Juillet 1935
- Sergius Gortan Ancona. — The
Substance of Adam.
Rider and Co., London.
Ce livre se présente comme exposant « un système de cosmogonie fondé sur la tradition occidentale » : mais de quelle tradition s’agit-il ? Ce n’est certes pas la Kabbale, car, si l’idée des « quatre mondes » est empruntée à celle-ci, l’explication qui en est donnée n’a rien d’authentiquement kabbalistique ; cette « cosmogonie » est d’ailleurs terriblement compliquée et confuse, et donne surtout l’impression d’une agitation frénétique qui atteindrait jusqu’aux hiérarchies angéliques elles-mêmes ! On y rencontre, çà et là, quelques notions provenant de l’hermétisme et surtout du gnosticisme ; mais la vérité est que les grandes « autorités » de l’auteur sont, comme il l’indique d’ailleurs lui-même, Éliphas Lévi, Fabre d’Olivet et Saint-Yves d’Alveydre. Les œuvres de ces deux derniers ont surtout inspiré la seconde partie, où se trouve une histoire de la « race blanche » qui, donnée ainsi en raccourci, fait ressortir beaucoup plus leurs erreurs et leurs fantaisies que leurs vues réellement dignes d’intérêt. Tout cela est bien loin de représenter une « pure tradition de pensée orthodoxe », et, qui plus est, une tradition proclamée « supérieure à toutes les autres » ; c’est là, en somme, un livre d’esprit nettement « occultiste », ce qui n’a rien à voir avec l’esprit traditionnel. Ce qu’il y a de meilleur là-dedans, à notre avis, ce sont, vers la fin, les pages où l’époque moderne est sévèrement et justement critiquée : mais, si c’est une glorification de l’Occident que l’auteur s’est proposé d’écrire, il faut convenir qu’elle se termine d’une façon plutôt fâcheuse, et qui ressemble plus à un bilan de faillite qu’à un hymne triomphal…
- Rudolf Steiner. — L’Évangile de saint Jean.
Association de la Science Spirituelle, Paris.
Ce volume contient la traduction française d’un cycle de douze conférences faites à Hambourg en 1908. L’auteur commence par critiquer avec juste raison les procédés de l’exégèse moderne et les résultats auxquels ils aboutissent ; mais ensuite, pour accommoder à ses conceptions « anthroposophiques » l’Évangile de saint Jean, dont le véritable auteur serait, selon lui, Lazare ressuscité, il le traite lui-même d’une façon dont le moins qu’on puisse dire est qu’elle est d’une haute fantaisie ; et il semble même, au fond, le prendre surtout comme un prétexte pour exposer des vues qui, pour une bonne part, et spécialement en ce qui concerne l’« évolution » humaine, rappellent beaucoup plus la Doctrine Secrète de Mme Blavatsky qu’une tradition rosicrucienne. Ce qu’il appelle « science spirituelle » n’est du reste tel que du fait d’une des confusions que nous signalons par ailleurs dans notre article(*), car, pour lui, « spirituel » est à peu près synonyme d’« invisible », tout simplement ; et, naturellement, la conception qu’il se fait de l’initiation s’en ressent fortement. Signalons, à ce propos, une chose assez curieuse : d’une part, il prétend que les initiations auraient perdu leur raison d’être depuis la venue du Christ, dont l’effet aurait été de rendre accessible à tous ce que les mystères antiques réservaient à un petit nombre ; mais, d’autre part, il décrit ce qu’il appelle l’initiation chrétienne et l’initiation rosicrucienne, entre lesquelles il semble d’ailleurs faire une certaine différence ; il n’est vraiment pas très facile de voir comment tout cela peut se concilier !
- Ananda K. Coomaraswamy. — The
Darker Side of Dawn.
Smithsonian Miscellaneous Collections, Washington.
Cette brochure contient de fort intéressantes remarques sur les dualités cosmogoniques, principalement en tant qu’elles sont représentées par une opposition entre « lumière » et « ténèbres », et sur certaines questions connexes, entre autres le symbolisme du serpent. Notons aussi un rapprochement fort curieux entre le sujet du Mahâbhârata et le conflit vêdique des Dêvas et des Asuras, qui pourrait évoquer également des similitudes avec ce qui se rencontre dans d’autres formes traditionnelles, de même d’ailleurs que ce qui concerne la couleur noire comme symbole du non-manifesté. Il est seulement à regretter que l’auteur se soit borné à indiquer toutes ces considérations d’une façon un peu trop succincte, en une vingtaine de pages à peine, et nous ne pouvons que souhaiter qu’il ait l’occasion d’y revenir et de les développer davantage dans des travaux ultérieurs.