacune des planètes, en ses domiciles, dans ses rapports avec les couleurs, voici les correspondances obtenues :

Saturne nocturne, dans le Capricorne, correspond au Jaune.
Saturne diurne, le Verseau, au Jaune-Orangé.
Jupiter diurne, le Sagittaire, au Jaune-Vert.
Jupiter nocturne, les Poissons, à l’Orangé.
Mars nocturne, le Scorpion, au Vert.
Mars diurne, le Bélier, au Rouge-Orangé.
Vénus diurne, la Balance, au Bleu-Vert.
Vénus nocturne, le Taureau, au Rouge.
Mercure nocturne, la Vierge, au Bleu.
Mercure diurne, les Gémeaux, au Rouge-Violet.
Le Soleil diurne, le Lion, au Bleu-Violet.
La Lune nocturne, le Cancer, au Violet.

À chaque planète, sauf au Soleil et à la Lune, correspondent deux couleurs : ce sont les couleurs des oxydes des métaux qui correspondent aux mêmes planètes, chaque métal ayant généralement au moins deux oxydes ; d’ailleurs, ce sont aussi les couleurs de la plupart des sels des mêmes métaux. Les correspondances des métaux avec les planètes sont les suivantes :

Soleil ……… Or.
Lune ……… Argent.
Saturne ……… Plomb.
Jupiter ……… Étain.
Mars ……… Fer.
Vénus ……… Cuivre.
Mercure ……… Vif-Argent.

Cependant, ces correspondances données par l’Archéomètre pour les couleurs ne concordent pas avec celles que l’on indique ordinairement : ainsi, on fait généralement correspondre le noir ou le gris à Saturne, le bleu ou le violet à Jupiter, le rouge à Mars, le jaune ou l’orangé au Soleil, le vert à Vénus, le blanc à la Lune ; quant à Mercure, on ne peut lui attribuer aucune couleur particulière. Cette divergence provient de ce que les couleurs données par l’Archéomètre sont les couleurs des sels, tandis que celles qu’on indique habituellement se rapportent plutôt à l’aspect des métaux eux-mêmes. Nous n’insisterons pas davantage ici sur ce point ; nous aurons l’occasion d’y revenir dans la suite de cette étude.

Nous laisserons aussi de côté pour le moment l’étude des correspondances astrologiques avec la musique, car elle demande de longs développements ; nous y reviendrons plus tard.

Nous arrivons maintenant aux correspondances avec les divers alphabets et les nombres ; cette étude est extrêmement importante, car elle donne la clef de toute l’herméneutique ; aussi sera-t-elle l’objet de la plus grande partie de ce travail.

Le plus important des alphabets que nous aurons à considérer ici pour le moment est l’alphabet watan. Cet alphabet, qui fut l’écriture primitive des Atlantes et de la race rouge, dont la tradition fut transmise à l’Égypte et à l’Inde après la catastrophe où disparut l’Atlantide, est la traduction exacte de l’alphabet astral. Il comprend trois lettres constitutives (correspondant aux trois personnes de la Trinité, ou aux trois premières Séphiroth, qui sont les trois premiers nombres d’où sont sortis tous les autres), sept planétaires et douze zodiacales, soit en tout vingt-deux caractères correspondant aux vingt-deux lettres de la seconde langue dont parle le Phil Inc . C’est cet alphabet, dont Moïse avait eu connaissance dans les Temples d’Égypte, qui devint le premier alphabet hébraïque, mais qui se modifia ensuite au cours des siècles, pour se perdre complètement à la captivité de Babylone. L’alphabet primitif des Atlantes a été conservé dans l’Inde, et c’est par les Brahmes qu’il est venu jusqu’à nous(5) ; quant à la langue atlante elle-même, elle avait dû se diviser en plusieurs dialectes, qui devinrent peut-être même avec le temps des langues indépendantes, et c’est l’une de ces langues qui passa en Égypte ; cette langue égyptienne fut l’origine de la langue hébraïque, d’après Fabre d’Olivet.

On trouvera, à la page suivante, un tableau montrant les correspondances des nombres avec les caractères de l’alphabet watan, ceux de l’alphabet hébraïque, les planètes et les signes zodiacaux.

