Francmaçonnerie
et Sociétés Secrètes
(suite)
III(*)

Ordre de l’Aube d’Or dans l’Extérieur
(Order of the Golden Dawn in the outer)

Société d’occultistes étudiant la plus Haute Magie pratique, après avoir passé, dans les degrés subalternes, un examen en Astrologie et en Kabbale. Cette société marche en quelque sorte parallèlement au vrai Rosicrucianisme. La qualité de membre demeure cachée. Les femmes sont admises au même titre que les hommes. II y a trois officiers principaux : l’Imperator (auquel le fameux Colonel Olcott fait deux fois allusion dans une lettre de 1876 : Empêchons H. P. B. (Mme Blavatsky) d’aller dans l’Inde, reproduite par la France Antimaçonnique, du 11 janvier 1912, pages 15 et 16, colonne II, au cours de l’étude du Swâmî Narad Mani, Chef de l’Observatoire secret européen de la « True Truth Somaj » d’Adyar, le Baptême de Lumière, ou Documents pour servir à l’Histoire de la Société dite Théosophique, dont nous reprendrons incessamment la publication), le Præmonstrator et le Cancellarius. Une branche existe à Boston (Massachusetts). M. Mac Grégor (Mathers) représentait cet ordre en France, où il s’occupait, en même temps, de la restauration du Culte d’Isis sous le patronage de l’occultiste Jules Bois, ainsi qu’en témoignent les emprunts ci-dessous(1).

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De la France Chrétienne, du 15 Mars 1899 :

Le Culte d’Isis

L’occultiste Jules Bois a organisé, dans la salle de la Bodinière, à Paris, une représentation des Mystères d’Isis, par le grand-prêtre Rhamsès et la grande-prêtresse Anari.

Cette représentation a été donnée pour la seconde fois le 14. La mime sacrée accompagna le rite par la danse des quatre éléments, c’est-à-dire l’éparpillement des fleurs, le mouvement du miroir, le geste de la chevelure et le pas des parfums.

Nous reparlerons de cette tentative de restauration, du culte de la Sœur-Femme d’Osiris et mère d’Horus, si chère aux Francmaçons et Occultistes.

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De la France Chrétienne, du 1er Avril 1899 :

Les Mystères Isiaques à Paris

Les Petites Religions de Paris viennent de s’accroître d’un culte nouvellement restauré, celui de l’antique Isis, qui a désormais son temple, rue Mozart, à Auteuil et dont les mystères ont été, ainsi que nous l’avons annoncé, célébrés deux fois déjà, en présence de spectateurs accourus en très grand nombre, à la Bodinière, sous les auspices de l’occultiste Jules Bois.

Les grands journaux mondains de la capitale ont publié des comptes-rendus de ces deux exhibitions avec force détails. Il nous suffît de constater que le Hiérophante et la Grande Prêtresse, Ramsès et Anari, sont le Comte et la Comtesse Mac Gregor, écossais et amis de miss Maud Gonne.

Mme Mac Gregor, à la suite d’une apparition d’Isis, ayant été persuadée qu’elle avait pour mission de rétablir le culte de cette déesse, a consenti à donner sur la scène de la Bodinière, une représentation des cérémonies isiaques.

À droite et à gauche, sur des chaises, à défaut de statues, étaient posées des toiles représentant, sommairement peintes, les images de l’époux d’Isis, de la femme-sœur de celui-ci, et de deux autres dieux de moindre importance. Jules Bois expliqua tout cela ; puis, on introduisit une jeune personne vêtue de longs voiles blancs, « une néophyte parisienne », nous affirma le conférencier. Elle récita des vers français en l’honneur d’Isis.

Alors apparurent l’hiérophante Ramsès et la grande prêtresse Anari, à l’antique manière, tenant d’une main des tiges de lotus artificiel, et de l’autre le sistre sacré, qu’ils secouaient à tout propos, dans un grincement de ferblanterie plutôt désagréable.

« Nous croyons, comme nos ancêtres, dit l’Hiérophante, que l’on peut faire descendre dans des statues ou des symboles une force divine. Nous ne sommes pas des monothéistes ; aussi nous a-t-on parfois appelés des idolâtres.

