Janvier-février 1936

Librairie Philosophique J. Vrin, Paris.

L’auteur de ce petit volume a voulu y donner « une clef de la philosophie et de la science d’Extrême-Orient », qui, à vrai dire, et comme il le reconnaît lui-même, ne sont pas précisément « philosophie » et « science » au sens occidental de ces mots. Cette « clef », qu’il appelle « loi universelle », c’est la doctrine cosmologique des deux principes complémentaires yin et yang, dont les oscillations et les vicissitudes produisent toutes les choses manifestées. Il y aurait en effet beaucoup de conséquences et d’applications à tirer de cette doctrine, sans d’ailleurs sortir du point de vue essentiellement « synthétique » auquel il convient de se maintenir toujours si l’on veut rester fidèle à l’esprit de l’enseignement traditionnel extrême-oriental ; mais celles qui sont présentées ici se réduisent en somme à assez peu de chose, et, surtout dans la partie « scientifique », sont fâcheusement mêlées à des conceptions occidentales modernes, qui nous éloignent fort des authentiques « sciences traditionnelles ». Ces rapprochements entre des choses d’ordre si différent nous ont toujours paru assez vains, car, là même où l’on peut trouver d’apparentes ressemblances, il n’y a en réalité aucune assimilation possible ; les points de vue sont et demeureront toujours radicalement autres. Il y a dans l’exposé une certaine confusion, peut-être due en partie à l’introduction de ces considérations de caractère « mixte », auxquelles on pourrait, sans trop d’injustice, appliquer ce que l’auteur dit de l’état actuel de son pays, qui « a perdu le véritable esprit oriental, sans avoir su gagner le véritable esprit occidental » ; et d’assez regrettables imperfections de langage contribuent encore à accentuer cette impression.

Humphrey Milford, Oxford University Press, London.

Ce volume, qui fait partie de la collection des Sacred Books of the Buddhists, contient, en face l’un de l’autre, le texte et la traduction ; sa principale particularité est que certaines parties sont imprimées en caractères plus petits ; ce sont celles qui sont supposées « interpolées », ajoutées ou modifiées à une époque plus récente. Dans une longue introduction, la traductrice explique d’ailleurs ses intentions : elle s’est donné pour tâche de reconstituer ce qu’elle croit avoir été le Bouddhisme originel, qu’elle a imaginé de désigner du nom de Sakya ; et, pour ce faire, elle s’efforce avant tout d’éliminer tout ce qui lui paraît présenter un caractère « monastique » ; peut-être la seule conclusion qu’il convient d’en tirer est-elle tout simplement qu’elle a elle-même un préjugé « anti-monastique » particulièrement violent ! Elle considère aussi comme « tardif » tout ce qui lui semble indiquer une influence du Sânkhya ; mais on ne voit vraiment pas pourquoi cette influence ne se serait pas exercée tout aussi bien sur le Bouddhisme dès ses débuts… En somme, son Sakya n’est guère qu’une construction hypothétique de plus, venant s’ajouter à toutes celles qu’ont déjà édifiées d’autres « historiens », chacun suivant ses propres tendances et préférences individuelles. Quant à la traduction elle-même, elle eût pu sûrement être plus précise et plus claire, si elle n’avait été versifiée ; quoi qu’on en puisse dire, nous pensons qu’une traduction en vers présente toujours beaucoup moins d’avantages que d’inconvénients, d’autant plus qu’il est tout à fait impossible de conserver dans une autre langue le véritable rythme de l’original.

Éditions G. Crès et Cie Paris.

Ce livre se présente comme une « enquête philosophique », ce qui pourrait faire craindre qu’il ne soit plus ou moins affecté par des points de vue occidentaux ; mais, à la vérité, l’auteur, en ce qui concerne l’histoire et les doctrines des différentes sectes ou écoles, se borne le plus souvent à rapporter, d’une façon impartiale et apparemment exacte, ce que lui ont dit les professeurs bouddhistes auxquels il s’est adressé. On peut voir par cet exposé que le Bouddhisme, au Japon comme dans les autres pays où il s’est répandu, s’est largement modifié pour s’adapter au milieu ; les premières sectes, qui étaient restées plus proches des formes indiennes et chinoises, n’ont pas survécu. On constate aussi que les sectes qui tendent actuellement à prendre la plus grande extension sont celles qui simplifient le plus la doctrine et qui présentent le caractère « quiétiste » le plus accentué ; ce sont d’ailleurs, en même temps, ce dont on ne saurait s’étonner, celles où s’affirme surtout une tendance à la « modernisation », et une préoccupation « sociale » prédominante, toutes choses qui, évidemment, sont en étroit rapport avec l’« occidentalisation » du Japon contemporain. Telle est l’impression générale qui se dégage de ce livre, où ceux qui ne sont pas des « spécialistes » pourront trouver en somme une information suffisante, y compris des extraits de quelques textes caractéristiques ; ajoutons qu’il est d’une lecture facile, et, de plus, abondamment illustré de vues des principaux sanctuaires bouddhiques japonais.