Juin 1933

— Dans le Rayonnement Intellectuel, études symboliques de M. L. Charbonneau-Lassay sur les ailes des oiseaux (numéro de septembre-octobre 1932) et sur le ver et la chenille (numéro de novembre-décembre) ; la première, particulièrement intéressante, contient des documents tout à fait inédits, tirés des archives secrètes de l’Estoile Internelle.

— Le numéro de janvier-février 1933 d’Atlantis est consacré en grande partie à La Lémurie ; on sait que cette question, qui semble donner lieu à presque autant de confusions que celle de l’Atlantide, est devenue d’actualité à la suite de la curieuse similitude constatée entre les hiéroglyphes de l’île de Pâques et ceux qui ont été récemment découverts dans la vallée de l’Indus. — Relevons par ailleurs l’étonnante prétention de rattacher à l’Occident les pays musulmans… et la Chine ; nous ne soupçonnions pas encore que l’« annexionnisme » occidental pouvait aller aussi loin ! Ce qui est aussi digne de remarque, c’est une tendance de plus en plus accentuée, chez M. paul le cour, à se poser en héritier du Hiéron de Paray-le-Monial, « centre d’ésotérisme chrétien fondé par un Jésuite, le P. Drevon, en celte le P. Druide ! » (sic) ; et la possession de « la bague léguée par le fondateur à la dernière survivante » établirait, paraît-il, la légitimité de cet héritage !

— Pendant que nous en sommes au Hiéron, notons encore, comme suite à ce que nous disions dans notre dernière chronique, que « Roger Duguet », dans un des Cahiers anti-judéo-maçonniques qu’il publie actuellement, et où il essaie de donner sur L’Élue du Dragon des explications… qui n’expliquent rien, déclare que « le manuscrit original (?) qu’il croyait encore au Hiéron de Paray-le-Monial est aujourd’hui, paraît-il, aux mains de la R. I. S. S. » ; que signifie tout ce gâchis ? En tout cas, la R. I. S. S., après cela, ne peut plus laisser croire que toute la responsabilité de cette affaire incombe à son ancien collaborateur, et le silence qu’elle a jugé bon de garder jusqu’ici à cet égard n’a plus même l’apparence d’une excuse valable ; attendons donc la suite…

— Dans Psyché (numéro de février), M. A. Savoret consacre au dernier livre de D. G. Mukerji, Le Visage du Silence, un article qui témoigne d’un incroyable parti pris : au fond, il reproche surtout aux doctrines hindoues de n’être pas du « mysticisme » (qui donc a dit qu’elles en étaient, sinon les Occidentaux qui n’y comprennent rien ?), et à l’initiation d’avoir des méthodes définies ; évidemment, il préfère les rêveries en l’air ! Cette diatribe n’a même pas le mérite de la cohérence, car, après s’être moqué tant qu’il peut de Râmakrishna, l’auteur écrit à la fin : « Qui ne se sentirait maladroit devant un tel géant ? » Comprenne qui pourra… Voici d’ailleurs qui jette un singulier jour sur cette mentalité toute spéciale : dans une feuille d’allure politique qui s’intitule S.O.S. Occident, le même M. Savoret publie des articles dignes à tous égards de la R. I. S. S. ! Il nous est déjà arrivé à plusieurs reprises d’avoir à relever, entre ces deux milieux, des points de contact assez troublants ; nous y reviendrons encore s’il y a lieu.

— Dans Die Säule (no 2 de 1933), fin de l’étude déjà signalée sur la peinture chinoise de paysages.

— Dans le Grand Lodge Bulletin d’Iowa (numéro de mars), étude sur la signification de l’expression oblong square, qu’on traduit en français par « carré long », mais qui, en anglais, peut désigner à la fois un outil et une figure géométrique, le mot square ayant le double sens d’« équerre » et de « carré » ; il semble cependant que ce soit à la forme rectangulaire de la Loge que s’applique principalement cette expression.

