L’Église Catholique Française(*)(1)

Nous avons reçu la note suivante, que nous nous empressons d’insérer, et qui édifiera pleinement nos lecteurs sur le compte de l’archevêque vieux-catholique d’Angleterre, sous les auspices duquel s’est constituée la nouvelle Église Gallicane :

« Arnold-Harry Mathew ou Mathieu (c’est le même) est un prêtre (catholique jadis), marié, sacré évêque vieux-catholique à Utrecht, par l’archevêque janséniste de cette ville.

« Le susdit Mathieu ou Mathew a sacré à son tour deux prêtres anglais dévoyés, du clergé de Nottingham, et il a écrit au Souverain Pontife pour lui faire connaître ce qu’il avait fait. Par le Bref Gravi jamdiu scandalo, du 11 février 1911, Pie X a excommunié le consécrateur et ses consacrés et a déclaré qu’ils sont à éviter.

« Voilà le triste sire qui veut régénérer l’Église en France, sans mandat et sans pouvoir légitime. Ses pouvoirs viennent de Lucifer, rebelle contre Dieu, et non du Pape, vicaire de Jésus-Christ. »

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D’autre part, on a vu, par un article que nous avons reproduit dans le dernier numéro de la France Antimaçonnique, qu’il existe à Nantes une « cultuelle » vieille-catholique. Pour plus de détails à ce sujet, nous citerons ici les principaux passages d’un autre article, favorable celui-là, publié par M. P. Verdad-Lessard, dès 1911, dans la Religion Universelle, et intitulé « Une Église vieille-catholique à Nantes » :

« Sur les hauteurs de Nantes, au Mont Saint-Bernard, dans une petite rue où habitent des gens très pauvres, est venu l’abbé Fataum, prêtre catholique rattaché à la vieille Église d’Utrecht, établir une mission religieuse et une Église. L’abbé Fatum est un homme simple et bon qui aime Jésus-Christ et son Église et qui n’apporte, dans les plis de sa robe de prêtre, aucune haine cléricale. Il est catholique de l’ancienne Église, celle qui ne veut pas aller au-delà du viiie siècle, et il reste catholique de cette manière. L’abbé Fataum est donc venu s’installer sur les hauteurs de Nantes, dans une grange qu’il n’a pas trop mal transformée en chapelle, en Église (sic), car à ses yeux c’est une Église et une paroisse qu’il fonde, qu’il a fondée sous le vocable de Saint-Grégoire. Nous sommes allé un de ces derniers dimanches assister à sa grand’messe. Nous y avons rencontré une cinquantaine de fidèles, hommes et femmes, et la cérémonie s’est déroulée dans une piété réelle, touchante, édifiante pour qui réfléchit à ce milieu dans lequel opère l’abbé Fataum, milieu essentiellement pauvre, essentiellement ouvrier, où la religion est combattue, ridiculisée, où les enfants naissent presque tous en dehors d’unions régulières et où ces pauvres petits ne sont pas baptisés.

« Le culte se fait en français. Les chants sont justes. L’abbé Fataum, qui est un peu musicien, les a bien réglés et adoptés (sic) sur les airs des églises romaines, ce qui permet aux fidèles de suivre le culte et de chanter à l’unisson les chants pieux sur des airs connus. Le sermon de l’abbé Fataum a été très approprié à la mentalité de ses auditeurs.

« Nous avons dit que l’abbé Fataum appartenait à l’église (sic) vieille-catholique d’Utrecht. Nous sommes pour la liberté d’action et la liberté de pensée, mais nous demandons, à propos des anciens-catholiques, pourquoi ils veulent s’arrêter au viiie siècle de l’ère chrétienne. Le dernier concile eucuménique (sic) qu’ils reconnaissent date de là, paraît-il. Nous avons pour cette église (sic) d’Utrecht une affection vraie, mais nous ne comprenons pas pourquoi l’Église universelle (catholique dans le sens élevé du mot) veut s’arrêter au viiie siècle dans son développement et l’épanouissement de ses dogmes. l’Église catholique romaine, toute (sic) immobile qu’elle veut paraître, n’a pas ce désavantage : chez elle, les dogmes sont toujours en mouvement et s’épanouissent dans un processus voulu et utile à la vie et au maintien de la vie mystique de cette église (sic), qui se tue aux yeux de ses adversaires moins par des dogmes prétendus absurdes et contradictoires à la pensée chrétienne primitive que par l’intolérance et la prétention de son clergé à s’ingérer dans tout ce qui déplaît à l’homme éclairé, et qui s’occupe beaucoup plus de politique que de religion (?).

« L’église (sic) romaine, d’ailleurs, opère sur un autre terrain que nous, prêtres des temps qui viennent. Elle prêche des gens qui disent toujours : Amen ! Nous, nous allons aux brebis perdues, aux âmes égarées, aux troupeaux abandonnés, à ceux qui rejettent Rome et Dieu et le Christ tout à la fois, à ceux qui n’ont plus de religion, plus de force, plus de vie, plus de consolations, plus d’espérances. Nous descendons, comme le Maître, aux enfers, et nous tendons nos mains aux damnés, aux misérables, aux éprouvés, au peuple surtout pour lui donner un idéal, et l’aider à fonder l’ordre social de ses rêves, mais sur le Christ et avec le Christ, car toutes les solutions sociales sont dans le Christ, rien qu’avec le Christ. »

L’ancien disciple du F/ Fauvety, qui est d’origine protestante, est fort peu qualifié, disons-le en passant, pour porter, comme il le fait avec tant d’assurance, un jugement quelconque sur le Catholicisme !

