Décembre 1929

Préface de Maurice Magre (Éditions Victor Attinger, Paris et Neuchâtel, 1929).

Ce livre est, avec Brâhmane et Paria de D. G. Mukerji, le meilleur qui ait paru jusqu’ici dans la collection Orient ; sous la forme « romancée » qu’imposait le caractère de cette collection, il contient une multitude d’informations intéressantes sur des choses fort peu connues en Occident. L’auteur suppose qu’un de ses amis, parti pour le Thibet sans esprit de retour, lui a envoyé le récit de son initiation aux mystères du Lamaïsme, et c’est ce récit qui constitue tout le livre. Nous ne pouvons songer à en donner ici un résumé ; mieux vaut engager nos lecteurs à en prendre directement connaissance, et nous sommes certain qu’ils ne le regretteront pas, car ils trouveront là, exposées sous une forme agréable, beaucoup de notions sur les centres spirituels thibétains qui, pour n’être pas toutes inédites, seraient du moins assez difficiles à rencontrer ailleurs. Nous ferons seulement deux critiques, dont la première est qu’on ne sent peut-être pas une gradation assez nette entre les différentes phases de l’initiation qui est ainsi décrite, ce qui peut laisser, chez ceux qui ne le savent pas déjà, quelque incertitude sur le but qui doit être atteint finalement à travers toutes ces épreuves successives. La seconde critique, qui est plus grave à nos yeux, c’est que les « phénomènes » plus ou moins extraordinaires semblent prendre ici une importance quelque peu excessive et tenir plus de place que les considérations d’ordre doctrinal ; nous ne contestons certes pas l’existence de ces choses, mais nous nous demandons s’il est bien opportun d’y insister avec tant de complaisance, car les Occidentaux ne sont déjà que trop portés à s’en exagérer la valeur. L’inconvénient n’est pas le même en Orient, où l’on sait fort bien mettre ces manifestations à leur juste rang, qui est assez inférieur ; l’auteur reconnaît lui-même que les Lamas qui possèdent certains « pouvoirs » ne s’en servent pas, sauf dans des circonstances exceptionnelles ; nous eussions préféré le voir imiter cette réserve. Espérons que M. Marquès-Rivière nous donnera bientôt sur le Thibet d’autres études plus doctrinales et dépouillées de tout caractère « fantastique » ; nous savons qu’il en est fort capable.

Les Éditions Cosmosophiques, Librairie Centrale, Lausanne. 1929.

Cet ouvrage posthume du fondateur de la « Cosmosophie » (de son vrai nom A. H. van de Kerckhove), assez luxueusement édité par les soins de ses disciples, est malheureusement rédigé, comme tout ce qu’il a écrit, dans un style à peu près inintelligible. Aussi nous contenterons-nous, pour donner une idée de son contenu, d’extraire ces quelques lignes de la notice des éditeurs : « La Langue sacrée, c’est la Langue des Initiales, des Origines, des Commencements. C’est donc la Langue d’Initiation, la Langue génétique. Cette langue algébrique-idéographique, faite pour être lue, déchiffrée, et non pour être parlée, est constituée par les vingt-deux signes (glyphes) vulgairement connus sous le nom de lettres de l’alphabet hébreu. C’est le sens vivant et vibrant de ces glyphes, lettres initiales de toute écriture, éléments basiques de tout actuel idiome, qui est ici révélé, jusqu’à la profondeur qu’il est possible aujourd’hui d’atteindre. » Cette « révélation » se fait en décomposant les mots de la façon la plus invraisemblable qu’il soit possible d’imaginer ; en outre, S. U. Zanne attribue au flamand, sa langue maternelle, une « autorité originelle », en même temps qu’il se recommande de l’Atlantide, dont il fait d’ailleurs le siège de la race noire, ce qui est plutôt inattendu. Il est étonnant de voir à combien de gens les préoccupations linguistiques ont plus ou moins tourné la tête ; un volume comme celui-là constitue à cet égard un document curieux, mais nous nous refusons à y voir autre chose et à prendre au sérieux une pareille « initiation ».