Mars 1931
— Le no de novembre-décembre d’Atlantis est consacré en grande partie à la reproduction des discours prononcés au « troisième banquet platonicien ». Par ailleurs, une note qui prétend répondre à notre précédente mise au point nous oblige à quelques nouvelles remarques : 1o l’emploi du « nous » en écrivant est une question, non de « simplicité » ou de son contraire, mais d’usage et de convenances (comme l’habitude de mettre une majuscule à un nom propre) ; ce pluriel se trouve être, en outre, susceptible d’une intéressante signification initiatique ; 2o ce n’est pas parce que M. Le Cour, impressionné plus qu’il ne convient par les rêveries de feu M. de Sarachaga, croit trouver Agni et Aor dans Ag-ar-Tha ou dans tout autre nom, que nous sommes obligés de l’admettre ; 3o nous n’avons jamais éprouvé qu’un fort médiocre intérêt pour le Gnosticisme, d’abord parce qu’il est bien difficile actuellement de savoir au juste ce qu’il fut en réalité, et ensuite parce qu’en tout cas sa forme grecque est pour nous des plus rebutantes ; 4o toutes les formes régulières de la Tradition sont équivalentes, et, par conséquent, les mêmes choses, quoique autrement exprimées, se trouvent à la fois dans l’Hindouisme, dans le Taoïsme, dans l’Islamisme ésotérique, etc. ; nous n’avons jamais envisagé les choses d’une autre façon ; 5o du reste, depuis à peu près un quart de siècle que nous nous occupons des questions d’ordre initiatique, nous n’avons jamais varié en quoi que ce soit, et nous souhaiterions à certains de pouvoir en dire autant ; 6o enfin, nous n’avons pas à faire savoir à M. Le Cour ou à tout autre « chercheur » ce que nous possédons ou ne possédons pas ; et, pour ce qui est particulièrement du « pouvoir des clefs », ainsi que nous l’avons fait entendre dans Autorité spirituelle et pouvoir temporel, nous nous expliquerons là-dessus le jour où il nous conviendra ; jusque-là, rien ne « se verra » que ce que nous voudrons bien laisser voir, et, bon gré mal gré, M. Le Cour devra en prendre son parti. Ajoutons qu’il n’est pas nécessaire de « posséder les clefs de l’hermétisme » pour savoir que la fête de saint Jean n’est pas devenue celle du Sacré-Cœur, ou que les animaux appelés « lémuriens » ne vivent pas en Asie centrale, mais à Madagascar…
— Dans le no de décembre du Lotus Bleu, un article sur Giordano Bruno, traduit du Theosophist, débute par cette déclaration qu’il convient d’enregistrer : « Mme Annie Besant a récemment montré à plusieurs reprises qu’un des plus importants devoirs de la Société Théosophique est de propager la compréhension de la réincarnation. » On prétend ensuite, contrairement à toute vraisemblance, que « la doctrine de la réincarnation est le centre de la pensée et des projets de Giordano Bruno, dans la mesure où ils sont révélés par son œuvre » ; et, grâce à cette interprétation anachronique, on affirme l’existence d’une « grande affinité mentale » qui tendrait à prouver que Mme Besant elle-même est Giordano Bruno réincarné !
— Dans le Grand Lodge Bulletin d’Iowa (numéro de décembre), notons un article sur la question des « bijoux mobiles et immobiles », où les rituels anglais et américain sont fort loin d’être d’accord, l’un qualifiant de « mobile » ce que l’autre appelle « immobile » et inversement.
— Nous avons signalé précédemment l’apparition d’un organe intitulé La Flèche, qui, dès le premier abord, nous avait paru assez suspect ; nous n’avons pas vu le no 2, qui, paraît-il, aurait été saisi ; mais le no 3 (15 décembre) contient une profession explicite de « luciférianisme », voire de « satanisme », rédigée en des termes qui semblent empruntés en grande partie aux élucubrations taxiliennes ou à l’Élue du Dragon ; nous ne pouvons assurément prendre ces histoires au sérieux, mais l’intention n’en vaut pas mieux pour cela. Le véritable ésotérisme et la tradition initiatique n’ont absolument rien à voir avec ces divagations malsaines ; et le fait qu’on prétend les y mêler nous amène à nous demander si nous ne serions pas en présence d’un nouveau coup monté à la façon de Diana Vaughan…
— Le no du 1er décembre (« partie occultiste ») de la Revue Internationale des Sociétés Secrètes contient un article de M. de Guillebert sur la traduction du Siphra di-Tzeniutha de M. Vulliaud ; cet article, dont le ton uniformément élogieux nous a quelque peu surpris, débute par des souvenirs sur feu Le Chartier et son entourage (ce qui nous reporte encore à l’affaire Taxil) ; nous savions depuis fort longtemps que M. de Guillebert avait effectivement été en relations avec cet étrange milieu, mais c’est la première fois, sauf erreur, que nous en trouvons l’aveu sous sa plume ; et pourquoi, lui qui a fort bien connu Jules Doinel, éprouve-t-il le besoin d’en faire un « vintrasien » ? D’autre part, il est curieux de constater que, tandis que cet article affirme tout au moins le sérieux des études kabbalistiques, une note placée à la fin du même numéro parle des « grossières superstitions de la cabale » (sic) ; les rédacteurs devraient bien tâcher de se mettre un peu d’accord entre eux ! Dans ce même numéro encore, un article du Dr G. Mariani sur Un guérisseur : le « Professeur » Michaux, critique assez amusante et en grande partie justifiée, est suivi des appendices annoncés précédemment à l’article sur Le Christ-Roi et le Roi du Monde ; ces appendices, sur l’Asgard des Dialogues philosophiques de Renan et sur le Mundus Subterraneus du P. Kircher, n’ajoutent pas grand’chose à l’article lui-même. — Dans le no du 1er janvier (« partie occultiste » également), M. de Guillebert intitule son article Ésotérisme, Érotisme ; il s’agit de l’affaire de La Flèche, qu’on va évidemment exploiter dans le sens des thèses spéciales soutenues par la R. I. S. S. ; mais quel rapport cela a-t-il avec les recherches chimiques, ou « hyperchimiques » si l’on veut, de M. Jollivet-Castelot ? Vient ensuite un article de M. Gustave Bord sur Le Serpent Vert de Goethe, essai d’interprétation peut-être plus obscur que le conte lui-même ; nous croyons y comprendre que son auteur s’efforce de ramener tout le symbolisme à une signification exclusivement politique ou sociale, mais nous n’arrivons pas à savoir finalement s’il admet ou n’admet pas l’existence réelle d’un « secret de la Maçonnerie ».