Mars 1934

— Dans Atlantis (no de novembre-décembre), il est question surtout cette fois de l’« Atlantisme », par quoi il faut entendre la tentative de reconstitution de la tradition atlantéenne, que M. paul le cour s’obstine à confondre avec la Tradition primordiale unique, mais qu’il définit en même temps comme la « religion de la beauté », ce qui est bien spécial, et même doublement. Comme à l’ordinaire, il y a là bien des rêveries, linguistiques et autres ; notons seulement au passage cette curieuse affirmation : « La plus ancienne de toutes les religions eut son point de départ en Atlantis ; cette religion, c’est le Christianisme. » C’est le faire commencer trop tôt ou trop tard, suivant le sens où on l’entend… Naturellement, il est encore question d’Aor-Agni : il paraît qu’Aor est représenté par l’Église et Agni par la Maçonnerie ; mais il est difficile de voir comment l’interprétation proposée peut se concilier avec le fait que la Maçonnerie a les deux colonnes dans son symbolisme (l’Église aussi, d’ailleurs, avec saint Pierre et saint Paul). Quant à une soi-disant « Maçonnerie chrétienne » qui aurait pour signe les « trois points d’Agni » et les « trois points d’Aor » réunis de façon à former le « sceau de Salomon », nous avons connu cela jadis… dans une organisation qui n’était pas maçonnique. Mais le plus amusant, c’est assurément l’idée de réveiller le « Grand-Occident », de funambulesque mémoire ; à quand un nouveau « fort Chabrol » ? Il est vrai que nous savons déjà depuis longtemps que M. paul le cour ne craint pas le ridicule !

— Dans le Speculative Mason (no de janvier), un article est consacré au symbolisme de la formation de la Loge et du rituel d’ouverture. Une autre étude plus importante concerne la signification du titre « Maçon Libre et Accepté » (Free and Accepted Mason) ; nous y notons l’assertion, à laquelle nous ne pouvons que souscrire entièrement, que, si le symbolisme maçonnique ne représentait que des idées morales, « la Maçonnerie ne contiendrait rien qui ne soit bien connu de tout non-maçon », que « la simple association de ces idées avec les outils de la construction ne serait rien de plus qu’un jeu d’enfant », et qu’il s’agit en réalité d’« un genre de connaissance qui se rapporte aux choses éternelles et qui ne peut être obtenu dans les collèges et les Universités ». Il y a dans cet article l’indication de rapprochements numériques qui demanderaient à être examinés de près ; certains sont assez remarquables, d’autres sont plus contestables ; la principale difficulté, à notre avis est de transporter les valeurs numériques des lettres hébraïques dans l’alphabet latin, ce qui peut facilement donner lieu à quelques méprises ; mais, si l’on ne prend ceci que comme un essai (l’auteur ne prétend pas davantage), ce n’en est pas moins digne d’intérêt.

— Dans le Grand Lodge Bulletin d’Iowa (no de décembre), étude sur le symbolisme des grades capitulaires (Royal Arch), mais qui, malheureusement, s’en tient à peu près exclusivement à la recherche d’une signification morale ; nous revenons ici au « jeu d’enfant », et, quand il s’agit de hauts grades, c’est encore plus fâcheux si possible…

— Dans le Symbolisme (no de décembre), Oswald Wirth parle de L’Initié, homme-modèle ; mais, hélas ! l’idée qu’il s’en fait est tout simplement celle de ce que le vulgaire appelle fort abusivement un « sage », au sens extérieur et « mondain » du mot ; cela n’a assurément rien à voir avec la véritable sagesse, qui est « supra-humaine » (et cela est plus encore que « supra-terrestre »), ni, ce qui revient au même, avec l’initiation. D’ailleurs, ni la barakah, c’est-à-dire l’« influence spirituelle », ni la vertu propre des rites ne sont choses d’ordre « magique », comme il l’affirme avec toute l’assurance que donne à certains l’ignorance de ce dont ils parlent ; la magie non plus n’a rien de commun avec l’initiation, qui ne se soucie ni de phénomènes bizarres ni de « pouvoirs » enfantins ; et nous ne consentirions pas, pour notre part, à parler d’« initiation magique », même en la distinguant de l’« initiation pure ». Mais admirons comme les mots peuvent être détournés de leur sens : « homme parfait », « homme-modèle », lisons-nous ici ; nous connaissons justement des expressions initiatiques qui pourraient se traduire à peu près ainsi : El-Insânul-Kamil, El-Mathalul-âlâ, et cela, pour nous, veut dire tout à fait autre chose ! — Armand Bédarride termine l’étude commencée dans le numéro précédent ; notons-y ce passage : « Après cette métamorphose spirituelle (de l’initiation), l’homme, placé en face de la même “chose” qu’un profane ordinaire, ne la verra plus sous les mêmes traits et les mêmes couleurs, n’en recevra plus les mêmes impressions et ne réagira plus de la même manière… ; l’objet n’a pas varié, c’est le sujet qui est devenu autre. » Cela est tout à fait juste ; seulement, nous craignons fort que l’auteur lui-même n’attribue à cette « transmutation » une portée simplement « psychologique » ; en tout cas, il s’arrête à la distinction du « subjectif » et de l’« objectif », qui ne va pas très loin ; et, à propos de la méthode initiatique, il parle volontiers d’« idéalisme », ce qui est fort inadéquat et sent terriblement la philosophie profane ; nous comprendrait-il si nous lui disions qu’il s’agit essentiellement d’aller « au delà de la pensée » ? — Dans le no de janvier, un exposé élémentaire des origines de la Maçonnerie, par Eugène-Bernard Leroy, ne contient rien de plus ni d’autre que ce qu’on dit le plus couramment sur cette question très complexe et passablement obscure. Dans un court article intitulé Initiés et Initiateurs, Fernand Varache essaie, tâche difficile, de concilier l’existence et le rôle d’« initiateurs » avec l’assertion comiquement fausse d’après laquelle « on s’initie soi-même ». Enfin, sous le titre de Notions initiatiques et la signature d’Élie Benveniste, nous trouvons quelques idées qui nous rappellent une vieille connaissance : la fameuse « tradition cosmique » de feu Max Théon…

— Dans la Revue Internationale des Sociétés Secrètes (no du 1er janvier), suite de l’article sur le Théosophisme que nous avons déjà signalé ; il s’agit plus particulièrement cette fois de la « Co-Maçonnerie ». Signalons seulement, par souci de la vérité (suum cuique…), que Mme Annie Besant, contrairement à ce qu’on indique ici, semble bien n’avoir été pour rien dans l’établissement de relations entre la Maçonnerie mixte du « Droit Humain » et le Grand-Orient de France, relations qui d’ailleurs, pour des raisons bien connues, ne pouvaient être que plutôt gênantes au point de vue anglo-saxon.

s