Décembre 1934

Éditions Véga, Paris.

Ce volume est le premier d’une série qui doit en comporter sept, et qui est destiné à donner, en l’accompagnant de commentaires sur les points les plus obscurs, l’essentiel de la philosophie de Wronski, à l’exclusion de ses théories proprement mathématiques et physiques. Ce procédé a à la fois des avantages et des inconvénients : quand on a affaire à un auteur passablement prolixe et confus, et dont l’œuvre est aussi « dispersée » que l’est celle de Wronski, il est assurément difficile au lecteur ordinaire, ou à celui qui n’a que peu de temps à y consacrer, de s’en faire une idée exacte et suffisante, et de dégager lui-même ce qui est véritablement important parmi une multitude de redites, de digressions et de considérations accessoires. Mais, d’autre part, il est toujours à craindre qu’un choix de textes ne soit quelque peu arbitraire, ou que du moins il ne reflète nécessairement, dans une certaine mesure, le point de vue propre de celui qui l’aura effectué, point de vue qui n’est pas forcément identique à celui de l’auteur lui-même, si bien que la perspective peut s’en trouver faussée ; nous pensons cependant, dans le cas présent, qu’on peut faire confiance à M. Warrain, qui a spécialement étudié Wronski pendant de longues années, et qui a déjà montré, par une grande partie de ses travaux, qu’il s’en est assimilé les idées autant qu’il est possible de le faire. — Ce qui, dès maintenant, doit apparaître clairement à quiconque lit ce volume sans parti pris ni idées préconçues, c’est que, quoi que certains en aient prétendu, Wronski ne fut en réalité rien de plus ni d’autre qu’un philosophe : le langage parfois étrange qu’il emploie ne doit pas faire illusion à cet égard, et l’on trouverait d’ailleurs quelque chose de semblable, avec aussi les mêmes préoccupations d’ordre social et religieux, chez un certain nombre de ses contemporains qui, certes, n’étaient aucunement des « initiés ». D’ailleurs, si Wronski avait possédé quelques connaissances d’ordre vraiment ésotérique, il n’aurait pu dès lors subir l’influence éminemment « profane » de Kant et de la moderne « philosophie germanique » qui procède de celui-ci, laquelle, en fait, s’est exercée sur lui dans de larges proportions, ainsi qu’il le reconnaît lui-même très explicitement, tout en ayant la prétention d’aller plus loin ; et nous dirons en passant, à ce propos, que les efforts faits par M. Warrain pour expliquer et justifier cette influence, allant même jusqu’à tenter un rapprochement entre le kantisme et le thomisme, nous semblent bien un peu hasardeux… En outre, Wronski admet une « loi de progrès », qu’il veut appliquer même en métaphysique, ce qui montre assez que ce qu’il entend par ce mot n’est encore que « pseudo-métaphysique » ; l’importance qu’il accorde au point de vue « critique » et aux « théories de la connaissance », le rôle en quelque sorte suprême qu’il attribue à la « raison » parmi les facultés, l’emploi abusif qu’il fait constamment de certains termes tels que ceux d’« absolu », d’« infini », de « création », sont aussi très significatifs à cet égard ; et enfin il serait assurément difficile de pousser plus loin qu’il ne l’a fait l’esprit de système, qui est tout l’opposé et la négation même de l’esprit initiatique : de tout cela, on peut conclure que ceux auxquels nous faisions allusion tout à l’heure en ont parlé sans l’avoir jamais lu ! Notons encore, à titre de curiosité, l’aversion professée par Wronski pour le mysticisme, qui n’est pour lui que « ténèbres, erreur et perversion », et dont il rapporte la source à « des êtres qui demeurent étrangers à l’actuelle espèce humaine, et se constituent même ennemis du genre humain », paraissant ainsi le confondre assez bizarrement avec ce que peut être la « contre-initiation », ce qui est vraiment excessif, et d’ailleurs tout à fait faux ; et cela n’a pas empêché qu’il n’ait été parfois traité lui-même de « mystique », ce qui est bien le comble de l’ironie !

Desclée de Brouwer et Cie, Paris.

Ce livre comprend d’abord un exposé des théories de Cantor sur le « transfini », fait en termes aussi clairs et aussi simples que possible, puis une critique de ces mêmes théories, auxquelles l’auteur s’oppose tout en prenant une position nettement différente de celle des « finitistes ». Il rejette avec juste raison l’emploi du mot « infini » en mathématiques, et il soutient non moins justement que l’ensemble des nombres entiers est « indéfini » et non « transfini » ; il conserve cependant ce terme de « transfini », mais en l’appliquant seulement à la multitude « transcendantale », c’est-à-dire en dehors du domaine de la quantité, ce qui a pour conséquence de faire disparaître les illogismes que les « finitistes » invoquent habituellement comme arguments pour combattre la conception cantorienne. Tout en étant entièrement d’accord avec l’auteur sur le fond, nous pensons que la terminologie qu’il adopte n’est peut-être pas tout à fait exempte d’inconvénients : le mot « transfini » a déjà un autre sens, d’ordre quantitatif, celui-là même pour lequel Cantor l’a inventé expressément ; dès lors qu’on rejette ce sens comme illusoire, est-il bien nécessaire de conserver le mot, et cela ne risque-t-il pas de donner lieu à quelques équivoques ? Du reste, étymologiquement, « transfini » signifie « au delà du fini » ; mais le domaine de la quantité n’est pas le seul fini, et ce n’est pas parce qu’on le dépasse que, par là même, on dépasse aussi le « fini » ; tout ce qui est relatif est nécessairement, par sa nature, fini ou limité d’une façon ou d’une autre ; la quantité ne représente qu’une condition limitative particulière, et il en est d’autres qui s’appliquent aux modes de l’existence universelle qui lui échappent. Il y a là, pensons-nous, quelque chose qui aurait demandé à être examiné plus attentivement et exposé avec plus de précision, car, sur ce point pourtant essentiel, la pensée de l’auteur semble rester quelque peu dans le vague ; il serait donc à souhaiter qu’il y revînt en une autre occasion, et ce pourrait même être là pour lui le sujet d’un nouvel ouvrage qui ne serait certes pas sans intérêt et qui compléterait celui-ci de la plus heureuse façon.

Éditions Pythagore, Paris.

Ceci est moins une biographie proprement dite qu’un recueil de souvenirs sur Marc Haven, écrits par quelques-unes des personnes qui l’ont connu et approché de plus près pendant les différentes périodes de sa vie. On eût aimé y trouver peut-être moins de petits faits, qui ne se rapportent même pas tous très directement à Marc Haven, et plus d’informations sur son activité proprement intellectuelle ; mais il semble que cette lacune doive être comblée dans un autre ouvrage qui est annoncé comme étant actuellement en préparation. En attendant, on a eu du moins l’excellente idée de reproduire, à la suite de ce recueil, un certain nombre de pages de lui, les unes demeurées jusqu’ici inédites, les autres difficiles à retrouver maintenant dans les revues où elles parurent jadis.