Décembre 1929

Vers l’Unité (no de juillet-août) contient une intéressante « étude médiévale » de notre collaborateur J.-H. Probst-Biraben, sur Eximeniç, évêque d’Elne, et les sciences occultes de son temps. Signalons aussi, dans le même numéro, le commencement d’un travail du lieutenant-colonel de Saint-Hillier, intitulé Glozel devant l’histoire ; l’auteur soutient la thèse d’une origine carthaginoise des fameuses inscriptions glozéliennes ; malheureusement, son assertion que « l’arabe vulgaire parlé en Algérie est à très peu de chose près le langage antique des premiers Carthaginois » nous incite à quelque méfiance ; il est vrai qu’il arrive à traduire les inscriptions et à y trouver un sens plausible, mais nous avons déjà vu, dans d’autres cas, des gens qui obtenaient des traductions parfaitement cohérentes et pourtant purement fantaisistes ; il convient donc, jusqu’à nouvel ordre, de faire au moins quelques réserves sur la portée de cette « découverte ».

— Dans les Études (no du 20 septembre), nous relevons un article de P. Lucien Roure, ayant pour titre Pourquoi je ne suis pas occultiste, et qui veut être une réponse au récent livre de M. Fernand Divoire, Pourquoi je crois à l’Occultisme. Cet article, plein de confusions, prouve surtout que son auteur ne sait pas ce que c’est que l’analogie, qui n’a jamais eu ni le sens de ressemblance ni celui d’identité, et que, sur l’astrologie et l’alchimie, il s’en tient aux conceptions erronées qui ont cours chez les modernes.

L’Ère Spirituelle est l’organe de la branche française de la Rosicrucian Fellowship de Max Heindel ; un article sur La Grande Pyramide, qui se termine dans le no d’octobre, contient des choses déjà dites bien souvent, et d’ailleurs plus qu’hypothétiques, sur les mystères égyptiens.

Die Säule publie la traduction allemande d’une conférence du baron Robert Winspeare sur l’enseignement de Bô Yin Râ (dont le texte français a paru en brochure à la librairie Maisonneuve), et une étude du Dr Alfred Krauss sur la « quadrature du cercle ».

— Le Grand Lodge Bulletin d’Iowa (no de septembre) consacre un article au symbolisme des globes et des autres emblèmes qui figurent sur les chapiteaux des deux colonnes du Temple ; notons l’interprétation d’après laquelle les deux globes, l’un céleste et l’autre terrestre, correspondent respectivement au pouvoir sacerdotal et au pouvoir royal.

Le Compagnonnage (no d’octobre) continue la publication d’une étude sur l’Origine préhistorique du Compagnonnage que nous avons déjà mentionnée ; l’affirmation d’une identité entre certains signes relevés dans les cavernes et les signes compagnonniques nous paraît quelque peu sujette à caution ; cela demanderait à être vérifié de très près.

— Nous avons reçu le premier numéro (15 septembre) d’un autre organe compagnonnique, intitulé Le Compagnon du Tour de France, qui s’affirme nettement « traditionaliste », proteste contre certaines tentatives « réformistes », et se montre opposé à la fusion (nous dirions volontiers la confusion) des différents rites, tout en préconisant l’entente et la collaboration de tous les groupements ; ce sont là des tendances que nous ne pouvons qu’approuver pleinement.

La Revue Internationale des Sociétés secrètes poursuit la publication de la série intitulée Diana Vaughan a-t-elle existé ? (nos des 29 septembre et 20 octobre) : on s’attache à montrer la concordance de certaines assertions contenues dans les « Mémoires » avec divers livres anciens et plus ou moins rares sur les Rose-Croix ; la conclusion qui nous paraîtrait s’en dégager le plus naturellement, c’est que l’auteur des « Mémoires », quel qu’il ait été, connaissait aussi bien que le rédacteur de la revue les livres en question ; mais ce serait probablement trop simple, et en tout cas trop peu satisfaisant pour la thèse qu’il s’agit de soutenir coûte que coûte. Dans le numéro du 6 octobre est inséré, sans rectification ni commentaire, un article d’un correspondant de Pologne qui a pris un temple des Odd Fellows pour une Loge maçonnique ; admirons une fois de plus la compétence de ces « spécialistes » ! Dans le numéro du 27 octobre, un article intitulé La Mode du Triangle nous rappelle certaines élucubrations taxiliennes sur le symbolisme maçonnique de la Tour Eiffel ; il paraît que les grands magasins vendent des poupées « qui ont été soumises, dans de Hautes Loges, à des incantations et à des envoûtements » ; il paraît aussi que le triangle est « le symbole de la religion de Satan », ce dont nous ne nous serions certes pas douté à le voir figurer dans tant d’églises catholiques. Les gens qui sont capables d’écrire de pareilles choses, s’ils sont sincères, sont de véritables obsédés qu’il faut plaindre, mais qu’on devrait bien empêcher de propager leur manie éminemment contagieuse et de détraquer d’autres esprits faibles. — Dans le même numéro, un autre article présente comme un « Sage hindou » Sundar Singh, qui est un Sikh converti au protestantisme, donc doublement « non-hindou » ; notons à ce propos que sâdhou (et non sandhou) n’a jamais voulu dire « moine brâhmane », expression qui ne répond d’ailleurs à aucune réalité ; qu’il est donc facile d’émettre des affirmations sur des sujets dont on ignore le premier mot ! — La « partie occultiste » (no du 1er octobre) est consacrée cette fois principalement à défendre l’Élue du Dragon contre les Jésuites des Études et de la Civiltà Cattolica, en leur opposant certains de leurs anciens confrères qui ont eu, paraît-il, une façon de voir toute différente (ce qui n’implique pas nécessairement qu’elle ait été plus juste). À cet effet, M. A. Tarannes évoque L’« Hydre aux trois têtes » du R. P. Rinieri, S. J., brochure dans laquelle il n’est d’ailleurs question en réalité ni d’hydre ni de dragon, si ce n’est dans un sens tout figuré. Ensuite viennent Trois lettres du R. P. Harald Richard, S. J., sur l’occultisme contemporain ; leur auteur est ce Jésuite qu’on prétend avoir copié et annoté les manuscrits originaux de Clotilde Bersone ; la première de ces lettres parle de quelques guérisseurs plus ou moins spirites, et tout son intérêt consiste en ce que certains prélats, voire même un cardinal, y sont accusés d’aller trouver lesdits guérisseurs, « non seulement pour se faire soigner, mais pour leur demander conseil sur toutes les grandes affaires ». Une phrase du préambule nous laisse rêveur : il est dit que ces lettres ont été « compilées à l’aide de nombreuses confidences à des familiers » ; alors, est-ce que ce sont bien vraiment des lettres ? Nous saurons peut-être un jour ce qu’il en est, si l’on met à exécution la menace de « donner des fac-similé des pièces authentiques, où apparaîtront plus clairement des noms et des jugements auxquels certaines personnalités ecclésiastiques et religieuses n’ont rien à gagner » ; que tout cela est donc édifiant !

— Nous avons reçu également les Cahiers de l’Ordre, autre publication antimaçonnique, mais dont la documentation nous paraît être d’un caractère beaucoup moins… fantastique que celle de la R. I. S. S.