Juin 1931

— Dans Le Rayonnement Intellectuel, M. L. Charbonneau-Lassay, qui dirige cette nouvelle publication, continue ses remarquables études sur les symboles du Christ, commencées jadis dans Regnabit ; le dernier article (no de janvier-février) est consacré au symbolisme du cygne.

— Le no de mars d’Atlantis est consacré pour la plus grande partie à l’Irlande et au Celtisme ; il y est aussi question de la prophétie de saint Malachie. Vers la fin, nous trouvons la petite attaque d’usage contre le Voile d’Isis, devenu, paraît-il, le Voile de Maya (ce qui serait d’ailleurs exactement la même chose), et plus spécialement contre nous, à qui M. Le Cour s’obstine à attribuer, pour la vingtième fois peut-être, une phrase qu’il dénature complètement. Nous n’entendons pas discuter avec M. Le Cour sur le Kali-Yuga et la théorie des cycles, qu’il « arrange » à sa fantaisie ; mais, puisqu’il semble vouloir nous opposer la déclaration parue au début du no de janvier du Voile d’Isis, nous lui ferons remarquer que nous avons nous-même parlé maintes fois, dans les mêmes termes, du « retour à la Tradition en mode occidental ». Nous profiterons de cette occasion pour dissiper une équivoque sur laquelle on a d’autre part appelé notre attention : il doit être bien entendu que la phrase finale de cette déclaration ne saurait s’appliquer personnellement à ceux des rédacteurs qui se rattachent d’une façon effective aux traditions orientales.

— Dans le Symbolisme (nos de mars et avril), suite de la discussion sur la présence de la Bible dans les Loges, son remplacement par un « livre blanc » etc. ; discussion pleine de confusion et constamment influencée par les points de vue les plus « profanes » ; ce n’est pas seulement au sens symbolique qu’on peut parler ici de la « Parole perdue » !

— Le no de mars du Grand Lodge Bulletin d’Iowa contient une étude historique sur l’Ordre de la Jarretière.

— La Revue Caodaïste (no de janvier et février), tout en publiant le « code » de la nouvelle religion dont elle est l’organe, fait une part de plus en plus large au vulgaire spiritisme occidental.

— Il nous faut revenir sur le Bulletin des Polaires, qui, dans son no de mars, sous prétexte de répondre à la note que nous lui avons consacrée précédemment(*), se répand en injures à notre adresse, injures qui d’ailleurs ne sauraient nous atteindre. Ces gens se trompent étrangement s’ils croient nous gêner en publiant la préface que, cédant à leurs sollicitations quelque peu importunes, nous leur avions donnée pour le livre intitulé Asia Mysteriosa ; nous n’avons rien à y changer, sinon que nous ne pouvons plus envisager hypothétiquement, comme nous le faisions alors, une communication réelle avec un centre initiatique dans le cas particulier des fondateurs des « Polaires ». Quant à prétendre que c’est l’auteur du livre qui a « retiré volontairement » cette préface, c’est un impudent mensonge ; en fait, nous avons dû, pour en obtenir le retrait, menacer de faire saisir l’édition si elle y figurait contre notre gré ! Les raisons de ce retrait, nous les avons déjà indiquées : la constitution d’un groupement que nous ne pouvions paraître recommander, et dont nous nous sommes d’ailleurs refusé personnellement à faire partie, puis l’obtention d’une réponse absurde à une question d’ordre doctrinal. Pour le surplus, nous ferons remarquer à ce personnage, qui va jusqu’à nous reprocher d’avoir eu la complaisance de corriger ses épreuves, que s’il peut être « insolent » à notre égard, nous ne saurions l’être vis-à-vis de lui, le rapport n’étant pas réversible, comme disent les logiciens, et que nous n’avons point de « leçons » à recevoir de lui ; nous admettons d’ailleurs que son origine excuse jusqu’à un certain point son ignorance du sens de certains mots français, comme celui de « pamphlets » par exemple ; mais elle n’excuse pas l’emploi d’une expression comme celle de « grand-maître de l’occultisme », appliquée à quelqu’un dont l’attitude a toujours été formellement « anti-occultiste ». Quant aux personnes qui se sont retirées de son groupement, si nous en avons parlé en employant le pluriel, c’est que nous en connaissons au moins quatre ; il fera donc mieux de ne pas insister. Nous ne pouvons pas éprouver de « colère » contre une chose qui est simplement ridicule, et il nous plaît de constater, en lisant les « révélations de Conan Doyle » (no de février et mars), que nous ne nous étions pas trompé en prévoyant que tout cela sombrerait dans le spiritisme ; mais nous ne saurions tolérer que notre nom serve à une « propagande », quelle qu’elle soit d’ailleurs, et c’est parce qu’on nous a signalé l’abus qui en était fait que nous avons dû parler de cette affaire, que, sans cela, nous aurions considérée comme parfaitement négligeable.

