Mars 1934

Gabriel Beauchesne, Paris.

Le sous-titre du livre en indique nettement l’intention : c’est une critique sévère, et parfaitement justifiée, du soi-disant « progrès » moderne, envisagé dans les différents domaines de l’activité humaine. L’auteur répond aux arguments des défenseurs de ce « progrès » par des considérations empruntées à la situation actuelle ; il montre successivement la faillite du machinisme, la faillite du capitalisme, la faillite de la démocratie ; tout cela, en réalité, n’a abouti qu’au chaos. Cet exposé de la « crise du monde moderne » se rapproche, par plus d’un côté, de quelques-uns de nos ouvrages, qui y sont d’ailleurs fréquemment cités ; et, se tenant sur un terrain plus immédiatement accessible à tous, il ne pourra que provoquer, chez beaucoup de ceux qui croient encore à certaines « idoles », de fort salutaires réflexions. Il est seulement à regretter que, sur quelques points, l’auteur ait accepté de confiance les assertions de gens qui parlent, et non pas toujours de bonne foi, de choses qu’ils ignorent totalement : c’est ainsi que la Kabbale se trouve qualifiée de « religion humanitaire basée sur les seules données de la Raison et de la Nature » ; or il n’y a pas, dans cette phrase, un seul mot qui puisse s’appliquer réellement à la Kabbale, dont ce qu’elle définit serait même plutôt l’antithèse ; il est bien dangereux de puiser ses informations sur de tels sujets chez les rédacteurs de la R. I. S. S., et nous nous permettrons d’engager M. de Poncins à se méfier à l’avenir d’une « source » aussi trouble !

Éditions de la Baconnière, Neuchâtel.

Ce petit volume contient d’abord une description du sanctuaire d’Éleusis d’après les découvertes archéologiques, puis un essai de reconstitution de la façon dont se célébraient les Mystères, reconstitution forcément incomplète, puisque, sur bien des points, les renseignements font entièrement défaut. L’auteur envisage l’« esprit » des Mystères avec une évidente sympathie, mais d’une façon qui demeure assez peu profonde : rien de vraiment initiatique ne transparaît nettement là-dedans. Quand il parle, d’après Aristote, des « impressions » qu’on y recevait, il semble croire qu’il ne s’agit là que de quelque chose de « psychologique », suivant la tendance que nous avons déjà notée dans son précédent ouvrage sur les vases grecs ; si les néophytes étaient véritablement « qualifiés », les états provoqués chez eux étaient assurément d’un tout autre ordre ; et, s’il arriva que les Mystères, à une certaine époque, furent trop largement ouverts, leur but n’en demeura pas moins toujours essentiellement le même. Il est d’ailleurs remarquable que, malgré cette « vulgarisation » qui implique forcément une certaine dégénérescence, aucune indiscrétion n’ait jamais été commise ; il y a là une preuve incontestable de la force de la tradition que représentaient les Mystères. Pour ce qui est de l’origine de ceux-ci, M. Méautis ne pense pas qu’il faille la rechercher en Égypte comme beaucoup l’ont voulu, mais plutôt dans la Crète minoenne ; il resterait d’ailleurs à savoir à quoi l’antique civilisation crétoise se rattachait elle-même. Il arrive à M. Méautis d’admettre avec une regrettable facilité certaines prétendues conclusions de la « critique » moderne, qui sont parfois d’une… naïveté inouïe ; il y a notamment une certaine histoire de « cris personnifiés » qui, en ce genre, dépasse tout ce qu’on peut imaginer ; comment nos contemporains ont-ils donc la tête faite pour être capable de croire de pareilles choses ?