Juillet 1938
— Dans le Journal of the Bihar and Orissa Research Society (vol. XXIII, 1937, part IV), M. Ananda K. Coomaraswamy étudie The Pilgrim’s Way à propos d’un passage de l’Aitarêya Brâhmana (VII, 15), et développe des considérations du plus grand intérêt sur le symbolisme du « pèlerinage » ou du « voyage », qui se retrouve dans toutes les traditions, et dont, comme il le rappelle, il a été question ici même à plusieurs reprises.
— Le Lotus Bleu (no d’avril) publie une conférence de M. Jean Herbert intitulée Notes sur la philosophie contemporaine de l’Inde ; l’auteur y formule de justes réserves sur l’emploi de mots tels que ceux de « philosophie » et de « penseurs », quand il s’agit de l’Orient et particulièrement de l’Inde ; mais, dès lors qu’on reconnaît que ces mots ne peuvent que donner lieu à des équivoques, pourquoi se croire obligé d’en faire usage malgré tout ? D’autre part, s’il est assurément très important de faire une distinction entre les Hindous qui s’en tiennent exclusivement à leur tradition et ceux qui ont été plus ou moins influencés par une « culture » occidentale, il ne le serait pas moins de distinguer encore, parmi ces derniers, ceux chez qui cette influence n’a guère porté que sur la forme et les moyens d’expression, et ceux chez qui elle a au contraire affecté le fond même de la mentalité et les conceptions les plus essentielles ; entre Shrî Aurobindo et Vivêkânanda, pour prendre comme exemple les noms mêmes qui sont cités dans cette conférence, il y a, nous semble-t-il, une fort grande différence à faire !
— Le Grand Lodge Bulletin d’Iowa (no de mai) étudie les raisons pour lesquelles, suivant la tradition de la Maçonnerie opérative, la première pierre d’un édifice doit être posée dans l’angle nord-est (symboliquement tout au moins, si la disposition des lieux ne permet pas que cette orientation soit exacte en fait) ; c’est là une question qui, au fond, se rattache à celle des « circumambulations », avec une relation plus particulière à la marche du cycle diurne.
— Dans le Symbolisme (no de mai), Oswald Wirth envisage La Rénovation du Rituel, sujet bien dangereux, car il serait fort à craindre qu’une telle « rénovation » ne soit surtout une « altération » ; nous ne voyons pas ce que l’introduction de « moyens modernes » peut ajouter à la valeur d’un rituel initiatique, qui d’ailleurs ne gagne jamais rien à être entouré de « cérémonies » superflues ; et, d’autre part, y a-t-il beaucoup de chances pour que ceux qui seraient chargés de cette tâche soient capables de discerner l’essentiel, qui ne peut en aucun cas être modifié, sous peine d’irrégularité ou même de nullité au point de vue de la transmission initiatique ? — G. Persigout parle de Correspondances, Analogie, Intériorité ; nous ne voyons pas bien pourquoi il proteste contre l’expression de « correspondance analogique », qui n’identifie pas, comme il semble le croire, les correspondances et l’analogie, ce qui en ferait d’ailleurs un pléonasme pur et simple ; en fait, il y a des correspondances qui sont analogiques et d’autres qui ne le sont pas. Nous ne comprenons pas davantage pourquoi les correspondances devraient constituer un « système » parce qu’elles ont un « contenu doctrinal », ni pourquoi ce contenu devrait se borner à être celui des sciences dites « positives », qui ne sont en réalité que les sciences profanes, alors que les véritables correspondances sont au contraire celles qui se fondent sur les sciences traditionnelles ; mais, quand on voit comment l’auteur cite et utilise pour sa thèse les idées de certains philosophes contemporains, on ne peut guère s’étonner qu’il n’aperçoive pas très clairement la distinction de ces deux ordres de connaissance.
— La Revue Internationale des Sociétés Secrètes (no du 1er mai) achève l’examen de la biographie du duc de Wharton : il en résulte qu’il séjourna à peu près un an en France, en 1728-1729, d’où la conclusion, assurément très plausible, que c’est pendant cette période qu’il dut être Grand-Maître des Loges de France ; qu’il ait été le premier à porter ce titre, cela est vraisemblable aussi, même si l’introduction de la Maçonnerie en France remonte à 1725. — Dans le no du 15 mai, il s’agit d’établir la chronologie des successeurs du duc de Wharton : si le chevalier James Hector Macleane lui succéda immédiatement, il dut être élu lorsque le duc de Wharton quitta la France pour l’Espagne, c’est-à-dire en 1729, et il resta sans doute en fonctions jusqu’en 1736 ; à cette dernière date, il fut remplacé par Charles Radcliffe, comte de Derwentwater, dont le nom a été si bizarrement transformé en « d’Harnouester », et qui eut lui-même pour successeur, en 1738, le duc d’Antin, premier Grand-Maître français ; à partir de là, l’histoire est beaucoup mieux connue, et la série des Grands-Maîtres ne présente plus aucune obscurité.