Mme H.-P. Blavatsky
et la Maçonnerie
(suite)(*)

L’esprit vivifie, féconde la matière, et tout ici-bas procède de ce point central, de ce foyer de chaleur, de lumière, de vie, dont le feu terrestre est la représentation et l’image.

Ce signe de la génération universelle, ce signe de la force, de la vie, du salut, cette croix, avec ou sans son cercle, a été trouvée par toute la terre, et aux époques les plus différentes.

Dans le groupe des Îles de la Reine Charlotte, la croix ansée est le signe désignant le médecin.

La Nature, à propos du rapport fait à l’Association Britannique sur cette découverte, dit que cette découverte a une véritable importance, attendu que les Îles Charlotte forment un groupe isolé au nord de l’Océan Pacifique.

Ce symbole, dit aussi M. Haliburton, était connu des Indiens, qui le gravaient sur de larges feuilles de cuivre, auxquelles ils donnaient alors la plus grande valeur. Et ce signe, ils l’appelaient un Tau(1).

La relation qui existe entre ce mot et le signe de la croix est presque générale.

Dans la plupart des endroits où l’on a retrouvé les deux lignes croisées, on voit le mot Tau lié à ce signe.

Notre T est simplement le symbole Tau, qui est devenu Te ou Ti.

Les guérisseurs, les médecins des temps antiques sont représentés quelquefois avec le signe du salut sur la croix ansée(2), ou le Tau sur le front.

Et toujours, dans les mêmes temples des temps les plus reculés, nous retrouvons la croix, et nous la voyons employée comme un signe de salut.

À ces âges lointains, les captifs qui devaient être libérés étaient marqués d’un T ou d’une croix.

Quand Ézéchiel se réfère à ce mot, il ne dit pas autre chose que le Signe. Et ce signe, qui marque les Élus, ceux qui doivent être sauvés, est toujours la croix, le Tau.

Sait-on pourquoi le scarabée est si sacré ?

Qu’on l’examine, et, lorsqu’on aura vu la croix ou le Tau qui se dessine sur son dos, dans des proportions exagérées, on le comprendra aussitôt(3).

On comprendra pourquoi le nom égyptien du scarabée est Thore.

Dans certaines campagnes d’Angleterre, le nom du scarabée est Tor, ou Dor. Un des noms du Dieu que Wilkinson nous montre avec la tête du scarabée, est Tore.

Tous ces faits nous prouvent que l’emploi du signe de la croix date des temps préhistoriques, et que son usage, comme signe protecteur dans le monde, était répandu bien avant la fondation du Christianisme.

Donnons, maintenant, la parole à Mme Blavatsky, avec Isis Dévoilée, pour nous étendre à nouveau sur le Dieu Thor.

« Dans ces vieux chants (Voluspa) du paganisme scandinave, il y a plus que des idées religieuses ; on y trouve des exposés scientifiques de la plus grande valeur. Et Thor, le fils d’Odin, en est un exemple.

« Toutes les fois que cet Hercule du Nord veut saisir la poignée de son arme terrible, le marteau électrique, ou la foudre, il est obligé de mettre ses gants de fer.

« Il porte aussi une ceinture magique qui s’appelle le “ceinturon de force”, et, lorsqu’il en est ceint, son pouvoir céleste est de beaucoup augmenté.

« La tête enguirlandée d’étoiles, il voyage sur son char que traînent deux béliers conduits, retenus, par des freins d’argent.

« Le timon du char se termine par une pointe de fer : les roues lancent des étincelles et courent constamment en grondant sur les nuées orageuses.

« Il brandit son marteau avec une telle force que rien ne lui résiste, et les géants gelés et rebelles contre lesquels il le lance sont annihilés, détruits, en un instant.

« Quand il se rend à la fontaine Urdar, où les Dieux réunis en conclave doivent décider du sort des humains, lui seul est à pied. Les autres Dieux sont montés.

« Il marche, car, s’il traverse Bifrost (l’arc-en-ciel), le pont Œsis aux mille nuances, avec son char bruyant, il craint d’incendier tout sur son passage, et de mettre en même temps les eaux d’Urdar en ébullition.

« Rendu en langage simple et selon notre manière actuelle d’expliquer les phénomènes de la nature, ce mythe nous montre jusqu’à quel point ceux qui lui ont donné sa forme étaient avancés dans la connaissance de l’électricité.

« Ces récits sont un véritable exposé de l’élément, de la force électricité, dont Thor personnifie, en quelque sorte, et les causes et les effets, sous leur double aspect positif et négatif.

« Aussi il ne manie cet élément si singulier que les mains protégées par des gants de fer, le fer étant le conducteur naturel de l’électricité.

« Sa ceinture de force l’encercle bel et bien, et le courant ne peut se diffuser dans l’espace ; il est retenu prisonnier, il ne saurait s’échapper, et doit suivre le chemin, le circuit qu’on lui a tracé.

« Quand Thor parcourt les nuées sur son char rapide, il est l’électricité dans son état actif, comme nous l’affirment les étincelles qui s’échappent des roues et le bruit que rendent les nuées sous leur choc.

« Et n’est-ce pas la pointe de nos paratonnerres, cette pointe de fer qui termine le timon ?

« Les deux béliers, qui lui servent de coursiers(4), sont les anciens symboles familiers du pouvoir régénérateur, et les freins d’argent représentent le principe femelle.

