Octobre 1935

— Sous le titre Mediaeval Aesthetic a paru, dans The Art Bulletin publié par la College Art Association of America (vol. XVII, 1935), la première partie d’une étude de M. Ananda K. Coomaraswamy, consacrée aux enseignements qu’on trouve, sur le sujet du beau et de l’art, dans Denys l’Aréopagite (Traité De Divinis Nominibus) et son commentateur Ulrich Engelberti de Strasbourg (la seconde partie doit contenir les commentaires d’Albert le Grand et de saint Thomas d’Aquin). La traduction des textes est accompagnée d’abondantes notes, où sont exposées des idées qui répondent à peu près entièrement à ce que nous pensons nous-même ; l’auteur fait ressortir la similitude des théories esthétiques de l’Occident médiéval avec celles de l’Inde, et montre combien elles sont éloignées du point de vue purement profane où s’enferment les conceptions modernes de l’art.

— Signalons aussi, du même auteur, dans le Bulletin of the Museum of Fine Arts de Boston (no de juin 1935), un article sur Un manuscrit jaina illustré, qui contient d’intéressantes considérations sur le symbolisme de certaines figures, notamment de celles où l’incompréhension de quelques auteurs occidentaux n’a voulu voir que de simples « paysages », et qui présentent en réalité un sens cosmogonique des plus nets.

— Dans le Rayonnement Intellectuel (no de mars-avril), M. L. Charbonneau-Lassay étudie Les représentations des cinq plaies du Christ dans l’art chrétien primitif, et aussi, en rapport avec le même sujet, le symbolisme des Cinq grains d’encens du Cierge pascal.

— Dans Atlantis (no de mai-juin), il est question cette fois de L’Astronomie et l’Atlantide ; M. paul le cour voudrait en effet que cette science ait une origine atlantéenne ; pour nous, son origine remonte bien plus loin encore, à la Tradition primordiale elle-même… Chose curieuse, M. paul le cour assure que, dans le zodiaque du portail de Notre-Dame de Paris, « on ne trouve que huit des douze signes », ce qui lui paraît avoir quelque raison très profonde ; or, dans le dessin qui est reproduit à la même page, les douze signes sont tous nettement visibles, comme ils le sont du reste sur le portail lui-même ; décidément, sa vue est bien souvent troublée par la puissance de son imagination ! — Ce qui est assez remarquable aussi, c’est le rapprochement des articles de deux collaborateurs, dont l’un nie formellement la liberté humaine, tandis que l’autre l’affirme énergiquement ; faut-il voir dans leur publication simultanée la preuve d’une large impartialité… ou celle d’un fâcheux manque de principes doctrinaux ?

— Dans le Speculative Mason (no de juillet), un article intitulé Étrangers et Pèlerins contient des vues assez intéressantes ; mais la distinction qui est faite entre ces deux termes, comme s’ils se rapportaient en quelque sorte à deux degrés différents et successifs, ne nous paraît pas très fondée : le mot latin peregrinus a également les deux sens ; dans le Compagnonnage, il y a des « étrangers » et des « passants » (voyageurs ou pèlerins), mais ces dénominations correspondent à une différence de rite et non pas de degré ; et, dans la Maçonnerie elle-même, l’expression rituélique « voyager en pays étrangers » (To travel in foreign countries) n’associe-t-elle pas étroitement les deux significations ? — Un autre article expose quelques considérations sur le Point dans le cercle ; mais comment peut-on traiter ce sujet sans faire même allusion au symbolisme du centre, qui est ici tout l’essentiel, et qui a une place si importante dans toutes les traditions ? — Notons encore la suite de l’étude historique sur les Culdées que nous avons déjà signalée.

— Dans le Symbolisme (no de juin), Oswald Wirth expose l’idée qu’il se fait du Traditionalisme ; ce vocable sert assurément à désigner bien des choses diverses, et qui souvent n’ont que fort peu de rapport avec le véritable esprit traditionnel… — J. Corneloup, sous le titre La Rose sur la Croix, étudie les symboles du 18e degré écossais, lequel est bien « inspiré par l’ésotérisme chrétien », et plus précisément sous sa forme hermétique, mais, par là même qu’il s’agit d’ésotérisme et d’initiation, ne saurait être « d’essence mystique » ; la fréquence de cette confusion a vraiment quelque chose d’étrange. — Dans le no de juillet, Oswald Wirth revient sur Les méfaits du gouvernementalisme maçonnique ; il n’a certes pas tort de dénoncer tout ce qui, « constitué sur un modèle politique profane », n’a réellement rien à voir avec ce que doit être une organisation initiatique ; mais comment peut-on dire que « les Maçons ne sont pas encore adultes au point de vue initiatique » et qu’« ils ne commencent qu’à se faire une idée de l’initiation », alors que la vérité est que justement ils ont commencé à perdre cette idée (tout en conservant cependant la chose, fût-ce inconsciemment) à partir du jour où furent introduites les formes profanes en question, et que depuis lors cette dégénérescence n’a fait qu’aller généralement en s’accentuant ? — « Diogène Gondeau » se livre à quelques réflexions sur L’Enfer, dont il veut faire « une réalité psychologique » ; il paraît que c’est là « faire preuve d’esprit en pénétrant le sens profond des symboles traditionnels » ; s’il n’avait pris soin de nous en avertir, nous ne nous serions certes pas douté de la « profondeur » d’une telle façon de voir ! — Les deux nos contiennent une étude d’Armand Bédarride sur Le Problème religieux ; l’opposition qu’il cherche à établir entre les « mythes » et les « dogmes » nous paraît bien peu justifiée, comme on pourra le comprendre sans peine par les considérations que nous exposons d’autre part dans notre article(*) qui touche précisément à ce sujet. Il y a là bien d’autres points qui demanderaient à être examinés d’assez près, notamment en ce qui concerne le rôle attribué au protestantisme et à l’humanisme ; ne pouvant songer à entrer dans le détail, nous dirons seulement que le « sentiment religieux », sous quelque forme qu’il se présente, est fort loin de suffire à constituer la religion, et que vouloir les identifier est encore une des erreurs dues à ce « psychologisme » dont sont malheureusement imbus tant de nos contemporains.