Janvier 1933

— Dans Atlantis (no de septembre-octobre), le premier article est intitulé D’Atlas à saint Christophe ; le sujet est intéressant, mais il est traité bien incomplètement. — Dans un autre article, nous avons la stupéfaction de voir le Taoïsme associé au Stoïcisme et au « Marc-Aurélisme » (sic), et défini comme ayant pour but une « maîtrise de soi » qui « n’a aucun rapport avec la Connaissance » ; n’est-ce pas incroyable ? — Ailleurs encore, M. paul le cour, qui, soit dit sans l’offenser, parle de la Maçonnerie à peu près comme un aveugle des couleurs, prétend qu’elle « s’appuie sur les équinoxes », tandis que « l’Église catholique s’appuie sur les solstices » ; n’a-t-il donc jamais entendu parler des « fêtes solsticiales » maçonniques, autrement dit des deux Saint-Jean d’été et d’hiver ? Et, pour comble de malchance, il signale comme une « importante revue maçonnique »… l’Equinox d’Aleister Crowley !

— Dans le Symbolisme (no de novembre), un article intitulé Orient et Occident (ce titre sert beaucoup maintenant), par Diogène Gondeau, repousse l’idée d’un « complément rituélique » emprunté aux doctrines orientales pour des raisons qui, comme on peut le penser, n’ont rien à voir avec celles que nous avons indiquées ici ; le Bouddhisme, cette déviation, n’est-il pas pris pour le type même de la sagesse orientale, qualifiée par ailleurs de « sagesse de neurasthéniques », comme si la neurasthénie n’était pas au contraire un mal exclusivement occidental ? Quel singulier besoin ont donc tant de gens de parler de ce qu’ils ne connaissent pas ? — Ailleurs, nous voyons l’œuvre de Charles Henry qualifiée de « rosicrucienne » ; c’est à se demander si les mots ont encore un sens !

— Dans le Grand Lodge Bulletin d’Iowa (no d’octobre), étude sur Jah-Bel-On, où Mackey a voulu voir la réunion des principaux noms divins dans les trois langues syriaque, chaldéenne et égyptienne, ce qui est d’une linguistique quelque peu fantaisiste ; on propose d’y voir plutôt une expression symbolique des trois attributs d’omniprésence, omnipotence et omniscience, ce qui est en effet plus acceptable.

