Francmaçonnerie
et Sociétés Secrètes
(suite)
XII(*)

Druides (Complément)

À la mort de Divitiac, on lui éleva un tombeau d’un style romain, dans le genre de celui de Cécilia Métella(1). On le voit encore non loin d’Autun, où on le connaît sous le nom de tombeau du général Divitiac. On a oublié qu’il était druide. César ne lui donne pas une seule fois ce nom, et on l’ignorerait entièrement, sans un mot échappé à la plume de Cicéron, qui lui avait donné l’hospitalité chez lui pendant son séjour à Rome. Comment ces druides auraient-ils continué, comme autrefois, à enseigner cette doctrine de l’immortalité de l’âme, qui enflammait encore le courage des Gaulois ? C’était précisément ce courage patriotique qu’ils devaient redouter, depuis qu’ils avaient uni leurs intérêts à ceux des Romains. Au reste César avoue tout le premier, qu’en effet, sous ce rapport, les Gaulois baissaient depuis quelque temps, et la raison qu’il en donne, et celle que nous donnons nous-même, c’est que leur contact avec les Romains les énervait. Heureux de ce secours inattendu qui lui venait de ses adversaires mêmes, il avait grand soin de soutenir les druides dans leurs prétentions à la puissance. À Bibracte, les deux partis ou fédérations ayant, dans leur rivalité, élu chacun un vergobret, il donna la préférence au candidat des druides, Convictolitan. Il dit qu’il se conformait ainsi à la légalité, ce qui était vrai, mais le même scrupule ne le touchait guère quand il établissait des rois(2) chez les Carnutes, chez les Sénonais et dans beaucoup d’autres cités. D’autres collèges druidiques, surtout le premier de tous, celui des Carnutes, restèrent, il est vrai, fidèles à la cause nationale, et Vercingétorix avait eu soin de les associer à son entreprise ; mais César ne croyait pas à l’influence religieuse. Lui-même était grand pontife à Rome, titre qu’il s’était fait donner à force d’argent ; il n’avait, non seulement aucune conviction religieuse, mais aucune conviction morale, ayant nié un jour, au milieu d’une séance du Sénat, précisément ce dogme de l’immortalité de l’âme, base de la religion gauloise. Quand les druides l’enseignaient, il croyait que c’était pour tromper le peuple, et il en parle lui-même en termes ironiques. « Les druides, dit-il, voudraient surtout faire croire (imprimis volunt persuadere) que les âmes sont immortelles. » Voilà pourquoi les druides, malgré de glorieuses exceptions, paraissent intervenir dans cette guerre moins qu’on ne s’y serait attendu. César, Strabon, Pline l’Ancien les nomment, sans les regarder comme druides, puisque, oubliant leur caractère sacré, ils s’étaient jetés dans toutes les fonctions publiques pour satisfaire leur ambition. C’étaient des généraux, des députés, des chefs de parti, ce n’étaient plus des prêtres. Leur influence religieuse ne pouvait que s’affaiblir et disparaître, après cette sorte de profanation ; et, pour conserver, retrouver ou augmenter leur puissance, beaucoup d’entre eux avaient fini par oublier tous leurs devoirs envers la patrie et s’étaient jetés du côté des Romains.