Octobre 1937
— Dans Indian Culture (vol. III, no 4), M. Ananda K. Coomaraswamy étudie La doctrine védique du « silence », qu’il rattache à ce que nous avons exposé ici(*) au sujet du « secret initiatique », ainsi que des « mythes » et des « mystères » entendus dans leur sens originel. Il s’agit donc essentiellement de l’inexprimable, qui est le « suprême » (para), tandis que la « parole » exprimée se réfère nécessairement au « non-suprême » (apara), les deux aspects apparaissant d’ailleurs comme inséparablement associés dans de nombreux textes, ainsi que dans le rituel, pour constituer ensemble la conception totale du Principe.
— Dans le Bulletin of the Museum of Fine Arts de Boston, (no d’août), le même auteur, à propos de l’explication d’un sceau indien de l’époque Gupta, insiste sur l’insuffisance de toute « histoire de l’art » qui, s’enfermant dans un point de vue uniquement esthétique, « considère simplement l’usage décoratif d’un motif donné, et ignore la raison d’être des éléments dont il est formé et la relation logique de ses parties » ; cette note constitue une excellente réponse à certains négateurs du symbolisme.
— Dans la Vita Italiana (no de juin), un article de M. Gherardo Maffei, sur les rapports du Judaïsme et de la Maçonnerie, témoigne d’une attitude comparable à celle qui s’affirmait déjà dans l’article de M. J. Evola dont nous avons parlé précédemment. L’auteur fait remarquer très justement que, en ce qui concerne l’origine de la Maçonnerie, la présence de nombreux éléments hébraïques dans son symbolisme ne prouve rien, d’autant plus que, à côté de ceux-là, il s’en trouve aussi beaucoup d’autres qui se rattachent à des traditions toutes différentes ; en outre, ces éléments hébraïques se rapportent à un côté ésotérique qui n’a assurément rien à voir avec les aspects politiques ou autres que visent ceux qui combattent le Judaïsme actuel, et dont beaucoup prétendent lui associer étroitement la Maçonnerie. Naturellement, tout cela est sans rapport avec la question des influences qui, en fait, peuvent s’exercer à notre époque dans la Maçonnerie aussi bien qu’ailleurs, mais c’est précisément cette distinction que, par ignorance ou par parti pris, on oublie trop souvent ; et nous ajouterons plus nettement encore, quant à nous, que l’action des Maçons et même des organisations maçonniques, dans toute la mesure où elle est en désaccord avec les principes initiatiques, ne saurait en aucune façon être attribuée à la Maçonnerie comme telle. — Dans la même revue (no de juillet), M. Massimo Scaligero étudie la signification de l’attitude « antimoderne », à propos des ouvrages de M. J. Evola, et plus spécialement du Mistero del Graal dont nous avons rendu compte récemment(**).
—Dans le Mercure de France (no du 1er juin), M. Gabriel Louis-Jaray examine, d’après quelques ouvrages récents sur la Maçonnerie française au xviiie siècle, le rôle que celle-ci a pu jouer dans les rapports de la France avec l’Angleterre et les États-Unis. Tout cela se limite à un point de vue beaucoup trop exclusivement politique pour aller jusqu’au fond des choses, et n’est d’ailleurs pas exempt de certaines erreurs, parmi lesquelles il en est une que nous avons déjà rencontrée ailleurs, mais qui n’en est pas moins véritablement étonnante : c’est la confusion de la Maçonnerie exclusivement « symbolique » issue de la Grande Loge d’Angleterre avec la Maçonnerie « écossaise », c’est-à-dire des hauts grades, laquelle, par surcroît, était alors résolument opposée aux tendances « orangistes » dont la première était pénétrée. Malgré cela, il y a un point qui nous paraît présenter un certain intérêt : c’est ce qui concerne le rôle étrange de Franklin, qui, tout en étant Maçon (quoique la qualification de « grand patriarche » qui lui est ici attribuée ne réponde d’ailleurs à rien de réel), était fort probablement aussi tout autre chose, et qui semble bien avoir été surtout, dans la Maçonnerie et en dehors d’elle, l’agent de certaines influences extrêmement suspectes. La Loge Les Neuf Sœurs, dont il fut membre et même Vénérable, constitue, par la mentalité spéciale qui y régnait, un cas tout à fait exceptionnel dans la Maçonnerie de cette époque ; elle y fut sans doute l’unique centre où les influences dont il s’agit trouvèrent alors la possibilité d’exercer effectivement leur action destructrice et antitraditionnelle, et, suivant ce que nous disions plus haut, ce n’est certes pas à la Maçonnerie elle-même qu’on doit imputer l’initiative et la responsabilité d’une telle action.
