Janvier 1931

— Dans le Lotus Bleu (no de septembre), sous le titre De la Magie à la science, M. Alfred Meynard dit quelques bonnes vérités au professeur Charles Richet, à l’occasion de la critique que celui-ci a fait des livres de Mme David-Neel dans la Revue Métapsychique ; nous ne pouvons qu’approuver. Il y a aussi une phrase très juste sur certaines « écoles plus ou moins américaines » qui ne sont que des « caricatures du yoga » ; mais qu’il est donc imprudent de dire une telle chose dans un organe de la Société Théosophique ! — Dans le même numéro, article assez confus du Dr E. de Henseler sur les Anges ; il y aurait beaucoup à dire sur ce sujet, mais qui donc, aujourd’hui, comprend encore quelque chose à l’angélologie ? Quant à l’idée de faire de Jéhovah « un des sept archanges », sur laquelle se termine l’article en question, c’est de la pure fantaisie. — Dans le no suivant (octobre), le même auteur parle des Centres initiatiques, dont il se fait une conception bien spéciale ; nous n’avons pas réussi à découvrir ce qu’il y a d’« initiatique » là-dedans.

— La plus grande partie du no de septembre-octobre d’Atlantis est occupée par une conférence de M. Louis Rougier sur La preuve astronomique de l’immortalité de l’âme dans le Pythagorisme, dont l’intention principale semble être d’exalter la civilisation grecque aux dépens de toutes les autres. Une simple question à ce propos : si tout a commencé avec les Grecs, que devient l’Atlantide ?

— Dans le Symbolisme (no d’octobre), un article intitulé La Maçonnerie sacerdotale (mieux eût valu dire « pseudo-sacerdotale ») et signé Diogène Gondeau est une bonne critique des visions du T/ Ill/ F/ (et Mgr) Leadbeater et de la fantastique histoire du « Chef de tous les vrais Francs-Maçons ». Un autre article de M. A. Siouville, sur L’Oraison dominicale, n’est qu’un morceau d’exégèse moderniste : il paraît que le Pater a « un caractère très purement hébraïque » ; nous ne voyons pas en quoi tout cela peut aider à en pénétrer le sens profond. — Dans le no de novembre, Oswald Wirth continue à s’en prendre à La Maçonnerie dogmatique, c’est-à-dire à la Maçonnerie anglo-saxonne, à propos des questions de « régularité ». Deux réponses à de précédents articles : Apologie de la Bible, par M. Élie Benveniste, qui ne veut d’ailleurs y voir que le Décalogue, ce qui est un point de vue bien restreint ; Plaidoyer pour l’Occultisme, par M. Marius Lepage, qui nous semble bien enthousiaste pour cet « occultisme » contemporain où l’on trouve un peu de tout, sauf la véritable connaissance initiatique (que la plupart de ses adversaires, d’ailleurs, ne possèdent pas davantage) ; la jeunesse qu’il avoue excuse ses illusions, que le temps se chargera sans doute de dissiper.

Hain der Isis (nos d’août-septembre et d’octobre) continue à se présenter surtout comme l’organe de disciples ou de partisans d’Aleister Crowley. — Signalons à ce propos qu’on a annoncé la disparition de celui-ci, qui se serait noyé volontairement en Portugal, le 24 septembre dernier ; nous ne savons si cette nouvelle a été confirmée.

— Dans le même ordre d’idées, un nouvel « organe d’action magique », français celui-là et intitulé La Flèche, a commencé à paraître le 15 octobre ; cette publication nous semble encore d’un caractère quelque peu douteux ; nous en attendons la suite pour nous prononcer plus nettement.

— Nous avons reçu les deux premiers nos (juillet et août) de la Revue Caodaïste, organe d’une nouvelle religion qui a vu le jour en Indo-Chine, et qui se présente comme un singulier mélange de Bouddhisme, de Taoïsme (parfaitement incompris, bien entendu), de Confucianisme, de Christianisme, et… de spiritisme ; spiritisme un peu spécial, d’ailleurs, où Dieu lui-même dicte des communications au moyen d’une « corbeille à bec » (sic). Il paraît que les fondateurs et dignitaires sont tous des fonctionnaires ayant reçu une éducation française, ce qui ne nous surprend pas ; c’est bien là, en effet, un produit de l’influence occidentale.

— Reçu aussi des nos d’une revue catholique, d’un caractère quelque peu étrange, intitulée Fides Intrepida, et « consacrée à l’étude du Surnaturel et à la démonstration de l’action de la Providence dans les événements humains » ; il y est surtout question des prophéties de Nostradamus et du secret de la Salette, et elle ne semble pas être en excellents termes avec les autorités ecclésiastiques.

— Les Cahiers de l’Ordre, organe antimaçonnique, qui avaient interrompu leur publication au début de l’année, l’ont reprise en septembre. Nous y voyons l’annonce d’un « Parti national-populaire français anti-juif » qui, à l’imitation des « racistes » allemands, a pris pour emblème le swastika ; à quoi les symboles ne peuvent-ils servir quand on ne les comprend plus ?

— Le no du 1er septembre de la Revue Internationale des Sociétés Secrètes (« partie occultiste ») débute par une étude de M. de Guillebert, intitulée Antisémitisme, moins « excentrique » que beaucoup d’autres du même auteur, mais où l’influence juive est, comme toujours, fort exagérée. Vient ensuite une revue des revues où nous devons relever le procédé, appliqué notamment à quelques articles du Voile d’Isis de juin, qui consiste à mettre bout à bout des lambeaux de phrases isolées de leur contexte, ce qui permet évidemment d’y trouver le sens qu’on veut. Signalons aussi qu’on nous fait dire que la connaissance des « petits mystères » s’acquiert en parcourant les « noms des choses », ce qui n’a aucune signification ; nous avions écrit la « roue des choses ». — Toujours dans le même no un article du Dr G. Mariani, intitulé : Les Doctrines Kaïnites dans la F/ M/ : un conte symbolique de Gérard de Nerval, attribue une importance bien excessive à une fantaisie dans laquelle son auteur a mêlé des éléments de provenances diverses au produit de sa propre imagination ; il est vrai que ce conte sur la reine de Saba est une « source » à laquelle ont puisé nombre d’antimaçons, qui n’ont pas hésité à le présenter comme l’authentique légende d’Hiram. Quant aux allusions au « Roi du monde » contenues dans l’article, nous nous bornons pour l’instant à en prendre note, en attendant la suite… s’il y en a une. — Dans le no du 1er octobre (« partie occultiste » également), M. de Guillebert intitule son article Les Polaires ; nous aurons peut-être à parler bientôt de cette bizarre histoire, qui, d’ailleurs, n’est ici qu’un prétexte à des considérations très mêlées sur la « mystique occulte ». Le Dr Mariani étudie L’Occultisme dans les pays anglo-saxons, d’après « Light-Bearers of Darkness », par « Inquire Within » ; l’auteur de ce livre, dont il avait déjà été question précédemment, a largement utilisé notre propre ouvrage sur le Théosophisme ; mais, à côté de certains renseignements sérieux et exacts, il en donne beaucoup d’autres qui ne peuvent être acceptés que sous bénéfice d’inventaire. — Notons enfin, à propos de Diana Vaughan (no du 12 octobre), un article intitulé Puissance dogmatique, dans lequel on s’efforce de prouver que ce qui est ainsi désigné dans la Maçonnerie écossaise serait autre chose que le Suprême Conseil de chaque pays ; l’argumentation ne tient pas debout… et pour cause.