« Mais qu’importe, l’univers qui est Dieu n’est-il pas une grande idole ? Nous sommes des panthéistes, nous croyons que chaque force de l’univers est régie par un dieu. Les dieux sont donc innombrables et infinis. »

En un français martyrisé d’accent britannique Ramsès Mac Gregor fit ses prières devant l’autel de la déesse, petit guéridon où brûlait une bougie. Puis en des gestes remarquables de passion, avec une intonation de voix pénétrante, Anari Mac Gregor, invoqua Isis. C’est elle qui sauva la situation et fit cesser les rires provoqués par les invraisemblances, le burlesque des accessoires !

L’acolyte de Ramsès et d’Anari était une jeune parisienne convertie au culte d’Isis et désignée par l’Hiérophante pour le rôle de mime. Elle représenta la Nature se dépouillant de ses ornements qu’elle consacre à la déesse. Elle dansa sur un rythme archaïque, le Pas des Fleurs, le Pas du Miroir, le Pas de la Chevelure, le Pas des Parfums.

Les dames de l’assistance avaient été prévenues qu’elles pourraient offrir une fleur à Isis, qui ne se refuse pas à « favoriser les vœux les plus secrets du cœur. » Aussi beaucoup de petits bouquets discrets apparurent-ils entre de jolies mains. Les hommes déposèrent sur l’autel des grains de blé afin d’obtenir la « réussite dans les affaires et la fortune. »

« L’hôtel de la rue Mozart est certainement un coin imprévu de Paris. Parmi de précieux débris égyptiens suspendus au mur et entrecoupés de figures magiques, dans une atmosphère crépusculaire et hypnotique de temple, l’Hiérophante traduit « le Livre des morts », ou les plus vieux livres de la Kabbale, tandis que la Prêtresse fabrique elle-même, avec le pinceau et le ciseau, les symboles et les statues des dieux. En un angle de la chambre la plus retirée, sous le masque de la déesse, brûle une petite lampe qui ne s’éteint pas. Et des caves monte la rumeur des machines électriques qui travaillent à l’alchimie. »

Cette tentative publique de restauration des mystères isiaques n’a lieu ni de nous surprendre, ni de nous émouvoir. Elle ne s’adresse qu’à la société ultra-mondaine, légère et avide de spectacles étranges, et n’aura certainement pas de résultats. Mais cette tentative nous fait songer au rôle important et peu connu que joue Isis dans la Maçonnerie et nous profitons de l’actualité pour revenir sur des faits que nos lecteurs ont peut-être perdu de vue.

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En 1885, la Tenue d’installation de la Loge les Adeptes d’Isis-Montyon, rue des Turcies, 22, à l’Orient d’Orléans, fournit au F/ Orateur de ce nouvel Atelier l’occasion de prononcer le discours suivant sur le Symbolisme du nom d’Isis :

« TT/ CC/ FF/, Dieu se manifeste par le soleil, voilà le fond de la doctrine secrète de Misraïm. Un Dieu abstrait, tel que l’a conçu la pensée subtile des Platon, des Aristote, des Descartes, des Spinoza, des Hegel, n’a jamais été compris de l’Humanité ! Elle cherchait un Dieu vivant, dont elle sentît la lumière et constatât la vigueur. Les Loges égyptiennes, nos aïeules vén/ adoraient l’énergie du monde, l’unité des forces physiques sous l’emblème du père de la clarté, l’astre étincelant qui règle le jour et divise les saisons. L’Unité, le Monisme, comme on dit aujourd’hui, constituaient l’étoffe du dogme et cette unité, ce monisme, se cachait sous la multiplicité des formes hiératiques.

« Ptah, Set, Ra, Osiris, offraient des aspects variés de la substance primordiale.

« On multipliait ces formes, on pluralisait ces noms divins. La substance demeurait une et immuable. Les apparences sacrées étaient le vêtement de la pensée des sages. Comme nous, les initiés des hypogées ne reconnaissaient que l’Énergie, le mouvement unique, voilés sous les divins personnages du Panthéon Mystique.