Après avoir expliqué sommairement la constitution de l’Archéomètre, nous allons étudier successivement, d’une manière plus approfondie, chacun des éléments qui le composent.

Les deux triangles principaux à considérer sont :

1o Le triangle droit, avec les couleurs jaune, bleue et rouge ; il est appelé le Triangle du Verbe et de la Terre du Principe, et de l’Immanation des Vivants en Lui ; il correspond au nom de Jésus ;

2o Le triangle renversé, avec les couleurs verte, violette et orangée ; il est appelé le Triangle des Eaux Vives, des Origines, ou de la Réfraction du Principe Éternel dans l’Embryologie Temporelle ; il correspond au nom de Marie.

Le Triangle de la Terre du Principe ou de la Terre Céleste (Swarga-bhoumi), correspond à la Montagne qui est au centre du Monde (le Mérou), dont le sommet est le séjour d’Ishwara (Mahâ-Dêva), dans la sphère de Sani ou de Saturne. Le diamètre vertical est l’axe nord-sud du Monde(6), qui va du sommet du Mérou (pôle nord, solstice d’hiver ou Capricorne, domicile de Saturne) au fond de l’Abyme des Grandes Eaux (pôle sud, solstice d’été ou Cancer, domicile de la Lune). La ligne horizontale représente la surface de l’Océan des Grandes Eaux (réservoir des possibilités, ou passivité universelle) ; le Mérou se réfléchit dans cet Océan, au milieu duquel il s’élève(7).

Le triangle de Terre, droit, représente dans cette figure l’élément actif (le Verbe), et le triangle d’Eau, renversé, représente l’élément passif (Mariah ou Mâyâ) ; ces deux triangles forment le signe de la Création (sénaire) ; le triangle passif est le reflet du triangle actif, ce qui exprime la loi de l’analogie, formulée par Hermès : ce qui est en haut est comme ce qui est en bas, mais en sens inverse(8).

Les deux axes de la figure forment la croix, qui, par rotation autour de son centre, engendre le cercle ; par rotation dans trois plans formant un trièdre trirectangle, elle engendrera la sphère (Œuf du Monde)(9).

Si l’on fait tourner la figure d’un quart de cercle dans son plan (sens direct de rotation, c’est-à-dire vers la gauche en partant du haut), on obtient les deux triangles de Feu et d’Air, le triangle de Feu ayant remplacé celui de Terre (élément actif), et le triangle d’Air ayant remplacé celui d’Eau (élément passif) ; on voit alors que les éléments secs sont actifs et que les éléments humides sont passifs. La ligne qui joint les sommets de ces deux nouveaux triangles est le diamètre de la surface des Grandes Eaux qui joint l’orient à l’occident ; elle unit les deux équinoxes, comme l’axe nord-sud, qui lui est perpendiculaire, unit les deux solstices. Pour s’orienter sur cette ligne horizontale, il faut savoir laquelle des deux extrémités correspond à l’occident, et laquelle correspond à l’orient ; étant donné que ces deux extrémités correspondent d’autre part respectivement à l’équinoxe de printemps (Bélier, domicile de Mars) et à l’équinoxe d’automne (Balance, domicile de Vénus), on voit qu’il faut pour cela choisir une origine sur le cercle horizontal (perpendiculaire au plan de la figure, sa trace sur celui-ci étant le diamètre horizontal), qui est la section diamétrale horizontale de l’Œuf du Monde, dont les Grandes Eaux occupent la moitié inférieure ; ce qui signifie qu’il faut déterminer l’époque à laquelle on fait commencer l’année, et que c’est de là que dépendra la solution de ce problème d’orientation.

Si l’on joint deux à deux les autres angles opposés de ces quatre triangles, on obtient deux autres croix qui sont des positions particulières et intermédiaires de la première croix considérée au cours de sa rotation autour de son centre dans le plan de la figure. On voit d’ailleurs que, dans cette rotation, chaque sommet peut occuper n’importe quelle position ; il les occupe toutes successivement, parcourant ainsi tout le Zodiaque ; sa position dépendra encore du point de départ donné à l’année, si l’on place en haut ce point de départ.

