Février 1934

Nouvelles Éditions Latines, Paris.

L’étude des monuments préhistoriques d’Algérie est ici surtout un prétexte à une sorte de fantaisie plus ou moins littéraire sur les migrations supposées des peuples celtiques, inspirée en grande partie de Fabre d’Olivet. Il est beaucoup question là-dedans d’une certaine « initiation solaire », qualifiée aussi de « spiritualiste », et dans laquelle la « peinture à l’ocre rouge » semble jouer un rôle considérable. Cette initiation serait venue de l’Atlantide, qui aurait été le pays d’origine de ces peuples, qualifiés cependant en même temps de « nordiques » ou de « boréens » ; nous avons eu déjà l’occasion de relever d’autres exemples de cette étonnante confusion. L’attribution des monuments mégalithiques aux « Gaëls » est plus qu’hypothétique ; et l’histoire de leur retour de l’Inde vers l’Ouest, à la recherche de leur patrie perdue, n’a même pas une ombre de vraisemblance. Il est à peine besoin d’ajouter, après cela, que les tendances de ce livre sont d’un « occidentalisme » assez agressif ; et là est sans doute la principale raison de sa publication.

Éditions Eugène Figuière, Paris.

C’est une traduction du poème d’Edwin Arnold, The Light of Asia, bien connu de tous ceux qui s’intéressent de près ou de loin au Bouddhisme. Nous n’avons aucune compétence pour en apprécier la forme ; en principe, nous nous méfions toujours quelque peu d’une traduction versifiée, car il nous paraît difficile qu’elle soit exacte ; mais, dans le cas présent, l’auteur a prévu lui-même cette objection, car il déclare qu’il a « voulu rendre le sens et le rythme, plutôt que le texte littéral ». Quant à l’œuvre elle-même, M. Trarieux reconnaît qu’elle renferme une part de fantaisie, et qu’« aucune des Écoles bouddhistes n’y retrouverait exactement sa doctrine » ; mais, pour l’en justifier, il assure que « l’imagination, chez les vrais poètes, est une faculté de connaissance », ce qui ne nous semble pas convaincant du tout ; et, quand il ajoute qu’elle est « une clairvoyance qui s’ignore », cela l’est encore moins, car nous pensons qu’il conviendrait de renverser la proposition : cette trop fameuse « clairvoyance » n’est elle-même, dans la plupart des cas, que l’illusion d’une imagination qui, dans une sorte de « rêve éveillé », prend ses propres constructions pour des réalités extérieures et indépendantes.

Cahiers de la Quinzaine, Paris.

Ce petit livre est un commentaire du Pater, curieux à certains égards, mais passablement obscur ; nous avons quelques raisons de penser que l’auteur a voulu y mettre une intention plus ou moins « ésotérique »… Malheureusement, les étrangetés de langage ne constituent pas l’ésotérisme, pas plus que la difficulté de comprendre une chose ne la rend « hermétique », en dépit du sens que le vulgaire attache à ce mot. En fait, nous ne voyons pas qu’il y ait là rien qui sorte du point de vue religieux, lequel est exotérique par définition ; peut-être y prend-il une nuance un peu spéciale, mais ceci même ne semble pas dépasser le domaine ouvert aux discussions des théologiens.

Cahiers de la Quinzaine, Paris.

Il nous serait d’autant plus difficile de ne pas approuver les intentions de l’auteur, et les principes sur lesquels il entend s’appuyer, qu’il a placé en tête de son étude une épigraphe tirée du Symbolisme de la Croix, et concernant la « loi de correspondance » envisagée comme fondement du symbolisme. Il est seulement regrettable que la « matière » à laquelle il applique ces principes ne soit pas parfaitement adéquate : les écrivains modernes, faute de données traditionnelles, alors qu’ils croient faire du symbolisme, ne font bien souvent en réalité que de la fantaisie individuelle. Nous pensons qu’on peut dire sans injustice que tel est, entre autres, le cas de Paul Claudel, dont le Soulier de satin est étudié ici : son allégorisme géographique, assez arbitraire, ne rappelle que de fort loin la « géographie sacrée » à laquelle nous avons parfois fait allusion ; et, quand il considère les eaux comme « signifiant l’Esprit de Dieu », il se met en contradiction avec le symbolisme commun à toutes les traditions, d’une façon d’autant plus étonnante qu’il suffit de relire le début de la Genèse pour s’en apercevoir immédiatement : si « l’Esprit de Dieu était porté sur les eaux », c’est, évidemment, que les eaux elles-mêmes représentent autre chose… Nous souhaitons que M. Guiberteau, qui n’est point responsable de ces « excentricités », nous donne d’autres études de même inspiration, mais consacrées de préférence à des écrivains ou à des poètes qui furent vraiment autre chose que des « littérateurs ».