« Prêtons l’oreille aux échos de l’ancienne initiation : “Il traverse l’Éternité, il est pour toujours” disent les maximes d’Ani. “Il est le Maître de l’Éternité sans bornes”, répond le Todtenbuch(2), et il ajoute : “On ne le saisit pas par les mains.” Le papyrus Harris nous révèle qu’“il est le prodige des formes sacrées que nul ne comprend ; que son étendue se dilate sans limites.” Et le Todtenbuch dit encore : “Ce qui est est dans son sein. Ce qui n’est pas vit dans son flanc.”

« Aussi le secret des mystères était-il imposé aux adeptes. On leur ordonnait de couvrir d’un voile tout ce qu’ils avaient vu dans les assemblées.

« MARIETTE-BEY, l’illustre égyptologue, a déchiffré sous les hiéroglyphes du monument d’Abydos, cette pensée remarquable : “La société des dieux se totalise en un seul cœur.” Le mot Vérité “MA”, l’idée que renferme ce mot étaient représentés par un signe maçonnique, la règleMaat”. Et le nom “d’œuvres de vérité” était donné aux ouvrages parfaits des compagnons égyptiens.

« Le soleil était donc la manifestation divine, le corps de Dieu. “Dieu, dit le Papyrus magique cité plus haut, Dieu se cache dans la prunelle de l’astre et rayonne par son œil lumineux.” Et Dieu ainsi figuré se nommait Ammon-Ra. Le soleil exprimait le mouvement éternel, par son aurore et par son couchant glorieux. Le drame solaire, c’était l’histoire de Dieu. Et à chacune des phases de ce drame, quand l’astre se levait à l’Orient, quand il flamboyait dans son midi, ou quand il s’ensevelissait dans les pourpres de l’Occident, l’Initiation faisait correspondre une appellation différente du principe absolu.

« Le soleil engendrait ses phases diurnes et nocturnes en forniquant en lui-même, dit le Todtenbuch. Il s’appelait Apis, Mnevis, Ptah, Noum, Anouké, Sati, Tot, Safek, Selk, Shou et se balançait entre Nout et Seb, c’est-à-dire entre le ciel immense et la terre féconde.

« Les vertus productives de l’astre prenaient des noms de déesses : Sekhet, Efnout, Menhit, Bast et surtout d’Isis.

« Étudions le symbolisme de ce nom mystérieux dont l’attrait captiva les générations disparues qui le proclamaient comme le nom de la Reine du Ciel.

« Le Dieu-Soleil, sous le nom de Ra, achève sa course éclatante, il entre dans le crépuscule du soir, sous le nom de Toum ou d’Atoum. À peine a-t-il disparu dans son abîme occidental, pendant que l’horizon est encore teint de ses couleurs violettes, que les adeptes s’écrient dans les Loges ou sous les portiques à côté des sphinx de granit rose : “Adoration à Toum qui se couche dans le pays de la vie. Salut à toi, père des Dieux ! va rejoindre ta mère et cache-toi dans ses bras !” Et cette déesse mère de Dieu, c’est le ciel de la nuit, c’est Hathor. Du sein de la nuit, des entrailles d’Hathor, s’élance le soleil levant, l’œil lumineux d’Horus. Il recommence sa course éternelle à travers l’étendue.

Chaque Être s’écrie :

C’est lui ! c’est le jour !

C’est lui ! c’est la vie !

C’est lui ! c’est l’amour !

« Le soleil ressuscité, voilà Horus ! Tant qu’il est demeuré dans les bras de la nuit, il s’appelait Osiris, le soleil nocturne, fils de Seb, c’est-à-dire fils de la Terre enveloppée dans les ténèbres. Il éclairait la demeure des morts. Sa légende est illustre, et par plusieurs points rappelle la légende du maître tyrien Hiram.

« Osiris régnait sur les mondes. Seb son frère, obscur et jaloux, l’attira dans un festin, lui demanda le mot de la vie et, sur son refus, le tua. Il divisa le corps en vingt-six parties qu’il dispersa dans toutes les directions cardinales.

« Isis, femme et sœur d’Osiris, s’élança à sa recherche. Échevelée et les seins meurtris, elle suivit les bords du Nil, demandant aux fleurs de Lotus bleu, où était le corps du Dieu trahi. Elle rassembla enfin les membres mutilés et les fit embaumer par Anubis le guide des chemins d’outre tombe.