— La Revue Internationale des Sociétés Secrètes consacre un no spécial à la réponse à une récente campagne de presse où elle a été visée ; il est effectivement regrettable que Mgr Jouin ait été ainsi mis en cause au lendemain de sa mort, et d’ailleurs nous persistons à penser qu’il n’eut jamais conscience du rôle qu’on lui fit jouer ; mais il y a bien du vrai dans ce qui a été dit sur certains autres personnages, en dépit de confusions bizarres (qu’on n’a pas toutes relevées) et de lacunes plus inexplicables encore… Bornons-nous à noter que, au cours de cette réponse, on dénonce comme « maçonnique » le procédé qui consiste à qualifier d’« occultiste » quelqu’un qui s’occupe de l’occultisme, fût-ce pour le combattre ; or il se trouve que ce procédé est précisément un de ceux qui sont constamment employés contre nous par diverses publications, au premier rang desquelles figure… la R. I. S. S. elle-même ! — La « partie occultiste » (no d’octobre) contient un article sur Les inquiétants progrès du spiritisme ; là-dessus nous sommes tout à fait d’accord. — Dans les extraits de la Magie de Crowley, nous relevons un détail curieux : le Rameau d’Or de Frazer y est « vivement recommandé » ; c’est bien compromettant pour cet ethnologue, mais cela ne nous étonne pas outre mesure… — Les chroniques de M. Raymond Dulac appellent, cette fois encore, quelques observations : 1o Nous ignorions totalement l’existence d’une certaine revue qui aurait, paraît-il, mêlé des citations de nos ouvrages à des « publicités pharmaceutiques » et à des « histoires obscènes » ; nous ne sommes aucunement responsable de ces procédés ni solidaire de ceux qui les emploient, et, si la chose est vraie nous ne saurions protester assez hautement contre l’abus qui est ainsi fait de notre nom et de nos écrits. 2o L’expression de « Maître du Monde », que nous rencontrons pour la seconde fois sous sa plume, ne nous avait été connue jusqu’ici que comme le titre d’un roman d’« anticipation » ultra-fantaisiste de Mgr Benson, jadis dénoncé par la R. I. S. S. comme un agent secret du « Kabbalisme » juif ! 3o Le pseudo-ésotérisme n’est nullement du « pseudo-occultisme » ; il est, au contraire, de l’occultisme le plus authentique, celui-ci n’ayant jamais été autre chose qu’une contrefaçon ou une caricature plus ou moins grossière de l’ésotérisme. — D’un autre côté, tout en sachant gré à M. Raymond Dulac de protester avec un « dégoût » bien justifié contre certaines ignominies dont il ne nous convient pas de parler, nous lui ferons remarquer que nous entendons bien n’être d’aucun « camp », et aussi que des gens à qui nous ne nous présentons point n’ont pas d’« accueil » à nous faire. Nous exprimerons en outre le souhait que les abominations en question lui ouvrent les yeux sur les dessous réels de l’infernale campagne à laquelle il se trouve lui-même mêlé depuis quelque temps (nous voulons croire que, comme divers autres, il n’est en cela qu’un instrument inconscient), et sur ceux de la publication même à laquelle il collabore. Du « F/ Fomalhaut » (qui se croyait peut-être Œdipe, mais qui en cela se trompait bien) et du sire de Guillebert, pour ne citer de ce côté que ceux qui sont vraiment morts, à la directrice de La Flèche (qui, notons-le en passant, vient de faire paraître un « rituel d’initiation satanique », ce qui a du moins le mérite d’être net) et à tel individu trop immonde pour que nous le nommions (il nous répugnerait de le toucher même du bout d’une cravache), il n’y a peut-être pas si loin qu’on le croit ; et, pour surveiller le chemin qui mène des uns aux autres, le « point géométrique » où nous nous trouvons (mettons que ce soit, si l’on veut, le sommet d’une Pyramide) est particulièrement bien situé ! Faut-il préciser que, sur ce chemin, nous avons relevé les traces d’un « âne rouge » et celles… du Dragon de l’Élue ?

[En réponse à deux lettres reçues(*).] La lettre de M. B. (ex-Mariani) est exactement ce que nous voulions obtenir : l’aveu d’une « mystification » et d’une « machination » qu’on ne saurait juger trop sévèrement ; il est possible que leur auteur n’y voie lui-même qu’une macabre farce d’étudiant, mais quant à nous, nous y voyons tout autre chose, la marque d’une inspiration satanique qui, pour être inconsciente, n’en est pas moins nette ; et cela confirme que M. B. (ex-Mariani) a, comme bien d’autres, servi d’« instrument » à quelque chose qu’il ignore sans doute totalement.

Ce point étant acquis, il nous faut rectifier un certain nombre d’erreurs ; et, tout d’abord, il est faux que le nom de M. B. nous ait été connu par une lettre qu’il nous a adressée, pour la simple raison qu’il nous a été absolument impossible de déchiffrer la signature de ladite lettre ; en fait, c’est par un de nos collaborateurs du Voile d’Isis que nous avons eu connaissance de l’identité du personnage. Il est également faux que la prétendue mort de celui-ci nous ait été annoncée par un « informateur abusé » ; elle l’a été par son ami M. Pierre Mariel, qui savait évidemment à quoi s’en tenir et que nous devons donc considérer comme complice de sa « machination ». Une lettre dans laquelle nous demandions à M. Pierre Mariel des explications complémentaires se croisa avec l’envoi de journaux de M. B., envoi qui, par conséquent, avait été fait par celui-ci avant qu’il eût pu savoir ce que nous penserions de cette nouvelle ; plus précisément, tout ceci date d’avril, et la note dans laquelle nous posions une question au sujet de l’« accident » ne parut qu’en juin. Enfin, il est faux que les « informations de source très sûre » qui nous parvinrent par la suite, et sur l’origine desquelles nous n’avons pas à renseigner M. B., aient le moindre rapport avec ses propres bavardages au sujet de sa « mystification » ; elles ne firent d’ailleurs que transformer en certitude, avec preuves à l’appui, le doute que nous exprimions très clairement en écrivant dans notre note de juin : « Nous ne voulons pourtant pas supposer qu’il ne s’agisse que d’une mort simulée… à la manière du pseudo-suicide d’Aleister Crowley ! » Si M. B. savait quelque peu lire entre les lignes, il n’aurait certes pas pu croire à la réussite de sa sinistre plaisanterie !

