Mai 1937

— Dans Atlantis (numéro de mars), M. paul le cour consacre une longue étude à Claude de Saint-Martin ; l’idée de se placer en quelque sorte sous le patronage de celui-ci est, comme il le reconnaît lui-même, assez inattendu ; il en explique l’origine par le récit d’anciennes expériences spirites, qu’il décore d’ailleurs du nom plus respectable de « recherches métapsychiques » ; et nous devons constater qu’il lui est bien resté quelque chose de ses idées d’alors, puisque, tout en déclarant ces choses « décevantes, sinon dangereuses », il croit pourtant encore qu’il est possible que les morts se manifestent réellement et personnellement par de pareils moyens… Il se fait, d’autre part, quelques illusions sur la valeur même de Saint-Martin, qui, en fait, ne comprit jamais grand’chose à l’initiation, comme il ne le montra que trop clairement en se tournant vers le mysticisme. L’histoire de ses rapports avec Martines de Pasqually (déclaré « juif portugais » sans l’ombre d’une hésitation) est étonnamment simplifiée ; mais ceci n’est rien à côté de l’affirmation qu’il abandonna la Maçonnerie « quand elle devint athée et matérialiste » : il faut croire qu’il fut, parmi tous les Maçons de son temps, le seul à s’apercevoir d’un pareil changement ! Ce qui, par contre, est tout à fait conforme à la vérité, c’est qu’il ne fonda jamais aucune organisation, d’où cette conséquence qu’« on peut se dire martiniste, mais seulement à titre individuel » ; évidemment, il est toujours permis d’adopter les idées que quelqu’un a exposées, si on les trouve à sa convenance, et il n’y a même pas besoin pour cela d’être « favorisé par ses manifestations post-mortem »…

— Dans le Grand Lodge Bulletin d’Iowa (no de février), étude sur la signification du mot cowan, terme d’origine apparemment écossaise, mais de dérivation très incertaine, venu de la Maçonnerie opérative, où il désignait celui qui construit des murs en pierre sèche, c’est-à-dire sans mortier ; ce n’était donc pas un profane cherchant à s’emparer indûment des secrets de la Maçonnerie, comme on le pense d’ordinaire, mais seulement un ouvrier qui n’était pas qualifié pour participer au travail des Maçons réguliers, et qui avait au point de vue corporatif un rang inférieur, mais néanmoins reconnu et bien défini.

— Dans le Symbolisme (numéro de mars), Oswald Wirth parle de La mission éducative de la Franc-Maçonnerie, ce qui ne va pas bien loin, car « éducation » n’est certes pas « initiation » ; et dire que « le pouvoir spirituel effectif appartient à qui s’applique à penser juste et à vouloir le bien avec abnégation », c’est tout simplement s’imaginer que de bonnes intentions peuvent suffire à tenir lieu de toute connaissance et de toute « réalisation » d’ordre supérieur. — G. Persigout étudie Les Rites agraires et les abords de l’Antre ; la plus large part y est faite aux interprétations « naturalistes » des modernes, avec leurs « fêtes saisonnières » leurs « coutumes populaires », et autres choses qui n’ont assurément aucun rapport avec les données traditionnelles sur le véritable sens des rites et des symboles.

— Nous avons reçu les premiers numéros d’une nouvelle revue intitulée La Juste Parole, qui présente ce caractère quelque peu exceptionnel d’être à la fois « philosémite » et antimaçonnique. Nous y trouvons, entre autres choses, une mise au point concernant l’Ordre juif B’nai B’rith (Fils de l’Alliance), qui n’a rien de maçonnique, contrairement à l’opinion répandue dans certains milieux ; peut-être faudrait-il seulement ajouter qu’il vise quelque peu à imiter la Maçonnerie (l’emploi du mot « Loges », notamment, en est un indice), comme toutes les organisations « fraternelles » d’origine américaine. Un autre article est consacré à montrer qu’il n’y a pas de « Judéo-Maçonnerie » ; cela est parfaitement exact, mais pourquoi retrouvons-nous là, à l’égard de la Maçonnerie, tous les lieux communs de ceux qui soutiennent la thèse contraire ? Signalons encore un article sur l’« abattage rituel », qui donne lieu à une remarque curieuse : dans toutes les discussions à ce sujet, partisans et adversaires n’invoquent que des arguments « hygiéniques » et « humanitaires », qui n’ont rien à voir avec la question ; on rappelle pourtant le texte biblique qui affirme la connexion du sang avec l’âme (au sens strict de principe vital), mais on ne paraît pas se douter que c’est là le seul point qui importe réellement ; la mentalité moderne est décidément quelque chose de bien étrange !

P. S. — On nous signale l’abus qui est fait de notre nom, dans une intention de « contrefaçon » évidente, par des gens dont les idées sur la « tradition » et l’« initiation » n’ont certainement rien de commun avec celles qui sont exposées ici. Nous ne pouvons que protester énergiquement contre de semblables procédés, et redire une fois de plus, à cette occasion, que nous n’avons absolument aucun rapport avec quelque groupement que ce soit, et qu’il n’en est aucun que nous autorisions à se recommander de nous à un titre quelconque.