— Dans la Revue Internationale des Sociétés Secrètes (no du 1er mars, « partie occultiste »), M. H. de Guillebert intitule Sous le signe du Tétragramme un article dans lequel il continue à exposer ses conceptions très spéciales sur la Kabbale et sur l’alphabet hébraïque. Dans le même numéro et dans le suivant (1er avril), nous trouvons le commencement d’une étude du Dr G. Mariani ayant pour titre L’Islam et l’Occultisme ; cet emploi du mot « occultisme », que nul ne comprend en Orient, est plutôt fâcheux ; par ailleurs, il y a là de justes critiques à l’égard de quelques orientalistes, et aussi l’indication de certains rapprochements curieux, mais qui auraient grand besoin d’être « clarifiés », et surtout interprétés en dehors de tout parti pris.

— La direction du Voile d’Isis a reçu la lettre suivante :

« Monsieur,

« Vous avez publié dans le no 134 du Voile d’Isis quelques lignes que M. Guénon me fait l’honneur de consacrer à mon article, Le Christ-Roi et le Roi du Monde (R. I. S. S.).

« M. Guénon, n’ayant sans doute eu le temps que d’apporter une attention superficielle à mon étude, a, sur deux points au moins, mal saisi ma pensée.

« 1o Il est inexact que je confonde l’Agarttha avec la Grande Loge Blanche. Au contraire, parlant du rôle que celle-ci joue dans l’œuvre de Mme Blavatsky, je cite le passage suivant de M. Guénon (p. 3, note 4, § 3) : “Si les Mahâtmâs ont été inventés, – ce qui pour nous ne fait aucun doute, – non seulement ils l’ont été pour servir de masque aux influences qui agissaient effectivement derrière Mme Blavatsky, mais encore cette invention a été conçue d’après un modèle préexistant.

« Ce dernier membre de phrase m’autorise par conséquent à écrire (p. 9) : “Le Roi du Monde lui-même siège, entouré d’un conseil de douze sages, – que nous identifions à la Grande Loge Blanche.” Il est évident que cette identification n’a été faite que pour la commodité du langage ; j’évitai, en m’en servant, périphrases et redites.

« 2o Il est inexact que M. R. Desoille et moi ayons jamais prêté à M. Guénon des tendances matérielles et politiques. Voici précisément ce que j’ai écrit, sur une observation de mon ami (p. 25) : “Nous nous trouvons en présence de deux traditions symétriques : l’une dirigeant les destinées spirituelles, mystiques de ce monde ; ce Principe a, en Dieu, pour aspect le Christ-Roi, dont saint Michel est le lieutenant… ; l’autre, relative au principe dirigeant les destinées matérielles, politiques de ce monde ; ce principe a, en Satan, pour aspect l’Antéchrist, dont le Roi du Monde est le lieutenant… M. Guénon, avec son antipathie pour le mysticisme (mysticisme et non pas mystique spéculative), inclinant naturellement vers une interprétation matérialiste, n’a vu que la seconde tradition.”

« Il ressort clairement de ce passage que les qualificatifs “matérielles” et “politiques” ne s’appliquent qu’au Roi du Monde et non à M. Guénon ; je n’ai pas encore poussé l’extravagance jusqu’à croire qu’il y ait identité entre ces deux personnalités.

« En outre, il est évident que le sens du terme “matérialisme” du dernier alinéa ne doit être entendu que par opposition à celui de “mysticisme” de la ligne précédente.