Quant à la fin de la lettre, nous pourrions la dédaigner si elle n’était très instructive en ce qui concerne la mentalité de M. B. : les qualités qu’il nous attribue, il les a prises dans son imagination, à moins qu’il ne se soit fait simplement l’écho de quelques-uns de ces racontars stupides contre lesquels nous avons dû mettre nos lecteurs en garde en juillet dernier. Ce n’est certes pas nous qui nous sommes jamais qualifié d’« homme véritable », ou targué de « relations personnelles » (!) avec le « Roi du Monde » ou avec ses « séides » (?) ; nous mettons quiconque au défi de citer le moindre mot de nous suggérant, si peu que ce soit, des choses de ce genre (aussi bien que nous défions, dans un autre ordre, qu’on nous dise où nous avons jamais menacé quelqu’un d’un « papier bleu » ou d’autre couleur) ; et d’ailleurs le caractère grotesque de telles affirmations en trahit suffisamment la véritable source… Ce n’est pas nous non plus qui avons jamais revendiqué la possession de « pouvoirs » quelconques et, même s’il était vrai que nous en fussions affligé, nous ne songerions nullement à nous en vanter, n’ayant jamais dissimulé notre parfait mépris pour ces jouets d’enfants (nous nous proposons même de traiter spécialement cette question dans un assez prochain article(**), pour en finir une bonne fois avec ces inepties) ; nous ne nous soucions pas plus des « pouvoirs » que de la « philosophie », nous occupant uniquement de choses sérieuses. Tout cela montre que nous n’avions que trop raison d’avertir « qu’on ne devra ajouter foi, en ce qui nous concerne, à rien d’autre qu’à ce que nous avons écrit nous-même ».