« L’argent est le métal consacré à Luna, Astarté, Diana. Donc, dans les béliers et leurs freins, nous voyons combinés le principe actif et le principe passif, qui, de leur nature, sont en opposition.

« L’un court, agit, l’autre retient, et tous deux fonctionnent sous l’incessante poussée d’une onmipénétrante force : le principe électrique.

« Sous cette impulsion, les deux puissances mâle et femelle, active et passive, positive et négative, s’unissent et se désunissent, entrent dans des combinaisons et en sortent, formant ainsi des corrélations infinies en nombre (sic), dont le résultat final est l’évolution de la nature visible, et dont la couronne de gloire est l’organisation du système planétaire(5).

« Voilà pourquoi Thor mystique, symbolisant l’essence, la substance nouménale(6) même du suppôt (sic) que son marteau représente, nous est montré le front paré d’orbes étincelants.

« Dans sa condition active, sous son aspect phénoménal, c’est le destructeur de tout, même des géants ou forces titaniques, mais de moindre pouvoir que cette puissance de premier ordre.

« Aussi va-t-il à pied, et c’est ainsi qu’il traverse Bifrost, car, devant se mêler à d’autres Dieux moins puissants, ou forces secondaires, il est obligé d’être à l’état latent(7).

« Pour traverser certains milieux, il laisse son char producteur de cet électro-dynamisme, qui, dans son plein jeu, peut tout transformer, tout embraser, tout détruire ici-bas.

« Quant aux hésitations de Thor concernant la source d’Urdar, dont il ne veut point approcher dans son état actif, craignant de la mettre en ébullition par le fait même de sa présence(8), elles ne seront bien comprises de nos physiciens modernes que lorsque les relations réciproques, électro-magnétiques, existant entre les parties innombrables du corps du système planétaire, seront parfaitement connues de ces savants.

« Jusqu’à présent, on commence seulement à supposer qu’une sorte de lien doit exister entre tous ces globes soumis aux mêmes lois.

« Dans les essais scientifiques récents des professeurs Mayer et Sterry Hunt, on trouve quelques aperçus touchant cette vérité.

« Mais les anciens philosophes et savants croyaient, eux, que non seulement les volcans, mais toutes les sources d’eaux bouillantes, étaient produits par une concentration de courants électriques souterrains(9).

« Ils savaient aussi que les dépôts minéraux, de nature si variée, auxquels nous devons les eaux minérales, souveraines pour la santé, n’avaient pas d’autres causes(10).

« Peut-être va-t-on nous objecter que cette manière de voir ne se trouve nulle part clairement exposée dans les anciens auteurs. Cela est vrai. Mais les savants et les érudits de nos jours peuvent-ils affirmer qu’ils ont lu tout ce qui a été écrit et est écrit de par le monde, et peuvent-ils jurer qu’ils ont entre leurs mains, en entier, le gros livre formé des annales complètes de la Science et de la Sagesse des hommes des temps anciens ?

« Les eaux claires et fraîches d’Urdar servaient aux irrigations journalières de l’arbre mystique Mondane, et, si elles avaient été troublées par Thor ou par un courant électro-dynamique, elles se seraient converties en eaux minérales, devenant ainsi tout à fait impropres au but qu’elles devaient remplir.

« Encore une fois, les anciens savaient ce qu’ils disaient, lorsqu’ils annonçaient que sous chaque Mythos se cachait un Logos, ou, en d’autres termes, lorsqu’ils disaient : pas de mythe sans raison, ou bien : une vérité fondamentale se trouve sous chaque fiction. »

Les Eddas

Maintenant, un mot sur les Eddas, donnant quelques détails particuliers sur ces recueils, en ce qui concerne leur découverte.

On connaît deux Eddas ; le plus vieux, l’ancien, fut trouvé par l’évêque Brynjulf Sveinsson, en 1643.

Ce manuscrit est à la Bibliothèque royale de Copenhague, et connu sous le nom de Codex Regius.

L’évêque, trouvant sur sa couverture le nom de Sœmund Froda, fut conduit à supposer que celui-ci en était l’auteur.

C’est une erreur. Ce Sœmund Froda, qui vivait à peu près de 1055 à 1132, ne fut guère qu’un compilateur.

L’ancien Edda est un mélange de poésies, de récits cosmogoniques, théogoniques, historiques, dont quelques-uns d’une date très éloignée, dont d’autres ne font que se répéter.

Le mot Edda ne se trouve nulle part dans aucun écrit de la langue du Nord.

Il fut signalé, pour la première fois, dans de vieux chants populaires, dans des ballades ou lais, et là il est l’équivalent de grand’grand’mère, et c’est de l’usage de ce nom qu’est dérivé le titre de la collection qui le porte.

Toutes les ballades, ou chants, s’appellent des Eddas.

L’autre Edda, en prose, ou Edda Snorro Stusla Sonar, est une compilation probablement faite par Snorro, le fameux historien islandais.

Pourquoi Snorro appelle-t-il son livre sur l’art poétique, Edda ? Personne ne le sait.

Un savant du Nord a émis l’idée, et avec raison, qu’il pouvait bien y avoir une relation entre Edda et Véda(11), et alors il propose de traduire par « Livre de la Sagesse » le livre de la grand’grand’mère, comprenant la Voluspa(12), l’hymne d’ouverture de l’ancien Edda, qui est lui-même un composé d’hymnes de la plus pure nature théosophique et d’hymnes héroïques.

J. L. (M. S. T.)