Octobre 1936

— Dans le D. S. Krishnaswami Aiyangar Commemoration Volume (Madras 1936), M. Ananda K. Coomaraswamy a donné une étude intitulée Vedic Monotheism, dans laquelle il montre que, dès l’origine, et non pas plus ou moins tardivement comme le prétendent d’ordinaire les modernes, les multiples noms divins n’ont jamais désigné réellement autre chose que des aspects ou des attributs divers du Principe premier et unique. C’est d’ailleurs pourquoi il a pu être dit justement que les Dêvas sont « participants » (bhakta) de l’essence divine ; et il est particulièrement important de remarquer, à ce propos, que le sens originel du mot bhakti est effectivement celui de « participation », quels que soient les autres sens plus ou moins dérivés qu’il ait pu prendre par la suite.

— Le no de juillet d’Atlantis a pour titre général Les Argonautes et la Toison d’Or ; M. paul le cour y envisage surtout le voyage des Argonautes comme remontant en quelque sorte les étages suivies par la tradition à partir de son centre nordique originel ; ce pourrait être là un beau sujet de « géographie sacrée »… à la condition de n’y pas introduire trop de fantaisie. — M. Eugène Canseliet étudie l’interprétation hermétique de la Toison d’Or, suivant les conceptions spéciales d’une certaine école où, à ce qu’il nous semble, on donne à l’argot une importance quelque peu excessive. Peut-être est-ce pour cela qu’on pourrait relever dans son article tant d’explications linguistiques sujettes à caution ; mais nous nous contenterons d’en relever une qui dépasse par trop les bornes permises : le mot élixir ne dérive pas du grec, mais est purement arabe ; le simple article el qui entre dans sa composition n’a rien à voir avec le soleil, et, pour le reste, la racine Ksr est bien loin d’ixis ! Il est vrai que, après tout, cela vaut bien l’Iberborée de M. paul le cour, et que, de l’argot… nautique, il n’est que trop facile de passer au bara-gwin

— Le Speculative Mason (no de juillet) contient deux notes sur le symbolisme de la Mark Masonry, ainsi que le début d’une étude sur les rapports particuliers de celle-ci avec le grade symbolique de Compagnon : sur ce point comme sur bien d’autres, le passage de l’« opératif » au « spéculatif » semble n’avoir pas été sans introduire d’assez singulières confusions. — La suite de l’étude que nous avons déjà signalée, Preparation for death of a Master Mason, traite des différentes sources de connaissance dont l’homme dispose dans sa recherche de la vérité, et, avant tout, de la source interne à laquelle se rapporte le précepte « Connais-toi toi-même » des Mystères antiques. — Notons encore la première partie de « réflexions sur les Landmarks », qui, malheureusement, sont d’un caractère plutôt « mêlé », s’inspirant des conceptions de l’occultisme combinées avec celles de la science moderne beaucoup plus que de celles de la Maçonnerie traditionnelle.

— Dans le Symbolisme (nos de juin et de juillet), une Allocution de bienvenue à un nouvel initié, par Luc Bonnet, contient des aperçus sur la façon dont l’étude des symboles peut conduire aux « sciences traditionnelles » ; mais il est à regretter que celles-ci n’y soient présentées que sous un aspect bien « modernisé » : il n’y a que d’assez lointains rapports, par exemple, entre la conception ancienne des tempéraments et celle que peuvent s’en faire les « psychanalystes », ou entre ce qu’on est convenu d’appeler aujourd’hui « astrologie scientifique » et la véritable astrologie traditionnelle. — Dans le no de juin, Oswald Wirth s’efforce de donner de la « chute » et de la « rédemption » une interprétation « rationalisante », si l’on peut dire, qui n’a certes rien d’ésotérique ; et, dans le no de juillet, il fait sur l’« art de vivre » des réflexions qui lui sont une nouvelle occasion de montrer à quel point il ignore la métaphysique en général et les doctrines orientales en particulier. — Dans le même no de juillet, Albert Lantoine justifie l’existence du « gouvernement maçonnique », c’est-à-dire de l’organisation administrative des Obédiences, par des considérations d’ordre historique. — Enfin, G. Persigout continue sa série d’études par Le Royaume des Ombres et les Rites sacrificatoires, qu’il met en rapport avec l’« épreuve de la terre » ; il s’agit bien ici, en effet, de la « descente aux Enfers » entendue dans sa signification initiatique ; mais, dans le sacrifice en général et même dans les « mystères du sang », il y a bien autre chose que ce que peuvent y voir les modernes « historiens des religions » ou les sociologues inventeurs de la prétendue « mentalité primitive ».