— Dans le Symbolisme (numéro de mars), article d’Oswald Wirth sur Le Point au centre du Cercle, symbole auquel la Maçonnerie anglo-saxonne attache une importance particulière ; la figure est complétée par deux tangentes parallèles, rapportées aux deux Saint Jean, qui correspondent aux deux solstices délimitant le cycle annuel. L’idée du centre demanderait mieux que quelques considérations aussi vagues qu’élémentaires, et nous avons d’ailleurs traité nous-même ce sujet jadis dans la revue Regnabit(*) ; quant aux deux Saint Jean, qualifiés ici purement et simplement de « patrons chrétiens de la Maçonnerie », c’est à croire que l’auteur de l’article n’a jamais entendu parler des deux visages de Janus… — Armand Bédarride parle de L’Algèbre symbolique, mais se confine dans une regrettable imprécision ; voilà pourtant encore un sujet qui pourrait être plein d’intérêt. — Après l’algèbre, les beaux-arts : tel est le titre de l’article du même auteur dans le numéro d’avril ; il y semble plus à son aise, sans doute parce que cela se prête davantage à des développements littéraires et « psychologiques ». — Dans le même numéro, commencement d’une étude sur L’Initiation chez les Primitifs de l’Oubanghi-Chari ; ce mot de « primitifs » est bien fâcheux, ainsi que certaines réflexions « ethnologiques », qui sont propres à donner les idées les plus fausses au sujet de l’initiation ; combien mieux vaudrait, en pareil cas, s’en tenir à un exposé purement « documentaire » !

— La lecture de la Revue Internationale des Sociétés Secrètes laisse généralement une impression plutôt sinistre ; pourtant, il arrive aussi parfois qu’on y trouve de quoi s’amuser… Ainsi, dans le numéro du 1er mars, dès la première page, il est question de « la nature de l’homme fait par Dieu à son image d’un corps et d’une âme », d’où il paraît résulter assez manifestement que Dieu doit avoir, lui aussi, « un corps et une âme » ; la R. I. S. S. confierait-elle la rédaction de son « éditorial » à un Mormon ? Un peu plus loin, dans un second article, nous lisons cette phrase étonnante : « Augustin Cochin avait déjà noté la parfaite identité des Sociétés de pensées (sic) dans les cinq hémisphères. » Dans quel étrange « hyperespace » cela peut-il bien se situer ? — Dans la « partie occultiste » (numéro de mars), un article sur L’Occultisme mondain, à propos d’un livre déjà ancien de M. Fernand Divoire, n’appelle de notre part qu’une seule remarque : c’est que, s’il est parfaitement exact que nous n’avons rien à voir avec les « mondains » et les « salons », nous ne nous adressons pas davantage aux « professeurs » ; quant à parler de notre « occultisme », combien de fois devrons-nous encore protester contre cette infâme calomnie ? — Le pseudo-Œdipe veut parler cette fois des « pouvoirs magiques », mais, en fait, il parle surtout de ceux des guérisseurs, qui précisément n’ont rien de magique. — M. Raymond Dulac a inventé quelque chose qu’il appelle l’« initiatisme » ; nous lui conseillons de prendre un brevet sans tarder… Quant aux réflexions dans lesquelles il met en quelque sorte en parallèle certains articles du Symbolisme avec les nôtres, elles témoignent chez lui d’un fâcheux manque du sens des proportions ; mais peut-être sont-elles surtout destinées à amener une insinuation qui ne peut qu’apparaître comme parfaitement grotesque aux yeux de tous ceux qui savent à quel point nous sommes peu « conciliant ». Nous répétons qu’il n’est pas dans notre rôle d’agir pour ou contre une organisation quelconque ; cela veut dire, très exactement, que nous ne faisons de propagande pour quoi que ce soit et que nous n’entendons point nous mêler à des querelles qui ne nous regardent pas, et c’est tout ! Passons sur le dernier paragraphe, où sont rapprochés artificieusement des lambeaux de phrases pris dans plusieurs de nos ouvrages ; nous ne pouvons que mépriser ce procédé malhonnête, que nous retrouvons encore dans un « post-scriptum », appliqué cette fois à nos réponses aux attaques dudit M. Raymond Dulac. Sur ce point, nous lui redirons simplement ceci : il suffit de savoir lire pour constater que nous n’avons jamais parlé nulle part de saint François d’Assise (qu’il appelle comiquement « notre saint François », alors que, par contre, certains de ses pareils le dénoncent avec fureur comme un « gnostique déguisé » !) ; d’autre part, il ne peut y avoir d’« initiation du baptême », etc., pour la bonne raison qu’un rite religieux et un rite initiatique sont deux choses totalement différentes ; et enfin, si quelqu’un est qualifié pour faire appel au « lecteur de bonne foi », ce n’est certainement pas lui !