« J’attire enfin l’attention sur le fait que le renvoi 4 (p. 25) où je nomme M. Desoille se rapporte, comme il y est écrit, au paragraphe entier (relatif au double aspect du problème, théorie traditionnelle d’ailleurs), et non au dernier alinéa (relatif à M. Guénon), mon ami, plus encore que moi, répugnant à toute polémique.

« Je confesse d’ailleurs bien volontiers ignorer, faute de pratique, les prières israélites ; je maintiens seulement que le titre de Roi du Monde ne se trouve dans aucun texte biblique admis par le Christianisme et cité dans l’encyclique Quas primas sur la Royauté de Jésus.

« Je vous demande, Monsieur, de bien vouloir porter cette lettre à la connaissance de vos lecteurs et de M. Guénon : j’ai en effet autant d’estime pour sa personnalité que pour sa valeur intellectuelle, et j’aurais été fâché que cette discussion, au lieu de se maintenir sur un terrain purement spéculatif, versât dans une polémique indigne de lui, et – j’ose l’espérer – de moi-même.

« Je vous prie, Monsieur, d’agréer l’expression de ma parfaite considération.

« Paris, 1er mars 1931, Christo regnante.

« G. Mariani »

Tout en remerciant notre contradicteur du ton courtois de sa lettre, nous devons dire que, au fond, celle-ci n’explique rien et n’apporte pas sur sa pensée plus de précision que son article, que nous avions du reste lu avec toute l’attention nécessaire. Si ce n’est que « pour la commodité du langage » qu’il a parlé de la « Grande Loge Blanche » comme il l’a fait, il a été en cela assez mal inspiré : une chose ne saurait être désignée convenablement par le nom de sa contrefaçon ou de sa parodie ; et n’eût-il pas été plus simple encore de parler de l’Agarttha ? D’autre part, nous n’aurions jamais pu supposer qu’il fallait qu’un texte fût « admis par le Christianisme » pour être regardé comme appartenant au Judaïsme authentique ! Enfin, sur le point le plus grave, c’est-à-dire sur le passage de l’article où il était question de « tendances matérielles et politiques », nous constatons d’abord que l’auteur se fait du « Roi du Monde » une idée singulièrement basse, qui, en fait, mettrait ce personnage au-dessous du dernier des initiés, puisqu’il lui attribue un caractère et des préoccupations purement « profanes » ; ensuite, qu’il donne au mot « matérialisme » un sens tout à fait arbitraire, en en faisant l’opposé de « mysticisme », alors que personne, à notre connaissance, ne l’a jamais employé ainsi. Quoi qu’il en soit, il reste que c’est bien à nous que s’appliquent les mots « inclinant naturellement vers une interprétation matérialiste », et nous ne pouvons, là-dessus, que renouveler notre protestation la plus indignée. Nous ferons remarquer à cet égard que, alors que le point de vue « matérialiste » est de toutes façons en deçà du mysticisme, le nôtre est au contraire au delà, si bien que le mysticisme lui-même nous apparaît comme quelque chose d’assez « matériel » encore, ainsi qu’on aura pu le voir par ce que nous avons écrit plus haut à ce sujet(**) ; la confusion commise ici par le Dr Mariani prouve simplement une fois de plus combien il est difficile à certains de faire la distinction nécessaire entre le domaine initiatique et le domaine profane. Quant à la répugnance qu’il professe à l’égard de la polémique, nous l’en félicitons bien sincèrement, tout en nous demandant comment elle peut se concilier avec sa collaboration à la R. I. S. S. ! Qu’il se rassure en tout cas : nous n’acceptons jamais aucune polémique, ne nous reconnaissant pas le droit de quitter notre terrain pour nous placer sur celui de l’adversaire. Pour ce qui est de M. Desoille, nous ne nous souvenons d’avoir entendu prononcer son nom qu’une seule fois avant de lire l’article du Dr Mariani, mais dans une circonstance tellement bizarre que, en le retrouvant dans la note en question, un rapprochement s’imposait immédiatement à nous ; mais ceci est une autre histoire, qui n’a d’intérêt que pour nous-même, et nous n’avons pas l’habitude d’entretenir nos lecteurs de questions personnelles…