Maintenant, nous nous demandons si la « cultuelle » vieille-catholique de Nantes va adhérer à l’Église Catholique Française, ce qui ne serait que logique, puisque l’une et l’autre procèdent également de la même Église d’Utrecht, qui semble se qualifier à peu près indifféremment de janséniste ou de vieille-catholique. Il y a peut-être une petite difficulté : c’est que les offices, à Nantes, se font en français, tandis que l’Église Catholique Française, nous l’avons vu, « emploie le latin comme langue liturgique » ; mais qu’est-ce que cela pour des gens qui doivent tous avoir plus ou moins en vue, comme feu l’abbé Julio, de triste mémoire, « l’union sociale des Églises »… schismatiques ?

D’un autre côté, on sait que M. Verdad-Lessard se rattache au « néo-gnosticisme » (distinct du Gnosticisme traditionnel), dont le Patriarche est le trop célèbre « Jean II Bricaud ». Il est même, depuis deux ans environ, « évêque gnostique d’Armorique » ; il a annoncé son élévation à cette dignité par une « Lettre à ses frères et sœurs en Humanité », parue en 1912 dans la Religion Universelle, et de laquelle nous extrayons encore les quelques passages suivants :

« L’année dernière, nous reçûmes, au moment de nos nouveaux malheurs et de nos ruines nouvelles, une lettre du Patriarche Jean II, nous annonçant que le saint Synode gnostique lyonnais venait de nous élire évêque missionnaire pour les cinq départements armoricains, et qu’il allait, par lettre patente, nous confirmer notre élection ; que nous n’avions ni à protester, ni à refuser ; que notre devoir était d’accepter cette charge et cette dignité, qui étaient dans la Volonté d’En-Haut (!).

« Imposées en ces termes, et de cette manière, nous ne pouvions refuser ni la crosse, ni la mitre gnostiques. La crosse, parce que déjà notre apostolat nous a bien usé, et que nos mains ont plus que besoin de se reposer sur un solide bâton de voyage ; la mitre, parce que tant de coups ont été reçus déjà sur notre pauvre tête, que nous pensons que cette mitre nous permettra de nous garantir peut-être un peu mieux des coups que l’Esprit du mal peut encore nous réserver, et qu’il essaiera, sans doute, de nous assener à nouveau, afin de nous étourdir, s’il le peut, et d’arrêter notre marche spirituelle vers les lumières d’En-Haut.

« Jean II est donc venu en Bretagne, et le 20 mai dernier (1912), dans un oratoire privé, devant des témoins choisis, dans une cérémonie très simple, digne de la primitive église (sic), se servant d’un rituel d’une beauté mystique qui ne se dément pas, et qui, à lui seul, est tout un Enseignement (sic), et toute une Philosophie (sic), nous avons reçu l’imposition des mains, le souffle de l’Esprit, et la consécration tant désirée de nos amis, ainsi que par le très saint Synode que préside Jean II, à Lyon, cette ville toute (sic) particulièrement sainte et toute (sic) particulièrement mystique.

« C’est surtout pour les éprouvés, pour les malheureux, pour les vaincus de cette vie (et ils sont nombreux même parmi les heureux du monde !), que nous avons accepté le sacerdoce dont nous sommes revêtu, et afin de hâter le grand jour des miséricordes et des pardons solennels, jour de justice qui sera aussi un jour d’amour universel et de paix générale, où les damnés, comme les saints le demandent, se réveilleront dans le sein du Dieu de lumière et de vérité, heureux et convertis, et revêtus de corps nouveaux et glorieux comme ceux des saints eux-mêmes (!).

« Satan, enfin, ce jour-là, ne pourra plus avoir de prise que sur lui-même ; toutes les âmes qu’il retient captives lui seront enlevées, ainsi que tous les royaumes du monde, sur lesquels il continue d’exercer sa puissance pernicieuse et corruptrice.

« Voici donc ce que nous aurons à dire pour justifier la validité du sacerdoce qui s’organise, sans le séparer du passé, car, en toutes choses, tout doit être lié et relié par une chaîne sans fin.

« Vous le savez : le sacerdoce véritable est éternel, et il est bien celui qui remonte à Melchisédech, dans un ordre naturel et continu. Il est éternel et universel, s’il est régulièrement transmis et dignement reçu, et s’il ne dévie pas de sa mission qui est le maintien, pour chacun et pour tous, d’une vie supérieure.

« Nous nous croyons donc revêtu de sacerdoce éternel, et nous sommes bien désormais : Sacerdoce (sic) in æternum secondum (sic) ordinem Melchisedech, selon les règles établies et la volonté de ceux qui ont été choisis à travers les siècles pour maintenir la tradition sacrée, et transmettre la puissance sacerdotale à ceux qui leur sont désignés, et qu’ils trouvent dignes de recevoir l’imposition des mains ou l’onction sainte. »

Donc, M. Verdad-Lessard a bel et bien été « consacré » par M. Bricaud, dont les pouvoirs, après tout, doivent valoir à peu près ceux de Mgr Mathieu. Or ledit M. Bricaud, sans jamais renoncer à son Patriarcat néo-gnostique, a adhéré successivement au Carmel de Vintras, puis à l’Église Orthodoxe Latine, et enfin à lÉglise Catholique Française, dans laquelle il doit être investi des fonctions d’« évêque régionnaire de l’Est ». Alors, nous pourrions bien voir un de ces jours M. Verdad-Lessard, à son tour, devenir, dans la même Église, « évêque régionnaire de l’Ouest » (… peut-être avec l’abbé Fautaum comme vicaire général ?) ; mais, dans ce cas, cet étrange « sacerdoce » (presque malgré lui) ferait bien de se hâter d’apprendre un peu le latin !