Avril 1933
- Georges Méautis. — L’Âme hellénique d’après les vases grecs.
L’Artisan du Livre, Paris.
Cet ouvrage, fort bien illustré de nombreuses reproductions, part d’une excellente intention, celle de « dissiper certaines équivoques concernant la mythologie grecque » et de montrer « la gravité et le sérieux de certains mythes » ; jusqu’à quel point l’auteur y a-t-il réussi ? Le point de vue à peu près exclusivement « psychologique » dans lequel il se renferme n’est guère propre à faire apparaître un sens vraiment profond ; et, en fait, ce qu’il appelle la « valeur émotive » des vases grecs, et à quoi il consacre toute la première partie de son travail, n’aide guère à la compréhension de quoi que ce soit : nous n’y trouvons pas l’explication du moindre symbole. D’ailleurs, il nous paraît bien douteux que la « religion », qui n’avait pas le même sens pour les anciens que pour les modernes, ait été chez eux quelque chose d’aussi sentimental ; les psychologues ont malheureusement l’habitude d’attribuer aux hommes de tous les temps et de tous les pays, assez gratuitement, leurs propres façons de penser et de sentir… La seconde partie, où sont étudiées les lois de la composition des peintures de vases, est plus intéressante à notre avis, quoique les considérations qu’elle contient ne dépassent pas le domaine « esthétique » ; il eût fallu, pour aller plus loin, rattacher ces lois à la science traditionnelle des formes et des nombres, dont elles sont manifestement dérivées. Enfin, dans une troisième partie, l’auteur, à propos d’un vase grec de Palerme, envisage la question de « l’Orphisme dans les Mystères d’Éleusis » ; il critique très justement l’incompréhension de certains « savants » modernes au sujet des Mystères, mais lui-même, tout en reconnaissant que « ce n’étaient pas des sermons ou des prêches », semble surtout préoccupé d’y trouver un enseignement théorique, voire même « moral », bien plutôt que l’initiation qu’ils étaient vraiment, et qui devait, par ses rites, mettre l’être dans un état lui permettant de prendre directement conscience de certaines réalités. Où nous sommes tout à fait de son avis, c’est lorsqu’il proteste contre l’habitude qu’on a de rapporter la civilisation grecque tout entière à la seule période « classique » ; nous pensons même que les époques antérieures, si elles pouvaient être mieux connues, seraient beaucoup plus dignes d’intérêt à bien des égards, et qu’il y a là une différence assez comparable à celle qui sépare le moyen âge des temps modernes.
- A. Savoret. — Du Menhir à la Croix, essais sur la triple
tradition de l’Occident.
Éditions Psyché, Paris.
Ceci n’est pas un livre à proprement parler, mais plutôt un recueil d’études quelque peu hétéroclites, et qui semblent avoir été rassemblées assez hâtivement, car l’auteur n’a pas même pris le soin de leur donner la forme d’un tout cohérent, si bien que, dans le volume lui-même, tel chapitre se trouve qualifié d’« article », tel autre de « brochure » ! En fait, la plupart de ces études avaient été publiées précédemment dans la revue Psyché, et nous avons eu déjà l’occasion de parler de quelques-unes d’entre elles ; c’est donc sans surprise que nous avons retrouvé là tous les préjugés « occidentaux » que nous avions constatés alors ; l’auteur se défend bien de vouloir attaquer l’Orient, mais comme il l’oppose de parti pris à l’Occident, et comme il met celui-ci au-dessus de tout, la conclusion se déduit d’elle-même… Une bonne partie du volume est remplie par des considérations linguistiques de la plus étonnante fantaisie, dont la présence nous semble se justifier ainsi : le Druidisme étant réuni au Judaïsme et au Christianisme pour former ce qu’il plaît à l’auteur d’appeler la « triple tradition de l’Occident » (pourquoi la tradition gréco-latine en est-elle exclue ?), il s’agit de trouver, tant bien que mal, des rapprochements entre l’hébreu et les langues celtiques ; et effectivement, en récoltant des mots au petit bonheur dans les lexiques des langues les plus variées, on peut trouver à peu près tout ce qu’on veut, surtout si l’on se fie à des transcriptions plus qu’arbitraires (la lettre aïn, par exemple, n’a absolument aucun rapport avec un w). N’insistons pas davantage, mais remarquons seulement combien il est curieux que tous ces « occidentalistes » éprouvent le besoin de se livrer aux pires extravagances philologiques ; quelle peut bien être l’explication de ce bizarre phénomène ?