Avril 1928

Voici encore une nouvelle hypothèse (l’auteur lui-même reconnaît que ce n’est que cela) sur les origines du Christianisme, qui aurait été la continuation ou le « réveil » d’une antique « religion de mystère » palestinienne, dont le dieu, appelé Jésus (ou Josué), aurait été immolé et crucifié rituellement dans un « drame sacré » réalisé pour la dernière fois en l’an 27 de notre ère. M. Dujardin s’écarte de la conception « mythique », soutenue récemment par M. Couchoud, en ce qu’il reconnaît à Jésus une certaine historicité, mais qui est seulement une « historicité spirituelle » ; encore faut-il préciser que la « spiritualité », pour lui, doit s’entendre en un sens purement « sociologique » ; et il utilise à la fois les prétendus résultats de la « critique indépendante » (lisez antichrétienne), la théorie de Robertson Smith, d’après laquelle « le rite précède et produit le mythe », et celle de Durkheim d’après laquelle « le dieu est l’hypostase de la Société ». Il faut attendre la suite, car ce volume se présente comme le premier de toute une série ; mais nous sommes bien persuadé, par ce que nous en voyons déjà, que cette hypothèse n’est qu’une fantaisie de plus qui vient s’ajouter à beaucoup d’autres, et qu’elle n’a pas plus de solidité que celle qu’elle prétend remplacer ; ces constructions pseudo-scientifiques, engendrées par le désordre intellectuel de notre époque, s’écrouleront toutes les unes après les autres et, finalement, la vraie tradition chrétienne n’a sûrement rien à en redouter.

Ce travail, dont les deux premiers volumes (lettres A et B) ont paru, est un recueil vraiment formidable de renseignements de toute provenance, qu’il serait fort difficile de trouver ailleurs ; il est donc appelé à rendre de grands services à tous ceux qui s’intéressent aux questions se rapportant au symbolisme. Les interprétations sont parfois contestables, et, en particulier, l’idée que se fait l’auteur de ce qu’il appelle le « Delphisme primitif » nous semble bien hypothétique ; mais ces interprétations mêmes sont toujours intéressantes et suggestives malgré tout, et, en tout cas, elles n’enlèvent évidemment rien à la valeur de la documentation. Il y a bien quelques erreurs de faits, mais, dans un ouvrage de ce genre, c’est presque inévitable ; il en est une, pourtant, qui est d’autant plus fâcheuse qu’elle est fréquemment répétée : c’est l’attribution au Bouddhisme d’idées, de symboles et de textes (notamment les Purânas) qui, en réalité, sont purement brahmaniques ; c’est d’ailleurs une chose bien curieuse que cette tendance qu’ont la plupart des Occidentaux à voir du Bouddhisme un peu partout.

Ce gros volume n’est qu’un recueil de faits et d’expériences tendant à prouver la réalité des « radiations », de nature plus ou moins indéterminée, qui émaneraient du corps humain, et, plus généralement, de tous les organismes vivants. Le sous-titre, pourtant, contient une expression tendancieuse, celle de « corps subtils », qui implique l’acceptation de certaines théories spirites ou occultistes, et dans laquelle l’emploi du mot de « corps » dénote une conception assez grossièrement matérialisée ; celui de « forces » ne conviendrait-il pas beaucoup mieux ? Nous pensons, d’ailleurs, que les phénomènes dont il s’agit sont bien plus près du simple domaine physiologique que certains ne paraissent le supposer ; nous sommes aussi loin que possible d’en contester la réalité, mais nous nous demandons pourquoi tous les ouvrages de ce genre reproduisent constamment des exemples suspects ou mal contrôlés qu’il serait assurément préférable de laisser de côté, ne fût-ce que pour ne pas donner prise à de trop faciles objections. D’autre part, pourquoi, sur trois personnalités à la mémoire desquelles est dédié ce livre, en est-il deux qui furent des spirites avérés ? Cela est peu propre à donner l’impression d’une recherche indépendante et, si les « métapsychistes » ne sont pas pris au sérieux, il faut avouer que les maladresses qu’ils commettent y sont bien pour quelque chose.