« Le Dieu ressuscita comme Hiram, mais il ressuscita sous la forme d’un radieux enfant, le bel Horus, à la fois époux et fils de la déesse. Horus immola Seb, le meurtrier, et fit régner la justice dans les trois hémisphères.

« Telle est la sainte légende Maçonnique des Égyptiens. Osiris mort, c’est le soleil couchant ; c’est aussi l’homme décomposé par le trépas. Mais le soleil couchant se lève dans les lueurs frissonnantes de l’aube et l’enfant succède au vieillard disparu. La mort est vaincue par l’immortalité, comme Seb est vaincu par Horus. Isis est le principe féminin, le réservoir qui recueille la mort et fait germer la vie. Ainsi la terre absorbe la semence et rend l’épi doré qui nourrit la race humaine. Isis est symbolisée dans nos Temples par le G… qui luit sur l’Orient(3).

« Isis était la grande déesse d’Égypte, son culte passa en Grèce, de Grèce en Italie ; d’Italie les légions romaines le transportèrent dans notre Gaule, sur notre terre Carnute, dans les plaines d’Isy et d’Ezy (Beauce), à Iseure (Allier), à Yreux (Somme) et dans les localités nombreuses de la patrie Celtique.

« Aujourd’hui, son vocable Vénéré décore notre Loge nouvelle et le Gr/ O/ associe son éclat à l’éclat traditionnel de ce grand nom. Salut à leur double lumière. Mais ce n’est pas, Resp/ FF/, pour relever les autels de la divinité chassée par le Naz/(4) que nous avons ouvert un Atel/ sous les auspices d’un nom jadis plein de prestige. Nous n’adorons pas les symboles. Ils ne sont pour nous que le voile transparent des idées.

« Isis figure la Femme, l’être gracieux, puissant et doux par qui l’espèce intelligente se continue dans ce monde.

« Elle est la veuve de la légende Hiramique. Ceux à qui l’acacia est connu(5), n’ignorent pas le sens et le secret de son influence souveraine.

« Elle symbolise la nature, la génératrice des choses, la grande mère universelle, la source de la vie, la matière et le mouvement. Et cette force immanente que notre langue secrète appelle le G/ A/ d/ l’/ U/, Apulée, l’hiérophante, la célébrait dans ses Métamorphoses.

« Enfin, elle représente pour nous, dans cette lutte incessante que nous soutenons contre toutes les erreurs et contre tous les préjugés : la Recherche de la vérité.

« Vérité dispersée dans le “cosmos” et dans l’intelligence, comme les parties du corps immolé d’Osiris.

« Vérité que la raison cherche le long des fleuves du Savoir, comme Isis cherchait les membres du Dieu le long du Nil couvert de Lotus.

« Vérité dont nous recueillons les fragments épars comme la déesse recueillait ceux de son époux divin.

« Vérité enfin qui s’anime à la vie, sous les baisers passionnés de la science, comme l’enfant Horus sous les baisers et les larmes de la déesse.

« Voilà, Resp/ FF/, notre religion Maçon/. Cette vérité, nous la demandons à l’expérience, à la réflexion, à l’étude, à la matière, à l’esprit, nous scrutons les lois du monde physique, les lois du monde moral. Nous plongeons dans l’Océan de l’Idée, non pas comme le plongeur de la ballade pour rapporter des profondeurs la coupe d’or du vieux roi de Thulé, mais pour rapporter, s’il est possible, le secret de la philosophie.

« Voilà notre Isis, voilà notre culte, Resp/ FF/, voilà le but de nos travaux.

« Que cette fête solennelle soit un jour de triomphe et d’espoir, un jour de fraternelle aspiration vers le progrès que consacrera l’avenir.

« Tr/ Ill/ délégué du Gr/ Or/ ! Vous êtes le représentant de la vraie lumière. Nous vous saluons et nous inaugurons nos Trav/ sous votre heureuse direction.

