Décembre 1935

Casa Editrice « Ausonia », Roma.

Ce volume est le recueil des travaux de l’auteur sur Dante qui étaient restés jusqu’ici inédits ou dispersés dans des revues diverses ; il s’y trouve, à côté de commentaires spéciaux d’un certain nombre de chants de la Divina Commedia, des notes complémentaires à ses précédents ouvrages, et des réponses aux critiques qui lui avaient été adressées. Le tout a été divisé en deux parties, suivant qu’il s’agit d’écrits antérieurs ou postérieurs à la découverte des multiples symétries existant entre les deux symboles de la Croix et de l’Aigle, et où l’auteur a vu la « clef » de toute la Divina Commedia ; à notre avis, ce peut bien en être en effet une des « clefs », mais non pas la seule, car, si la question des rapports des deux pouvoirs représentés respectivement par la Papauté et l’Empire a incontestablement une importance considérable dans la pensée de Dante, il serait pourtant exagéré de vouloir y réduire celle-ci tout entière. Il est d’ailleurs probable que l’auteur lui-même, s’il en avait eu le temps, aurait rectifié ou complété ses vues sur bien des points, d’autant plus que, vers la fin, il semble qu’il avait été amené à porter de plus en plus son attention sur le côté proprement « hermétique » de Dante. Il se serait sans doute rendu compte, notamment, que certaines idées qu’il regarde comme « originales » ont, au contraire, un caractère strictement traditionnel : ainsi, celle qui fait du Paradis terrestre une étape nécessaire sur la voie du Paradis céleste, par exemple, n’est au fond rien d’autre qu’une expression de la relation qui exista de tout temps entre les « petits mystères » et les « grands mystères ». Le symbolisme même de la Croix et de l’Aigle aurait pu être encore approfondi dans certains de ses aspects : l’auteur trouve insuffisante une interprétation par Pietà e Giustizia, c’est-à-dire « Miséricorde et Justice » ; mais, peut-être à l’insu de celui même qui l’avait proposée, ces deux termes correspondent rigoureusement aux deux côtés de l’« arbre séphirothique », et cette simple remarque lui confère assurément un tout autre sens, surtout si l’on y joint la considération d’une certaine figuration des deux pouvoirs par les deux visages de Janus… Il y aurait aussi beaucoup à dire sur la question du secret initiatique, qui semble ici un peu trop réduit à une affaire de simple prudence, ce qui n’est que tout à fait secondaire ; mais nous nous sommes déjà suffisamment expliqué là-dessus en d’autres occasions. Ce qui est très juste, c’est d’envisager la conception de Dante comme constituant en quelque sorte un « super-catholicisme » ; il serait même difficile de trouver une expression plus exacte pour la caractériser ; et nous ajouterons que cela résulte d’ailleurs directement de la nature même de la tradition ésotérique à laquelle Dante se rattachait. Il y a du reste, un peu partout dans ce volume, de multiples considérations très dignes d’intérêt, et qui font encore vivement regretter qu’une telle œuvre soit demeurée inachevée ; nous ne pouvons songer présentement à les signaler en détail, mais peut-être aurons-nous plus tard l’occasion de revenir sur quelques-unes d’entre elles.

« Les Éditions Initiatiques », Paris.

Ce livre comprend des chapitres d’un caractère assez divers : les uns surtout « autobiographiques », où l’auteur montre notamment comment il a été amené à modifier peu à peu ses conceptions, dans un sens les rapprochant notablement de l’esprit traditionnel ; les autres d’une portée plus générale, où il expose la façon dont il envisage la Maçonnerie à différents points de vue ; l’intention en est certainement excellente, quoique, sous le rapport proprement initiatique et symbolique, les considérations qui y sont développées demeurent encore quelque peu « extérieures ». À la fin sont reproduits un certain nombre de documents destinés à donner de la Maçonnerie une idée plus juste que celle qu’on s’en fait d’ordinaire dans le monde profane ; et un appendice indique les raisons du réveil en France du « Régime rectifié », dont l’auteur est le principal promoteur : « un foyer maçonnique soustrait à toute influence politique », comme il le dit, est assurément, dans les circonstances présentes, une chose des plus souhaitables, si l’on ne veut pas voir se perdre irrémédiablement les derniers vestiges d’initiation occidentale qui subsistent encore… — Nous nous permettrons de signaler une erreur historique assez singulière (p. 282) : L.-Cl. de Saint-Martin ne fut jamais « chanoine de la Collégiale » (de Lyon ?), mais officier, et, s’il fut membre de plusieurs rites maçonniques, il n’en fonda lui-même aucun ; au surplus, il n’y eut jamais de « système maçonnique » portant authentiquement le nom de « Martinisme », et la vérité est que, lorsque Saint-Martin se retira des différentes organisations dont il avait fait partie, ce fut pour adopter une attitude beaucoup plus mystique qu’initiatique, et certainement incompatible avec la constitution d’un « Ordre » quelconque.

Enseignement recueilli par Grace Gassette et Georges Barbarin (« Éditions du Prieuré », Bazainville, Seine-et-Oise.)

Bien que ce volume, qui porte en exergue la maxime cartésienne : « Je pense, donc je suis », soit publié sans nom d’auteur, il provient visiblement de la même « source » que le livre du Dr Alexander Cannon dont nous avons parlé ici il y a quelques mois(*). On y trouve un peu de tout : de nombreuses citations de l’Évangile, accompagnées d’interprétations souvent contestables, s’y mêlent à de prétendus enseignements des « Sages du Thibet » (?), et aussi à des idées beaucoup plus authentiquement empruntées à la philosophie et à la science modernes ; et les exercices les plus vulgarisés du Hatha-Yoga y voisinent avec des « affirmations » qui rappellent curieusement la méthode Coué. Le tout se tient à peu près au niveau intellectuel des innombrables productions américaines qui prétendent enseigner les moyens d’obtenir le « succès » dans un ordre ou dans un autre ; il suffit, d’ailleurs, pour en apprécier l’esprit, de lire les lignes de l’avant-propos où il est dit que « l’âge de l’initiation est terminé », et que « l’avancement de l’humanité dans les voies de la bonté et de la connaissance (!) permettent aujourd’hui de donner le haut enseignement à tous » ; si ces paroles ont été écrites de bonne foi, elles ne témoignent guère en faveur de la « connaissance », ni même, plus simplement, de la perspicacité de leur auteur !