Avril 1926

Il est incontestable que saint Thomas d’Aquin est « à la mode », et peut-être sa doctrine n’a-t-elle jamais été l’objet de tant de travaux de toutes sortes ; pourtant, il est des côtés de cette doctrine qu’on semble laisser volontairement dans l’ombre. Certains Thomistes actuels, qui protestent contre l’appellation de « néo-Thomistes » et qui se croient très « antimodernes », ont cependant, en réalité, l’esprit trop moderne encore pour comprendre la cosmologie de saint Thomas, et même pour voir simplement la différence qui existe entre les points de vue de la physique de l’antiquité et du moyen âge et de celle d’aujourd’hui, différence qui est telle qu’il n’y a lieu d’envisager entre elles ni opposition ni conciliation. À plus forte raison ces mêmes Thomistes ne veulent-ils pas entendre parler de choses telles que l’astrologie, et ils doivent être plutôt gênés lorsqu’ils sont obligés de constater que saint Thomas a affirmé très explicitement la réalité de l’influence des astres. Aussi le présent ouvrage, bien loin de faire double emploi avec aucun autre, vient-il combler une lacune importante. L’auteur a groupé sous un certain nombre de titres les principaux passages de la Somme Théologique qui se rapportent à cette question ; et, dans chaque chapitre, il a fait suivre la reproduction des textes de commentaires qui, dans l’ensemble, nous paraissent parfaitement justes. Il y aurait lieu seulement de faire des réserves sur ce qu’il y a, ici aussi, de trop moderne dans quelques interprétations ; nous voulons parler de la tendance qu’a M. Choisnard à rapprocher de sa propre conception de l’astrologie celle de saint Thomas ou celle de Ptolémée. Or la conception de l’« astrologie scientifique » comme fondée principalement sur les « statistiques » et les « probabilités », de façon à constituer une « science expérimentale » au sens où on l’entend de nos jours, est certainement bien éloignée de l’astrologie ancienne, qui reposait sur de tout autres bases ; et, si cette astrologie nouvelle est une tentative pour rejoindre celle des anciens, elle prend pour y arriver une voie très détournée. D’autre part, nous ne pensons pas que le vrai sens de la notion de causalité soit celui qu’indique M. Choisnard, et où nous retrouvons la confusion entre « cause » et « condition » qui est, d’ordinaire, le fait d’un certain empirisme. Malgré cela, un tel travail est fort utile, car il peut contribuer à corriger l’étroitesse des interprétations courantes du Thomisme ; et il y a là un effort d’autant plus méritoire qu’il va à l’encontre de beaucoup de préjugés.