Novembre 1927

Ce petit volume, qui doit être le premier d’une nouvelle « Bibliothèque scientifique de perfectionnement humain », est un exemple typique de ces productions d’autodidactes, comme il en existe beaucoup à notre époque, qui, ayant accumulé des notions de toutes sortes et les ayant combinées au gré de leur imagination, se persuadent qu’ils sont parvenus à des découvertes prodigieuses et que leur « science » est destinée à assurer le bonheur de l’humanité. Que d’efforts dépensés en pure perte, et quel gaspillage d’une activité qui aurait trouvé un bien meilleur emploi dans des besognes plus modestes, mais d’une utilité moins contestable ! C’est là, sans doute, un des « bienfaits » tant vantés de l’« instruction obligatoire »…

Thèse latine traduite par M. Canguilhem, avec une préface de M. Léon Brunschwieg.

C’est une excellente idée d’avoir donné une traduction française de cette thèse latine d’Émile Boutroux, bien qu’elle ne soit qu’une simple étude historique sur cette singulière théorie de Descartes d’après laquelle les vérités éternelles sont créées par Dieu de telle façon que le possible et l’impossible ne sont tels que parce que Dieu l’a voulu librement, au sens d’une liberté d’indifférence. Après avoir lu ce petit livre, on voit mieux comment cette théorie se rattache à tout l’ensemble de la philosophie cartésienne ; mais nous ne pensons pas que, en elle-même, elle en apparaisse mieux justifiée. — La préface dans laquelle M. Brunschwieg a donné un aperçu d’ensemble de la philosophie d’Émile Boutroux manque trop souvent de clarté ; et est-il vraiment admissible que la question des rapports de la France et de l’Allemagne soit mise sur le même plan que celle des rapports de la science et de la religion ?

L’auteur s’est proposé une sorte de confrontation du thomisme avec la philosophie moderne, et, ici, plus spécialement avec le kantisme ; n’est-ce pas accorder une importance excessive à des « problèmes » purement artificiels, et y a-t-il vraiment lieu de vouloir constituer, sur des bases thomistes, une « Théorie de la connaissance » ? L’antiquité et le moyen âge, qui préféraient à bon droit aller directement à la connaissance elle-même, ne se sont guère embarrassés de ces questions ; et nous ne voyons pas que la métaphysique ait réellement besoin d’un tel « point de départ ». D’ailleurs, bien que nous soyons fort peu partisan de ce mélange de points de vue hétérogènes et de ces discussions qui conduisent trop souvent à d’assez fâcheuses concessions, nous n’en reconnaissons pas moins tout le mérite d’un travail considérable, et d’autant plus difficile qu’il s’agit de comparer entre elles des théories qui s’expriment en des langages aussi différents que possible.

C’est un livre très curieux, dont l’auteur, qui pense avoir trouvé enfin la clef des célèbres prophéties de Nostradamus, a eu seulement le tort de ne pas s’expliquer assez nettement sur la méthode qu’il emploie pour parvenir à certains résultats, ce qui en rend la vérification difficile. Quoi qu’il en soit, et malgré les réserves qu’appelleraient peut-être quelques déductions poussées un peu trop loin, il nous paraît certain qu’il y a un fondement sérieux dans l’interprétation des « Centuries » suivant un système « chrono-cosmographique » lié à la connaissance des « lois cycliques », car, par une coïncidence assez remarquable, nous avons pu, d’autre part, constater nous-même l’existence de quelque chose d’analogue dans l’œuvre de Dante. Nous signalerons aussi particulièrement les considérations relatives à la mutation des symboles en correspondance avec certaines périodes historiques et le chapitre consacré à la topographie de Paris, qui est un des plus intéressants, et qui se rattache à ce que nous avons appelé la « géographie sacrée » ; les prédictions concernant le prochain avenir sont moins satisfaisantes, mais ce n’est là, quoi que certains puissent en penser, qu’une application très secondaire. Cet ouvrage nous change fort avantageusement des habituelles élucubrations « occultistes », et il est à souhaiter que l’auteur développe par la suite, comme ils le mériteraient, divers points auxquels il n’a pu faire que de trop brèves allusions.