Francmaçonnerie
et Sociétés Secrètes
(suite)
IX(*)

Druides (Complément)

C’est ainsi que les dieux des Aryas, Indra, Agni, Varouna devinrent à la suite des transformations séculaires, Ésus, Bélénos et Camoul. Les dernières populations de sang celtique se fixèrent pendant longtemps entre le Weser et le Rhin, comme sur la longue ligne du Haut-Danube ; aussi l’Allemagne actuelle, avant de s’appeler Germania, s’appela-t-elle Gallia(1). Les populations reprirent leurs migrations vers l’Ouest au quatrième siècle avant notre ère, à l’arrivée sur le Weser des Gothons, premiers barbares de race germanique, et, franchissant le Rhin(2), elles achevèrent de former dans le nord, sous le nom de Belges, la famille gauloise, d’où elles se répandirent dans la Bretagne, dans la Calédonie et plus tard sur les rivages de l’Irlande. Les Belges pratiquaient aussi le culte druidique, car le collège de Druides le plus célèbre, avec celui de Chartres, était celui de l’Île de Bretagne. César dit même que la doctrine druidique fut découverte dans cette île. Et en effet, les Phéniciens, qui avaient, comme la plupart des peuples orientaux, leur collège de prêtres et qui faisaient leur commerce le long des côtes de la Gaule et de toutes ces îles nommées par eux Cassitérides y étaient représentés par leur Hercule tyrien, dont les attributs, ainsi que ceux d’Ogmios, le dieu des lettres ou de l’instruction, finirent par être reportés sur le dieu celtique Teutatès. Ce fut la dernière évolution du druidisme. C’est ainsi que le naturalisme, ou plutôt ce grand vitalisme des tribus pastorales et guerrières de l’Arye se transforma graduellement pendant l’âge de leurs émigrations pour devenir le druidisme, ainsi qu’en Gaule, comme il le fit aussi pour les Aryas du Paropamise, du Pendjab et de l’Inde, pendant leurs longues courses errantes, pour devenir, avec une caste sacerdotale également très puissante, le brahmanisme des bords du Sind et du Gange(3). En Occident, le développement progressif du druidisme avait été parallèle à celui de la nationalité gauloise.

Et maintenant, quels étaient les dieux des Gaulois, ou plutôt, puisque les écrivains anciens ne nous les ont guère fait connaître que sous des noms romains, à quelle divinité celtique correspondait chaque divinité latine ? Les principaux dieux gaulois, suivant César, étaient : Mercure, Apollon, Mars, Jupiter, Minerve et Dis Pater, c’est-à-dire pour les Romains, Pluton(4). Hésus ou Ésus correspondait au Jupiter des Romains. Tout le prouve, d’abord c’est le même nom que celui de Zeus, le grand dieu des Peslages, que celui de Æsu, l’un des surnoms d’Indra, dans le Rig-Véda, que l’Aisa, ou Destin, des Hellènes, que les Ases de Woden, et enfin que l’Æsar, le grand dieu des Étrusques. Sur l’autel du Musée de Cluny, Ésus cueillant une branche de chêne est, en face du Jupiter romain, comme Vulcain, le dieu du travail dans les villes, est en face du Tauros Trigaranos, symbole du travail agricole chez les Celtes. Donc, Ésus est le dieu par excellence, l’Indra des chantres védiques, le dieu non pas unique, pas plus qu’Indra en Arye, mais le dieu suprême des Gaulois.

Les Druides avaient conservé ce penchant des prêtres aryas à représenter, sous deux formes différentes, deux attributs distincts d’une même divinité. Le dieu Tarann des Celtes était encore Jupiter, mais Jupiter, armé de la foudre, ce que prouvent beaucoup d’inscriptions Jovi Terano(5), Tarannico, découvertes dans toutes les régions celtiques.

Le Bélénos gaulois répondait à l’Apollon des romains. Beaucoup d’inscriptions Apollini Beleno(6), le montrent aussi, et dans toutes les contrées occupées par la race celtique. Au dire de César, ce Bélénos était avant tout le dieu de la médecine, de la santé et de la force physique(7). À ce titre, il présidait aux eaux thermales, sous divers surnoms, Apollini Granno, par exemple, pour Aix-la-Chapelle, Aquæ granni. Le dieu Belin, dont parle Hérodien, et que les Gaulois de la Gaule transpadane assimilaient à Apollon, était la divinité d’une source de ce genre(8). À Autun, une autre source d’eaux thermales, consacrée à Bélénos avait, sorte d’ordalie celtique analogue à celle des eaux du Rhin, la vertu de découvrir les parjures(9). Bélénos présidait encore aux plantes médicinales, dont plusieurs portaient son nom ; par exemple, le belinuntia, la jusquiame, l’apollinaire de Pline l’Ancien, que l’on appelle encore vulgairement aujourd’hui herbe de Sainte-Apolline ; par exemple encore le beliucandar, notre mille-feuille, l’achillée classique, pour guérir les blessures. C’est une prêtresse d’Apollon qui, dans Virgile, enfant de la Gaule cisalpine, indique la forêt où se cachait le rameau d’or qui ouvrait les portes d’un autre monde, et qui était le gui druidique, comme le doux poète l’indique assez lui-même. En Aquitaine, Bélénos était adoré sous le nom d’Abellio(10). Son culte était donc répandu dans toute la Gaule. Il était aussi personnifié dans le soleil, l’astre aux effluves vivifiantes, le principe de la fécondité, de la jeunesse et de la vie, l’époux de la terre. Grian, d’où Grannus en gallois, Béa ou Bel, en irlandais, signifient également le soleil ; Béal ou Bel, d’où Belltaine, nom de ces feux allumés partout au premier mai, au temps de la fête de Flore, sur le Beuvray, pour célébrer le retour du printemps et l’hymen de la nature. On sait qu’on allume encore ces feux de la Saint-Jean, par tradition, sur les montagnes, dans les villes de certaines provinces plus purement celtiques, l’Auvergne, la Franche-Comté, le Morvan. Les druides faisaient passer les troupeaux entre ces feux de mai, Belltaine, pour les préserver des maladies pendant toute l’année(11).

(À suivre.)