Mai 1928
- Louis Lavelle. — La Dialectique de
l’éternel présent : De l’Être.
C’est un curieux essai d’ontologie, présenté sous une forme originale, trop originale peut-être, car certaines des thèses qui y sont contenues, comme celle de l’« univocité de l’être » par exemple, semblent passablement « hérétiques ». Et que penser de l’identification de l’être total avec un « individu infini », surtout alors qu’il est dit d’autre part que ce même tout « ne peut être qu’une idée » ? Il y a pourtant des considérations intéressantes, notamment celles qui se rapportent au jugement universel « l’être est » ; mais cela est bien compliqué, et peut-être assez inutilement. De plus, contrairement à ce que fait espérer le titre, la question des rapports du temps et de l’éternité n’est guère éclaircie ; en particulier, la distinction essentielle des deux sens du « présent », l’un temporel et l’autre intemporel, fait entièrement défaut. D’ailleurs, s’il faut le dire nettement, toute cette « dialectique », si ingénieuse qu’elle puisse être, nous fait plutôt l’effet d’un jeu et nous paraît très « verbale » au fond ; que tout cela est donc loin de la véritable connaissance !
- Augustin Jakubisiak. — Essai sur les limites
de l’espace et du temps.
Bien que cette thèse paraisse, d’après son titre, devoir être d’ordre cosmologique, elle débute par une interprétation ontologique des principes logiques, qui nous semble d’ailleurs assez contestable quant à l’application qui en est faite à l’« être concret » et quant à l’affirmation de « discontinuité » qu’on veut en tirer. L’auteur développe ensuite les conséquences de cette interprétation, conséquences non point « métaphysiques » comme il l’annonce tout d’abord, mais proprement « physiques » au sens étymologique de ce mot ; plus précisément encore, elles sont en grande partie « épistémologiques », c’est-à-dire qu’elles relèvent surtout de la philosophie des sciences telle qu’on l’entend aujourd’hui. Il y a donc là une multiplicité de points de vue qui ne va pas sans quelque confusion, à laquelle s’ajoute encore l’emploi d’une terminologie parfois trop peu précise. Il y a pourtant des choses remarquables dans la critique qui est faite de certaines théories ; mais pourquoi attacher tant d’importance à l’état actuel de la science et à des conceptions qui n’auront sans doute qu’une durée éphémère ? La partie constructive de l’ouvrage renferme des assertions bien discutables : discontinuité de l’espace, explication spatiale du nombre ; et l’extension des notions d’espace et de temps à toute simultanéité et à toute succession (qui se trouve aussi chez Leibnitz) est vraiment abusive. Dans la conclusion, l’auteur cherche à accorder sa théorie avec la révélation chrétienne, et les remarques auxquelles il est amené par là ne sont pas, dans son livre, ce qui est le moins digne d’intérêt.