Si nous considérons en particulier le cas où les deux triangles de Feu et d’Air sont devenus les deux triangles principaux, le triangle de Feu droit, et le triangle d’Air renversé, ce qui correspond à une rotation d’un quart de cercle, le commencement de l’année est alors à l’équinoxe de printemps (15e degré du Bélier), au lieu d’être, comme dans la figure primitive, au solstice d’hiver (15e degré du Capricorne). Dans ce cas, symboliquement, le Mont Mérou sera remplacé par une colonne de feu soutenant le Monde, et la coupe contenant les Eaux devient, pour continuer son rôle d’emblème du principe passif, un symbole de l’Air, comme on le voit dans les correspondances du Tarot(10).

Ce déplacement de l’origine de l’année, avec toutes ses conséquences, caractérise la modification apportée dans l’exposé de la Tradition (les Livres Sacrés)(11), au début du Kali-Youga(12) (rôle de Krishna).

La modification qui correspond au commencement de l’année à l’équinoxe de printemps (au lieu du commencement régulier au solstice d’hiver) est celle qui donne naissance aux religions naturalistes (Ioniens, Phéniciens) et aux philosophies atomistes (Kanâda, Démocrite). Les traditions ainsi déformées deviennent lunaires, féminines, tandis que les traditions basées sur l’Archéométrie primitive sont solaires, masculines.

Le Triangle de la Terre du Principe est le Triangle du Verbe ; mais, si l’on considère en particulier ses trois angles, ils appartiennent respectivement : le premier (י) à la Vierge Céleste(13) ; le second (פ), qui est le sommet, au Verbe lui-même et à ses manifestations ; le troisième (ו) au Saint-Esprit. De même, les couleurs qui correspondent à ces trois angles se rapportent corrélativement : le bleu à la Vierge, le jaune au Verbe, le rouge à l’Esprit ; le blanc, qui est au centre, est alors la couleur du Père, c’est-à-dire du Principe lui-même, le jaune étant celle de sa manifestation primordiale. Le ternaire formé par ces trois angles se reflète en un autre ternaire (la Trinité de Mâyâ), formé par ceux du Triangle des Grandes Eaux ; ce second ternaire désigne alors l’illusion (reflet, Création Démiurgique ou extra-principielle) que l’homme doit détruire en lui pour habiter la Terre des Vivants (Triangle opposé), qui est le lieu de la Vérité (Satya-Loka), le domaine de la Connaissance (Djnâna, Γνῶσις) par laquelle est dissipée toute illusion (forme, monde extérieur).

La première lettre du Triangle de la Terre des Vivants est י, la Royale des alphabets solaires et archéométriques ; son reflet dans le Triangle des Grandes Eaux est מ, Royale des systèmes alphabétiques lunarisés et, par conséquent, désarchéométrés. Le reflet de ו, de même, est ר ; enfin, à פ, zodiacale du Capricorne, qui occupe le sommet de la Terre des Vivants, correspond ח, zodiacale du Cancer, qui occupe le fond des Grandes Eaux ; la planétaire de פ est ש, lettre de Saturne, et celle de ח est ב, lettre de la Lune.

Les lettres du Triangle de la Terre des Vivants forment les noms du Verbe et de ses manifestations directes (par émanation, et non par réflexion) : IPhO (ou Fo-hi) et IShO ou OShI (Ishwa-Ra, Jésus-Roi, et Oshi-Ri ou Osiris). Les lettres du Triangle des Grandes Eaux forment le nom de MaRiaH (ou Mâyâ, la lettre R se retranchant ou s’ajoutant fréquemment dans les racines sanscrites), manifestation de la Vierge Céleste dans le domaine de l’Embryogénie temporelle, et celui du Verbe manifesté par elle (réflexion du Principe au sein des Grandes Eaux) et agissant comme Créateur (BRaHMâ). Lu dans l’autre sens, le nom de MaRiaH devient celui de HeRMès, le Psychopompe, le conducteur des âmes montantes et descendantes.

Avant d’étudier avec plus de détails ces noms et tous ceux qu’on peut obtenir par les combinaisons de ces mêmes lettres, nous devrons d’abord donner des généralités sur l’alphabet watan.

(À suivre.)