« Tr/ C/ Vén/ ! Vous siégez à cet Or/ sous le G. symbolique. Nous vénérons votre personne et vos fonctions augustes. Vous tous, mes FF/ App/ Comp/ et Maît/, aimez les symboles de vos grades, étudiez leur sens profond, leur secret intime. Hiram, Vén/ MM/, c’est la Liberté tuée par les tyrans ; comme Osiris, c’est la vérité tuée par les fanatiques. La science a ressuscité Osiris comme la Révolution a ressuscité Hiram. Le soleil de 1789 illumine notre Or/. Nous avons donné sa formule à la Révolution française, Liberté, Égalité. Fraternité. Ces trois sœurs républicaines sont sorties des Loges des Maçons.

« App/ Comp/ et Maît/, nous avons un but, la délivrance du monde prof/ de toutes les ignorances et de toutes les servitudes.

« Saluons donc, au sein de cet Atel/ qui s’honore de porter son nom, la grande figure symbolique d’Isis. Son sein superbe est ouvert aux fortunés enfants de la V/.

« Vérité ! Liberté ! passion des âmes fières, amour des esprits virils ! Vous serez les présidentes de nos tenues ; et nous plaçons sous votre égide, au point géométrique où nous sommes réunis, à l’O/ du vieil Orléans, cette révérende L/ d’Isis Montyon, son rite, ses mystères et son temple :

« Vivat ! Vivat !

« Semper Vivat !

« (Applaudissements prolongés.) ».

(Chaîne d’Union de Paris, Journal de la Maçonnerie Universelle, mai 1886, pages 195, 196 et 197.)

Le F/ E. E. Hubert, directeur de la Chaîne d’Union, décerna de grands éloges à « ce morceau d’architecture » qu’il recommanda « à tous les franc-maçons comme une admirable étude ». (Chaîne d’Union de Paris, etc., février 1887, page 66.)

Il avait fallu, en effet, une admirable adresse au F/ Orateur pour cacher aux Apprentis et aux Compagnons ce qui ne devait être connu que des maçons parvenus au moins à la Maîtrise.

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De la France Chrétienne, du 2 juillet 1903 :

Depuis l’exhibition, assez grotesque du reste, de 1899, le Grand-Prêtre Rhamsès et la Grande-Prêtresse Anari étaient rentrés dans l’ombre, nous allions écrire dans la coulisse. Ils viennent d’en sortir et nous empruntons au Figaro, du 21 juin, le récit qui suit :

La Vie de Paris – « Une Messe d’Isis »

Voulez-vous assister à une messe d’Isis ?

— Une messe d’Isis ? La déesse Isis a encore des adeptes ?…

— Vous pourrez vous en convaincre en venant demain soir à la messe qui sera célébrée par le comte et la comtesse Mac-Gregor, grands prêtres des Isiaques.

Hier, lendemain du jour où cette invitation m’était adressée, à l’heure indiquée, je gravissais rue Juliette-Lamber l’escalier de l’élégant et discret hôtel d’un peintre parisien. Cet escalier aboutissait à un salon qui donnait lui-même sur un atelier spacieux et faiblement éclairé. Au fond, un grand autel, deviné à travers la transparence de deux longs voiles de gaze noire descendus d’une loggia sur laquelle se tiennent des joueuses de sistre et de harpe.

Devant l’autel, une cinquantaine de fidèles, en habit noir ou toilette de soirée, attendent dans le plus profond recueillement le commencement de la cérémonie. Dans le nombre, quelques figures parisiennes : un monsieur qui ressemble étrangement à un de nos directeurs de théâtre subventionné ; un peintre connu, un auditeur à la Cour des comptes. Je suis à peine installé que, derrière les voiles de gaze noire, deux formes blanches apparaissent.

Ce sont les prêtresses qui, vêtues de leurs longues colasiris, viennent se placer de chaque côté de l’autel, sous la lumière indécise des veilleuses sacrées qui tremblent en leur cornet d’albâtre. Le grand prêtre les suit presque immédiatement ; il écarte les voiles mystérieux et, après avoir salué les fidèles rappelle, dans un français empreint d’un fort accent britannique, qu’ils vont évoquer Isis, la déesse toute-puissante, mère d’Horus et femme d’Osiris, Isis dont le culte s’est transmis intact à travers les siècles, comme les momies qui sommeillent au fond des Pyramides.

Après une courte péroraison dans laquelle il invite ses auditeurs au recueillement, le grand prêtre écarte les voiles de gaze noire, montrant aussi comment le jour succède à la nuit.