Pour ce qui est de la lettre de M. Pierre Mariel (son collaborateur nous est inconnu et ne nous intéresse en aucune façon), nous devons faire remarquer d’abord que nous n’avons nullement entendu faire une « critique » de son enquête ; nous y avons simplement fait allusion en tant qu’elle avait un rapport avec l’« affaire Mariani », ce qui est tout différent. Ensuite, si M. B. (ex-Mariani) a effectivement publié, dans la R. I. S. S., un article dirigé contre nous et intitulé Le Christ-Roi et le Roi du Monde (et non pas l’inverse), et si c’est même par cet article que nous avons appris avec un certain étonnement que le « Roi du Monde » nous avait chargé de nous ne savons trop quelle mission dont nous ne nous étions jamais douté jusque-là, aucune « plaquette » portant ce titre ne figure dans la liste des ouvrages édités par la même R. I. S. S. ; d’ailleurs, un article, même tiré à part, ne constitue pas un « livre » ; et en outre, quand on cite un ouvrage ou un article, fût-ce dans un journal « neutre » ou même hostile, rien ne saurait justifier la mutilation du titre, surtout quand on sait pertinemment qu’elle est de nature à provoquer une confusion ; la défaite est vraiment piteuse… Quant à « Guérinon », ce nom saugrenu étant répété, deux fois, il est un peu difficile de croire à une « simple coquille » ; il est beaucoup plus vraisemblable de supposer que cette déformation avait pour but d’éviter certains inconvénients possibles (les gens ont l’habitude de juger des autres d’après eux-mêmes, mais on aurait pu s’éviter cette peine en constatant que nous n’avons jamais envoyé la moindre lettre rectificative à aucune des publications qui nous calomnient et nous insultent grossièrement, et le Diable sait s’il y en a !) ; et, si « l’erreur est réparée », nous n’aurons pas à en être surpris, car, dans un volume, une telle précaution n’aurait plus aucune raison d’être ; ajoutons, sans y insister davantage, que d’autres « coquilles » non moins bizarres tendent à confirmer cette interprétation. D’autre part, si nous n’avons point mentionné le nom de M. Pierre Mariel, c’était uniquement par égard pour les bonnes relations que nous avions eues précédemment avec lui ; tant pis s’il ne l’a pas compris ; mais quelle est donc la « confraternité » à laquelle il prétend faire appel ? Nous ne sommes, que nous sachions, ni journaliste ni même « homme de lettres » ; et, si nous ne pouvons assurément qu’approuver l’intention de « combattre la mentalité occultiste », c’est à la condition que ce soit par des moyens sérieux, non par des bouffonneries et des inventions de roman-feuilleton ; et puis, au fait, pourquoi le même M. Pierre Mariel se laisse-t-il aller parfois à écrire dans des feuilles qui tendent précisément à propager la mentalité en question ? Enfin, constatons qu’il n’a pas résisté plus que son ami à l’étrange besoin de nous affubler de qualités imaginaires : nous n’avons point la prétention d’être un « adepte », et même la preuve péremptoire que nous ne le sommes point, c’est que nous écrivons encore ; nous savons nous tenir à notre rang, si modeste soit-il ; mais, puisqu’il est question d’« adeptes », disons que, s’ils ont une inaltérable sérénité, il est du moins exact qu’ils n’ont aucune « mansuétude » et qu’ils n’ont pas à en avoir, car ils ne font point de sentiment, et ils sont, toutes les fois qu’il le faut, d’implacables justiciers !

Maintenant, nous laisserons M. B. (ex-Mariani) à ses bateaux et M. Pierre Mariel à ses romans, en les priant de vouloir bien, de leur côté, ne plus s’occuper de nous ; en voilà assez sur ces insignifiants comparses, et nous ne pensons pas que personne, à part M. Pierre Mariel, ait pu se méprendre au point de nous attribuer une « curiosité » concernant la « personnalité » du soi-disant « Mariani ». Nos raisons étaient tout autres, et il en est au moins une que nous pouvons faire connaître tout de suite : c’est que, à l’égard de la R. I. S. S., une conclusion s’impose ; mais cette conclusion, ce n’est pas nous qui la tirerons ; nous l’emprunterons tout simplement à la Semaine Religieuse de Paris, dont la rédaction, dans son no du 24 septembre dernier, faisait suivre un article nécrologique consacré à Mgr Jouin d’une note où il était dit que « Mgr Jouin n’a pas toujours été, dans le choix de ses collaborateurs, aussi prudent qu’on eût pu le souhaiter ». Sans parler d’autres collaborateurs sur lesquels il y aurait tant à dire… et à redire, les aveux de M. B. (ex-Mariani) suffiraient à eux seuls à justifier cette appréciation ; et, en même temps, ils contribuent précieusement à « éclairer » la note que nous consacrions nous-même à Mgr Jouin dans le numéro d’octobre du Voile d’Isis.

Nous considérons donc cette vilaine affaire comme définitivement réglée, mais nous ne nous faisons pas d’illusions : il y aura sans doute encore d’autres marionnettes à démonter, d’autres mystifications à démasquer, avant de pouvoir faire apparaître enfin au grand jour ce qui se cache derrière tout cela. Si déplaisante que soit une telle besogne, elle n’en est pas moins nécessaire ; et nous la continuerons autant qu’il le faudra, et sous telles formes qu’il conviendra… jusqu’à ce que nous ayons écrasé le nid de vipères !