Février 1930

— Dans la revue italienne Ultra (no de septembre-décembre), nous notons une étude sur Le mythe de Lohengrin, envisagé à un point de vue un peu trop exclusivement « psychologique », et le commencement d’une autre sur Mysticisme et symbolisme, qui malheureusement se borne à des considérations assez vagues : il ne faudrait pas confondre le véritable symbolisme avec la simple allégorie.

— Dans le Symbolisme (no de novembre), un article d’Oswald Wirth, intitulé Le respect de la Bible, revient encore sur les divergences qui existent entre les conceptions maçonniques des pays anglo-saxons et celles des pays latins ; nous y retrouvons cette regrettable tendance « rationaliste » que nous avons déjà signalée ; traiter les Écritures sacrées, quelles qu’elles soient d’ailleurs, comme quelque chose de purement humain, c’est là une attitude bien « profane ». — Dans le no de décembre, une intéressante étude de M. Armand Bédarride sur L’Initiation maçonnique ; il s’y trouve bien, dans certaines allusions aux doctrines orientales, quelques confusions dues probablement à une information de source surtout théosophique ; mais il est très juste de faire remarquer que l’idée d’une voie unique et exclusive est particulière à l’Occident ; seulement, la « voie du milieu » a un autre sens, beaucoup plus profond, que celui que lui donne l’auteur.

— Nous avons reçu les premiers numéros de la revue allemande Saturn Gnosis, organe de cette Fraternitas Saturni dont il a déjà été question ici ; c’est une publication de grand format, très bien éditée ; mais les articles qu’elle contient, en dépit de leur allure quelque peu prétentieuse, ne reflètent guère que les conceptions d’un « occultisme » ordinaire, de tendances très modernes et assez éclectiques, puisque le théosophisme même et l’anthroposophisme steinérien y ont une certaine part. La Fraternitas Saturni, issue d’une scission qui s’est produite au sein d’un mouvement dit « pansophique », se donne comme « la première Loge officielle de l’ère du Verseau » ; décidément, cette ère du Verseau préoccupe beaucoup de gens. Notons aussi qu’il est beaucoup question de « magie » là-dedans, ce qui répond d’ailleurs à un état d’esprit très répandu actuellement en Allemagne, et qu’on y fait une grande place aux enseignements du « Maître Therion », soi-disant « envoyé de la Grande Fraternité Blanche », lequel n’est autre qu’Aleister Crowley.

— Il est précisément question, une fois de plus, de la Fraternitas Saturni, de l’O. T. O. et d’Aleister Crowley dans la « partie occultiste » de la Revue Internationale des Sociétés Secrètes (no du 1er décembre). À propos de Théodore Reuss, on se déclare disposé « à publier les fac-similés de tous les diplômes, lettres de créance ou affiliation qui rattachent cet excentrique à la Maçonnerie régulière » ; nous serions vraiment curieux de voir cela ; mais, malheureusement, il est bien probable que ces documents émanent tout simplement des organisations de John Yarker ou du fameux Rite Cerneau. — Dans le même numéro, et à deux reprises différentes, on a éprouvé le besoin de lancer contre nous des pointes qui voudraient être désagréables, et qui ne sont qu’amusantes : ainsi, on met à nous traiter d’« érudit » une insistance qui est vraiment comique quand on sait combien nous faisons peu de cas de la simple érudition. Nous tenons seulement à faire remarquer ceci : depuis près d’un quart de siècle que nous nous occupons d’études ésotériques, nous n’avons jamais varié en quoi que ce soit ; que nos articles paraissent à Regnabit, au Voile d’Isis ou ailleurs, ils ont toujours été conçus exactement dans le même sens ; mais, étant entièrement indépendant, nous entendons donner notre collaboration à qui il nous plaît, et personne n’a rien à y voir. Si ces Messieurs estiment « n’avoir pas de leçons à recevoir de nous » (en quoi ils ont grand tort, car cela leur éviterait quelques grosses sottises), nous en avons encore bien moins à recevoir d’eux ; et, s’ils s’imaginent que leurs petites injures peuvent nous atteindre le moins du monde, ils se trompent fort. — Ce numéro débute par un article consacré à l’« Ordre Eudiaque », de M. Henri Durville, que l’on confond d’ailleurs avec ses frères, ce qui montre encore une fois la sûreté des informations de la R. I. S. S. ; et qualifier cette organisation de « nouvelle société secrète » est vraiment excessif. La vérité est beaucoup plus simple ; mais, si on la disait, ce serait trop vite fini, et cela ne satisferait guère la curiosité d’une certaine clientèle… — La dernière des Trois lettres du R. P. Harald Richard, S. J., sur l’occultisme contemporain, intitulée Le double jeu de Satan, n’est, comme les précédentes, qu’un ramassis de racontars assez quelconques. — Quant à la suite des articles intitulés Diana Vaughan a-t-elle existé ? (no du 29 décembre), c’est toujours aussi peu concluant. — À propos de Diana Vaughan, précisément, voici que l’abbé Tourmentin, qui avait disparu de la scène antimaçonnique depuis plusieurs années, ressuscite pour donner à la Foi Catholique des souvenirs sur la mystification taxilienne qui ne semblent pas destinés à faire plaisir aux promoteurs du « néo-taxilisme », d’autant plus que la rédaction de cette revue les a fait précéder d’une note fort dure, où nous lisons notamment ceci : « On ne s’explique guère le motif de cet incroyable essai de résurrection du “taxilisme”. On se l’explique d’autant moins que les preuves nouvelles, annoncées, clamées à son de trompe, se réduisent exactement à rien. » C’est tout à fait notre avis ; et la note en question se termine par cette phrase qui pourrait donner la clef de bien des choses : « L’Intelligence Service a prodigué cette année les secrets de cette espèce. Ce n’est pas rassurant. » De tout cela, jusqu’ici, la R. I. S. S. n’a pas soufflé mot.