Les prêtresses apparaissent alors dans leur immobilité hiératique près des lampes à sept becs dont la lueur vacille, et parmi les vapeurs du nard et du cinnamome.

Et, entre les officiants, commence la longue et monotone mélopée où sont exaltées les vertus de la toute-puissante déesse :

— Isis qui fait germer le grain dans la terre et répand sur les humains une chaleur bienfaisante : Isis, reine de la vie, des désirs et de la fécondité ; Isis, bonne déesse, déesse omnipotente et éternelle…

Un pizzicato de harpes vient scander la mélopée et voici que, devant l’autel, les prêtresses se balancent en inclinant leurs bras de droite et de gauche.

Le grand prêtre a saisi un tambourin et le miroir magique. Il s’agenouille tandis que les pancartes de papyrus couvertes d’hiéroglyphes qui tapissaient le fond de l’autel glissent, faisant apercevoir dans un recul mystérieux la déesse, vêtue de ses habits sacerdotaux et immobile dans la niche que piquent de points multicolores les petites lampes électriques.

Les assistants se sont prosternés en même temps que de la loggia jaillissait un hymne de gloire.

Les sistres et les harpes scandent les stances qui sont reprises par le chœur, cependant que, frénétiques, les prêtresses agitent devant l’autel des gerbes fleuries.

Tous les symboles du bien et du mal, de la chair et de l’esprit, du mensonge et de la vérité, sont expliqués par le grand prêtre et repris par les assistants.

Et, dans cet atelier où, pour quelques instants, sont ressuscitées les coutumes mystiques instituées il y a quarante siècles, rien n’est plus curieux que le contraste offert par ces physionomies parisiennes, ordinairement sceptiques, et maintenant respectueusement attentives devant le geste religieux du comte et de la comtesse Mac-Gregor.

Maurice Duplessy.

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Nous avons fait à dessein composer en italique une partie du paragraphe ci-dessus.

Au moment où le catholicisme est indignement persécuté, les réflexions même figaresques de notre confrère, M. Duplessy, sont à méditer.

Tandis que de vils sectaires combattent, à outrance, la morale divine et pure du Christianisme, des farceurs voudraient la voir remplacée définitivement par les orgiaques mystères du plus honteux paganisme, ceux d’Isis, notamment !

Collège du Saint-Nom

Ce Collège fut organisé pour l’étude et la pratique du Mot Divinité. Son sceau est un cercle avec deux diamètres, l’un horizontal et un perpendiculaire, sur le cercle horizontal est gravé le mot : « Intelligence » et sur le cercle perpendiculaire est inscrit : « Volonté ». M. Carrie Darling Mc. Lauglin en est le Principal, 1346, Riggs Street, N. W., Washington, D. C.

Confrérie Fraternelle

Fondée en 1896. Pas de Grande Loge. Loges subordonnées 564 ; membres 50,352. Président, J. A. Foshay ; Vice-Présidente, Emma de Neidig ; Secrétaire, H. V. Davis ; Trésorier, William Mead. Tous à Los Angeles, Californie.

Degrés Maçonniques Alliés

Souverain Collège des Degrés Maçonniques Alliés pour les États-Unis de l’Amérique.

Le Souverain Collège gouverne les Degrés d’Arche Marinière, Moniteurs Secrets, Tuileurs de Salomon, Saint-Laurent-le-Martyr, Chevaliers de Constantinople, Ordre Sacré et Saint de la Sagesse, Chevaliers Trinitaires de Saint-Jean de Patmos, et il est en communion avec le Grand Conseil des Degrés Maçonniques Alliés d’Angleterre, le Grand Conseil de l’Arche Marinière d’Angleterre et le Grand Conseil des Moniteurs Secrets d’Angleterre.

C’est le seul Corps Maçonnique qui confère en plus des degrés rituéliques, les degrés académiques qui donnent l’honoris causa.

Le plus grand honneur de cette sorte est celui de « Docteur de la Maçonnerie Universelle ». Les FF/ MM/ qui suivent en sont possesseurs :

Le prince Démétrius Rhodocanakis, de Grèce ;

Le comte d’Euston et William James Hughan, d’Angleterre ;

D. Murray Lyon, d’Écosse ;

et Josiah H. Drummond, de Portland, Maine.

