Septembre-octobre 1928
- Bertrand Russell. — Analyse de l’Esprit.
Traduit de l’anglais par M. Lefèvre.
Ce livre, nous dit l’auteur, est né d’une tentative de concilier deux tendances différentes, celle de la psychologie qui devient de plus en plus dépendante de la physiologie, et celle de la physique qui, de son côté, rend la matière de moins en moins « matérielle ». On pourrait croire, à première vue, qu’il s’agit là d’un retour aux conceptions anciennes, dans lesquelles l’esprit et la matière n’étaient point radicalement séparés l’un de l’autre comme ils le sont depuis Descartes ; mais, en fait, il n’en est rien, car il s’agit d’un point de vue « empiriste » et « évolutionniste » qui est purement moderne, au plus fâcheux sens de ce mot, et dans lequel ce qui est appelé « esprit » nous apparaît comme quelque chose de peu « spirituel » en réalité, toute faculté supérieure à l’ordre sensible étant niée ou passée sous silence. Parmi les récentes théories psychologiques, « behaviouristes » ou autres, que M. Russell examine avec le plus grand sérieux, il en est d’ailleurs de fort divertissantes pour quiconque peut les envisager avec un complet désintéressement ; ne se rencontrera-t-il pas un Molière pour mettre à la scène ces pédantesques inepties ?
- Ch. Appuhn. — Spinoza.
Ce volume fait partie de la collection « Civilisation et Christianisme », dirigée par M. Louis Rougier, et qui est la suite de celle des « Maîtres de la Pensée antichrétienne » ; c’est dire que les extraits de Spinoza qui en forment la partie principale ont été choisis, non avec impartialité, mais avec le dessein bien arrêté de faire apparaître leur auteur sous un aspect aussi étroitement « rationaliste » que possible ; on va même, en ce sens, jusqu’à faire de lui, à tort ou à raison, le « véritable inventeur » de la « critique » moderne. La longue introduction qui précède ces extraits est intéressante au point de vue historique, mais nous en tirerions, pour notre part, une conclusion tout autre que celle de M. Appuhn et beaucoup moins avantageuse pour Spinoza : c’est que celui-ci, quand il s’est mêlé de parler de la religion, l’a fait en « profane », c’est-à-dire en homme qui n’y entend rien. Nous nous demandons même, à ce propos, par quelle aberration certains ont voulu présenter comme un Kabbaliste le philosophe qui a écrit que, à son avis, « les hautes spéculations n’ont rien à voir avec l’Écriture », ce qui est précisément la négation formelle de la Kabbale hébraïque.