— Dans les Archives de Trans (nos de mai, juin et juillet), M. J. Barles, poursuivant ses recherches sur les origines de la Grande Loge d’Angleterre, examine plus particulièrement certains détails de la biographie de Desaguliers : ses ouvrages scientifiques et autres aspects de son activité profane, la réception qui lui fut faite à la Loge d’Edimbourg en 1721 (signalons en passant que deacon est « diacre », et non pas « doyen » qui se dit en anglais dean), et sa visite à la Loge de Bussy, à Paris, en 1735. Peut-être ne faut-il pas chercher à tirer de tout cela des conséquences excessives ; surtout, le savoir profane et les associations destinées à le développer ou à le répandre relèvent d’un domaine entièrement différent de celui où se situent les questions d’ordre proprement maçonnique, et, à part le fait que les mêmes individualités peuvent parfois se retrouver de part et d’autre, ce qui n’engage évidemment qu’elles, nous ne voyons pas bien quel rapport plus ou moins direct il peut y avoir entre ces deux choses. Quant au sens réel des termes « opératif » et « spéculatif », sur lequel M. Barles semble encore perplexe, nous ne pouvons mieux faire, pour l’aider à élucider cette importante question, que de le prier de vouloir bien se reporter aux explications précises que nous avons données ici sur ce sujet, auquel nous avons même consacré un article spécial(***).
— Atlantis (no de juillet) publie la seconde partie de l’étude déjà mentionnée(****) de M. Noël de la Houssaye sur les monnaies antiques, plus précisément sur les monnaies de bronze d’Italie et du bassin méditerranéen ; il y a là quelques planches contenant d’intéressantes reproductions, mais les explications données dans l’article même, quant aux symboles animaux et autres qui figurent sur ces monnaies, ne sont certes pas suffisantes pour qu’il soit possible d’en tirer des conclusions bien nettes.
— Dans le Speculative Mason (no de juillet), un article est consacré au symbolisme du rituel de Royal Arch ; un autre apporte, sur les origines antiques des outils employés par les constructeurs, des renseignements intéressants au point de vue documentaire, mais est malheureusement quelque peu affecté du préjugé « progressiste » habituel à nos contemporains.
— Dans le Grand Lodge Bulletin d’Iowa (no de mai), signalons une brève étude sur les « chiffres » ou alphabets cryptographiques qui furent en usage dans la Maçonnerie, et qui présentent une ressemblance frappante avec certains alphabets kabbalistiques ; il en existe plusieurs variantes, mais la « clef » en est toujours la même, et il y aurait sans doute bien davantage à dire sur celle-ci et sur les rapprochements auxquels elle peut donner lieu.
— Dans le Symbolisme (no de juin), Oswald Wirth, tout en affirmant l’unité de La Tradition des Sages sous ses diverses expressions symboliques, s’efforce une fois de plus d’en restreindre la portée, de la façon que nous ne connaissons déjà que trop bien ; ajoutons seulement que, contrairement à sa tentative d’interprétation « évolutionniste », l’« état d’innocence édénal » n’a certes rien à voir avec l’instinct ni avec l’animalité ! — Dans le no de juillet, au sujet de la question du Rituel féminin, tout en déclarant que le symbolisme des Loges d’Adoption « n’est pas précisément d’une très haute valeur initiatique », il estime qu’il peut cependant servir tout au moins de préparation et de point de départ ; mais la véritable question n’est pas là : ce rituel ayant été inventé artificiellement de toutes pièces et ne contenant pas trace d’une « transmission » authentique, il ne pourra jamais, en réalité, représenter rien de plus qu’un simple simulacre d’initiation. — Albert Lantoine intitule Paroles pour les Égarés un rappel à la règle suivant laquelle « la Maçonnerie doit écarter de ses travaux toute discussion politique ou religieuse », qui en effet ne peut s’y introduire que par une déplorable confusion des domaines les plus différents. — Dans les deux numéros, suite des études de G. Persigout, cette fois sur La « Pierre brute » et la « Pierre cachée des Sages » ; l’auteur continue à faire preuve d’un « éclectisme » vraiment excessif, et les rêveries de feu Leadbeater voisinent ici avec les théories « officielles » sur les époques de la préhistoire ; ne vaudrait-il pas beaucoup mieux s’en tenir uniquement à des « sources » plus autorisées au point de vue traditionnel et initiatique ?