Les offices du Souverain Collège sont à Richmond, Va.

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Druides

Les rites Druidiques furent pratiqués d’abord en Bretagne et en Gaule et furent portés au plus haut degré de perfection dans la première de ces contrées où l’île d’Anglesey fut longtemps considérée comme leur principal quartier général.

Le mot Druid a été supposé comme étant dérivé du Grec Drus ou au moins du Celtique Derw, un chêne, arbre spécialement sacré parmi eux ; mais j’incline, dit le 33e Albert G. Mackey dans son Dictionnaire Maçonnique (pages 77 et suiv. ; édition de Hull, décembre 1883), à demander son étymologie au mot Gaélique Druidh, qui signifiait un homme savant, ou un magicien.

D’après Olivier, les cérémonies de l’initiation Druidique primitive, « avaient quelques rapports avec le sauvetage de Noé et de ses sept compagnons dans l’arche. »

Tous les anciens mystères apparaissent avoir été inspirés par l’arche de Noé dans leurs caractères généraux. Ils occupaient dans l’initiation des places affectant des formes variées : circulaires parce que le cercle était emblème de l’univers ; ou ovales, allusion à l’œuf du monde, d’où, prétendaient les Égyptiens, nos premiers parents seraient sortis ; ou serpentines, parce que un serpent était le symbole de Hou, le Noé Druidique ; ou ailé (serpent) pour représenter le mouvement de l’Esprit Divin ; ou cruciforme, parce qu’une croix était l’emblème de la génération. Ils n’avaient pour couverture que la voûte des nuages parce qu’ils regardaient comme absurde de confiner le Tout-Puissant sous une toiture.

Nul ne pouvait pénétrer dans la retraite sacrée des Druides sans avoir brisé une chaîne.

Le chef des prêtres ou hiérophante était nommé l’Archidruide.

Les grandes périodes de l’initiation avaient lieu aux équinoxes et aux solstices. La principale fête était, dit M. Higgins (Celtic Druids, p. 149) fixée au 1er Mai, qui est la date de l’entrée du Soleil dans le signe du Taureau, et le Jour de Mai est encore célébré parmi nous comme une réminiscence des rites Druidiques. Il n’est pas loisible de connaître les cérémonies Druidiques ou leurs doctrines par écrit, puisque nous le savons par Jules César et, depuis, par les anciens écrivains grecs et romains : nul n’a été capable de nous fournir le moindre renseignement à ce sujet.

L’institution était divisée en trois classes ou degrés ; on commençait par être Barde, puis on devenait Faids ou Vates ; le plus élevé était le Druide. Beaucoup de préparations mentales et de purifications physiques étaient exigées pour l’admission au premier degré. L’aspirant était revêtu d’une robe aux couleurs sacrées, blanche, bleue et verte. Le blanc symbolisait la Lumière, le bleu la Vérité et le vert l’Espérance. Lorsque les épreuves rituéliques de l’initiation étaient passées, la robe tricolore était changée en une tunique verte. Dans le second degré le candidat était vêtu de bleu ; et, ayant surmonté les dangers du troisième, arrivé au sommet de la perfection, le récipiendaire était gratifié d’une tiare rouge et d’un manteau flottant, du blanc le plus immaculé.

Les cérémonies initiatiques étaient nombreuses, les épreuves physiques pénibles et les interrogations faisaient pâlir d’effroi. Les Druides commençaient, au premier degré, par placer le postulant sur le pastos(6), lit ou cercueil, où sa mort symbolique était figurée ; et ils terminaient, au troisième degré par sa régénération ou restauration à la vie du sein de la géante Ceridevin et en confiant aux flots le corps du nouveau-né dans une barque, symbolique de l’Arche. Le résultat était, généralement, qu’il réussissait à atteindre le port de salut représentant le Mont Ararat, mais si son bras avait faibli ou si le cœur lui avait manqué, la mort était toujours l’inévitable conséquence de l’aventure. S’il refusait les épreuves par timidité, il était rejeté avec mépris et déclaré pour jamais inéligible aux rites sacrés. Si au contraire, il osait et triomphait, il était joyeusement investi de tous les privilèges du Druidisme.

(À suivre.)

A. C. de la Rive.