— La Revue Internationale des Sociétés Secrètes (no du 1er juin) revient encore une fois sur l’affaire Taxil : elle s’en prend à un hebdomadaire catholique, que, sans le nommer, elle désigne assez clairement, et qui a publié, sur ce sujet, un article qui n’a pas eu l’heur de lui plaire ; son auteur, en effet, ne s’est-il pas permis de dire que la Maçonnerie n’avait été pour rien dans cette imposture ? Conclusion trop évidente : pour ces Messieurs de la R. I. S. S., dès lors qu’on est catholique, on n’a pas le droit de dire ce qu’on estime être la vérité, s’il arrive que cette vérité ne s’accorde pas avec les exigences d’une certaine polémique ! — À la fin de cet article, il est assez longuement question de l’ex-rabbin Paul Rosen, alias Moïse Lid-Nazareth ; et, puisqu’on trouve qu’« il serait intéressant de mieux connaître cette personnalité originale en son genre », nous pouvons donner là-dessus au moins deux indications, d’importance fort inégale d’ailleurs. D’abord, il vendit un bon prix, aux antimaçons et à d’autres (car Papus, notamment, fut aussi un de ses « clients »), non pas une seule bibliothèque, mais plusieurs, qu’il avait formées successivement et qui, grâce à certaine houppelande truquée, ne lui avaient certes pas coûté bien cher… C’est là, en quelque sorte, le côté pittoresque du personnage, mais il y a aussi le côté sinistre : il y a, en effet, tout lieu de le considérer comme ayant été, dans l’affaire Taxil, un des agents les plus directs de la « contre-initiation » (ce qui explique d’ailleurs son double rôle apparent) ; mais il n’était pas le seul, et il y en eut d’autres… qu’on ne doit pas tenir tant que cela à connaître à la R. I. S. S. !

— Une publication dactylographiée intitulée L’Appel Spirituel, organe d’un certain « Centre Bodha d’Europe » (sic), a reproduit, dans son no d’avril-mai, le compte rendu que nous avons donné ici du livre du Dr Alexandre Cannon, L’Influence invisible(*), en le faisant suivre de notre signature, mais sans la moindre indication d’origine. Nous sommes obligé de protester formellement contre un tel procédé, qui risque de nous faire passer, auprès des lecteurs de ladite publication, pour un de ses collaborateurs, ce qui, pour de multiples raisons, ne saurait aucunement nous convenir ; et, à cette occasion, nous tenons à bien préciser que, si nous croyons devoir dénoncer le charlatanisme ou les mystifications de certains personnages, ce n’est certes pas pour servir les intérêts de « concurrents » qui, un jour ou l’autre, pourraient bien avoir aussi leur tour si les circonstances viennent à l’exiger…

P. S. — À notre grand regret, il nous devient matériellement impossible de répondre à toutes les lettres que nous recevons, car tout notre temps, même s’il y était exclusivement consacré, n’y pourrait plus suffire. Nous prions donc nos correspondants de vouloir bien nous excuser ; tout ce qu’il nous est possible de faire dans ces conditions, c’est de prendre note de celles de leurs questions qui ont un réel intérêt d’ordre général, afin de les traiter lorsque l’occasion s’en présentera au cours de nos articles.