Mars 1938

— Dans The Indian Historical Quaterly (Vol. XIII, 1937), M. Ananda K. Coomaraswamy, dans un article sur Janaka and Yâjnavalkya, montre que ces deux interlocuteurs de la Brihad-Aranyaka Upanishad sont bien loin de n’être tout simplement que des personnages historiques ; ils sont avant tout, pourrait-on dire, des « types » éternels, et cela résulte des significations impliquées dans leurs noms mêmes. Yâjnavalkya, de yajna-vaktri, « Promulgateur du sacrifice », qui est proprement un nom d’Agni, représente en réalité l’« Avatâra éternel » ; Janaka est étymologiquement le « Progéniteur », s’identifiant à l’Asura pitri ou janitri vêdique ; et la désignation du royaume de Janaka comme Vidêha, « incorporel », est également très significative. L’auteur est amené par là à exposer de nombreuses considérations qu’il nous est impossible de résumer, et qui sont toutes fort importantes pour la compréhension du véritable symbolisme des « personnages » vêdiques, et aussi des rites comme image de « ce qui fut fait au commencement », indépendamment de toute application qui peut en être faite à des circonstances particulières telles que les événements de la vie humaine, application qui tire au contraire de là toute sa valeur et son efficacité.

— Le Christian Social Art Quarterly, organe de la Catholic College Art Association (Saint-Mary-of-the-Woods, Indiana), publie dans son premier numéro (décembre 1937) une conférence de M. Graham Carey intitulée What is Catholic Art ? Il y dénonce le « laïcisme » et l’« individualisme », qui dominent le monde moderne dans tous les domaines, comme essentiellement antichrétiens (et ils le sont en effet nécessairement, ajouterions-nous, par là même qu’ils sont, d’une façon tout à fait générale, antitraditionnels) ; il examine les fausses conceptions auxquelles ils ont donné naissance en ce qui concerne l’art, et il y oppose l’idée chrétienne de l’art, qui est au fond l’application, au cas plus spécial de l’art catholique, de l’idée « normale » ou traditionnelle que lui-même et M. A. K. Coomaraswamy ont déjà exposée en diverses autres études dont nous avons rendu compte en leur temps.

— Dans Atlantis (no de janvier), M. paul le cour aborde cette fois le Symbolisme minéral : la « pierre brute », la « pierre cubique », la « pierre philosophale » ; il y aurait certes fort à dire sur tout cela, mais il y faudrait des connaissances « techniques » précises, auxquelles l’imagination ne saurait suppléer, fût-elle excessive au point de faire trouver les mots alkè et phôs dans Képhas, ou Christ dans cristal, rattacher le nom d’Adam au nom grec du diamant, et tirer des conséquences imprévues d’une simple faute d’orthographe comme celle qui consiste à écrire omphallos au lieu d’Omphalos ! Nous ferons aussi remarquer à M. paul le cour que le symbole du « chrisme » n’est point construit sur le schéma de la croix à trois dimensions, mais sur celui de la roue à six rayons ; entre les deux, il n’y a aucune équivalence possible, ni géométriquement, ni idéographiquement.

— Dans le Speculative Mason (no de janvier), deux articles sont consacrés respectivement à la « lumière » et à l’« arc-en-ciel », dans leurs rapports avec le symbolisme de Royal Arch. — Dans un autre article est étudié ce qu’on appelle le Plot Manuscript, c’est-à-dire un ancien manuscrit maçonnique qui n’a jamais été retrouvé, et qu’on connaît seulement par les citations qu’en fait le Dr Robert Plot dans sa Natural History of Staffordshire, publiée en 1686. Nous noterons à ce propos que, si l’on considère d’une part l’attitude de dénigrement prise par ce Dr Plot a l’égard de la Maçonnerie, et d’autre part sa connexion avec Elias Ashmole, il y a là quelque chose qui ne contribue guère à rendre vraisemblable le rôle initiatique que certains attribuent assez gratuitement à ce dernier. D’un autre côté, il est curieux de trouver chez le Dr Plot la « source » d’un des arguments que fait valoir, contre la filiation « opérative » de la Maçonnerie moderne, M. Alfred Dodd dans son livre sur Shakespeare dont nous avons parlé le mois dernier : il s’agit de l’édit abolissant la Maçonnerie sous Henry VI ; ce roi, qui était alors âgé de trois ou quatre ans, est dit cependant l’avoir révoqué lui-même quand il fut arrivé à l’âge d’homme, et avoir au contraire approuvé alors les Charges ; mais le Dr Plot déclare ce fait « improbable », sans en donner aucune raison valable, et M. Dodd se contente de le passer sous silence. Les découvertes les plus récentes apportent d’ailleurs parfois des confirmations assez remarquables aux dires de ces anciens manuscrits, en même temps que des démentis aux historiens modernes qui les ont critiqués à tort et à travers : il en est ainsi notamment dans le cas d’Edwin, dont l’existence a été si discutée ; la seule erreur de certains manuscrits est d’en avoir fait le fils du roi Athelstan, alors qu’il était en réalité son frère ; mais, comme on a trouvé une charte où sa signature est suivie d’un titre le désignant comme l’héritier du trône, cette confusion même est parfaitement explicable ; et voila encore un exemple assez instructif de ce que vaut la « critique » moderne !

P. S. — À la suite d’un certain nombre de lettres qui nous sont parvenues en ces derniers temps, nous nous voyons obligé de redire une fois de plus, pour les nouveaux lecteurs qui n’auraient pas eu connaissance de nos précédents avis à ce sujet, qu’il nous est absolument impossible de donner des conseils particuliers à qui que ce soit, et par conséquent de répondre à des questions ayant un caractère « personnel », ou ne relevant pas du domaine purement doctrinal qui est celui auquel nous devons nous en tenir exclusivement et sans aucune exception.