Février 1937

Librairie Émile Nourry, Paris.

Le titre de ce livre appelle tout d’abord une observation : il n’existe, en réalité, ni « traditions savantes » ni « traditions populaires » ; mais des données traditionnelles peuvent être conservées et transmises tant par le peuple que par les savants, ce qui au fond ne fait pas grande différence, si ce n’est qu’elles risquent davantage d’être altérées par les savants, parce que ceux-ci ont toujours plus ou moins tendance à y mêler leurs propres interprétations. Chez les modernes surtout, la manie de chercher à toutes choses des « explications rationnelles », qui, dans cet ordre du moins, sont presque toujours fausses, est bien autrement fâcheuse que la simple incompréhension « populaire » ; on pourrait en trouver quelques exemples dans cet ouvrage même, mais, en général, l’auteur s’est borné à recueillir et à rapporter des textes et des faits, ce qui vaut assurément beaucoup mieux, car il fournit du moins ainsi une documentation dont peuvent tirer parti ceux qui voient là autre chose qu’un amas de « superstitions » dépourvues de sens. Nous trouvons d’abord une série d’extraits d’auteurs divers, depuis l’antiquité jusqu’au xixe siècle, se rapportant au sujet étudié ; mais la plus grande partie du volume est consacrée aux traditions qui subsistent encore à notre époque, d’abord dans les diverses régions de la France, et ensuite dans d’autres pays. Des « bétyles », dont nous avons parlé en diverses occasions, il est assez peu question dans tout cela, et les quelques citations qui y font allusion n’indiquent pas bien clairement ce qu’ils sont ; s’il s’agit d’aérolithes, ce n’est d’ailleurs que par confusion qu’ils ont pu être rapprochés des « pierres de foudre » ; et l’énumération des différentes sortes de « pierres de foudre » montre qu’il a été commis encore bien d’autres confusions, mais qui, en somme, proviennent toutes d’une même erreur initiale d’interprétation : celle qui consiste à y voir, au lieu de pierres symbolisant la foudre, des pierres tombées du ciel avec celle-ci, ainsi que nous l’avons expliqué dans un article que nous avons jadis consacré ici même à ce sujet(*) de mai 1929). Les véritables « pierres de foudre », et celles auxquelles se rapporte malgré tout la majorité des faits recueillis, ce sont les haches préhistoriques ; il faut y joindre les flèches de pierre et certains fossiles en forme de flèches (bélemnites), ce qui n’est qu’une variante du même symbolisme ; là-dessus nous renverrons à ce que nous avons écrit récemment sur la question des armes symboliques(**) d’octobre 1936). Nous signalerons encore un cas spécial, celui où des pierres précieuses ou des cristaux naturels sont considérés comme « pierres de foudre » ; il mérite en effet d’être mis à part, car il peut avoir un certain rapport avec le double sens du mot vajra comme « foudre » et « diamant », et alors il s’agirait ici d’un autre symbolisme. Pour en revenir aux armes préhistoriques, il ne suffit certes pas de dire, comme le fait l’auteur, qu’elles ont été regardées comme « pierres de foudre » parce qu’on en avait oublié l’origine et l’usage réels, car, s’il n’y avait que cela, elles auraient tout aussi bien pu donner lieu à une foule d’autres suppositions ; mais, en fait, dans tous les pays sans exception, elles sont toujours des « pierres de foudre » et jamais autre chose ; la raison symbolique en est évidente, tandis que l’« explication rationnelle » est d’une déconcertante puérilité !