Décembre 1932

— Dans The Speculative Mason (no d’octobre), un article est consacré au symbolisme des « pierres blanches » dans le Pasteur et la Vision d’Hermas. — Un autre article envisage les rapports de la Maçonnerie opérative et de la Maçonnerie spéculative d’une façon en quelque sorte inverse de l’opinion courante : non seulement l’une et l’autre auraient coexisté depuis les temps les plus reculés, mais la Maçonnerie opérative n’aurait été pour ainsi dire qu’une dépendance de la Maçonnerie spéculative. Il y a du vrai dans cette thèse, bien que les termes en lesquels elle est exprimée ne soient pas à l’abri de toute objection : si par « spéculative » on entend une Maçonnerie « doctrinale », dirigeant ou inspirant le travail des artisans, cela s’accorde exactement avec ce que nous avons souvent indiqué nous-même quant à l’origine proprement initiatique des arts et des métiers ; et sans doute est-ce là au fond ce qu’a voulu dire l’auteur, qui reconnaît d’ailleurs que cette Maçonnerie soi-disant « spéculative » était en réalité « opérative en un sens supérieur ». Seulement, pour cette raison précisément, il est impropre d’employer le mot « spéculative », que nous ne croyons pas avoir été anciennement en usage, et qui indique plutôt une sorte de dégénérescence : une Maçonnerie devenue uniquement « théorique », donc ne travaillant plus effectivement à aucune « réalisation », pas plus spirituelle que matérielle. Certaines des affirmations contenues dans l’article en question sont d’ailleurs contestables ; pourquoi, notamment, prendre au sérieux les fantaisies « égyptologiques » du Dr Churchward ? En tout cas, il y a là bien des points qui mériteraient d’être examinés de plus près, comme l’orientation des Loges et la place des officiers, l’emploi du nom d’El Shaddai dans la Maçonnerie opérative, et aussi le rôle qu’y joue le symbolisme « polaire », qui est en réalité d’un ordre plus élevé que le symbolisme « solaire », en même temps que plus proche des origines, comme le comprendront sans peine tous ceux qui ont quelque notion vraie du « Centre du Monde »(1).

— Le Grand Lodge Bulletin d’Iowa (no de septembre) donne une étude sur le symbolisme de la lettre G, qu’il faudrait rapporter originairement, non au iod hébraïque, mais au gamma grec, qui, à cause de sa forme d’équerre, aurait déjà été employé par les Pythagoriciens. La chose n’a rien d’impossible en soi ; pourtant, à part le fait que le iod est parfois tracé kabbalistiquement sous cette même forme (correspondant à l’ensemble des trois middoth suprêmes), l’assimilation phonétique de iod à God est certainement moins fantaisiste que la transcription du même mot God en caractères grecs pour y trouver l’équerre, le cercle et le triangle. Mais la vérité est que la lettre G peut avoir plus d’une origine, de même qu’elle a incontestablement plus d’un sens ; et la Maçonnerie elle-même a-t-elle une origine unique, ou n’a-t-elle pas plutôt recueilli, dès le moyen âge, l’héritage de multiples organisations antérieures ?

— La Revue Internationale des Sociétés Secrètes (« partie occultiste », no de juillet-août-septembre) donne toujours des extraits du « Maître Therion » (Aleister Crowley) ; cela est vraiment peu intéressant au fond, et semble d’ailleurs assez mal traduit : ainsi, nous trouvons l’expression de « Grand Travail », puis celle de « Grand Ouvrage », évidemment pour rendre Great Work ; le traducteur ne sait-il pas qu’il y a quelque chose qui, en français, s’appelle le « Grand Œuvre » ? — Vient ensuite un article consacré à une entreprise américaine, ou simili-américaine (car son siège connu est à Bruxelles), qui s’intitule The Theiron School of Life ; et, à cause de la similitude des noms Theiron et Therion, on se demande si cela n’aurait pas quelque rapport avec l’O. T. O. Cette hypothèse nous paraît peu plausible, car Crowley est un charlatan beaucoup plus habile que celui qui a élaboré les niaiseries dont on nous présente ici quelques échantillons ; aussi croirions-nous plus volontiers qu’il s’agit d’une simple contrefaçon de pseudonyme, destinée à provoquer une confusion estimée avantageuse ; n’y eut-il pas jadis un prestidigitateur qui donnait des séances sous le nom de Pappus ? — Un certain M. Raymond Dulac (?), qui semble décidément avoir recueilli la succession de « feu Mariani », continue à s’en prendre à nous : il paraît que nous aurions fait une attribution inexacte de citation ; cela peut arriver, quand on n’est pas un « érudit » et qu’on n’a pas sous la main le moyen de tout vérifier, et d’ailleurs, dans le cas présent, cela ne changerait rien au fond, qui seul nous importe ; quoi qu’il en soit, il faut être véritablement démoniaque, et en un sens qui n’a rien de figuré, pour qualifier de « fraude » un pareil lapsus. Nous en trouvons un bien autrement grave dans son compte rendu : où a-t-il vu que nous ayons jamais parlé de « groupes ésotériques » ? En outre, nous ne sommes nullement un « philosophe », et nous nous moquons bien de la philosophie, autant que de tout autre genre de connaissance profane ; et qu’est-ce que cette phrase ambiguë où il est fait allusion aux « Juifs de l’école sociologique », comme s’il n’était pas assez notoire que nous n’avons que mépris pour les théories universitaires, et que nous sommes aussi absolument « anti-évolutionniste » qu’il est possible de l’être ? Qui veut-on tromper avec d’aussi grossiers coq-à-l’âne ? Enfin, que penser des prétentions de ce personnage qui non seulement « demande des preuves » (autant vaudrait entreprendre de prouver l’existence de la lumière à un aveugle), mais « attend qu’on lui désigne le contenu et les dépositaires de la Tradition » ? Pour qui nous prend-il donc ? Nous ne sommes ni un espion ni un traître, et nous n’entendons en aucune façon nous faire l’auxiliaire des vilaines besognes de ces Messieurs ; au surplus, ce n’est point pour les profanes de cette sorte que nous écrivons !