Mars 1939
— Le numéro de janvier d’Atlantis est consacré en partie au Temple ; ce titre est d’ailleurs équivoque : en fait, il s’agit surtout ici de l’« idée de Temple », sur laquelle, à part certaines fantaisies linguistiques déjà connues, M. paul le cour et ses collaborateurs ne trouvent guère à exposer que des considérations « esthétiques » d’un caractère plutôt vague ; mais ce à quoi ils veulent en venir en réalité, en introduisant ainsi cette « idée de Temple », c’est à envisager une sorte de rénovation de l’Ordre du Temple, rénovation toute « idéale », sans doute, car ils seraient assurément bien en peine de la baser sur quelque filiation authentique, et, à vrai dire, ils ne semblent même pas se préoccuper de cette condition indispensable. Chose curieuse, après avoir affirmé précédemment que l’Angleterre est la continuatrice actuelle de l’Ordre du Temple, M. paul le cour présente maintenant celui-ci comme « français », ce qui du reste n’est pas plus vrai, car l’époque à laquelle il exista est antérieure aux « nationalités », et, s’il avait survécu à la formation de celles-ci, il n’aurait pu en tout cas être que « supranational » (nous ne disons pas « international »). D’autre part, nous nous souvenons qu’au Hiéron de Paray-le-Monial, auquel est empruntée l’assertion concernant le rôle de l’Angleterre, celle-ci s’accompagnait d’une violente hostilité à l’égard de l’idée templière, ou du moins de ce qu’on y considérait comme tel ; comment donc M. paul le cour pourra-t-il concilier sa nouvelle attitude avec sa persistance à se réclamer dudit Hiéron et de son « Grand Occident » ?
— Dans le Grand Lodge Bulletin d’Iowa (no de janvier), un article est consacré à l’« âge de la Maçonnerie », ou, pour mieux dire, à montrer que celui-ci est en réalité impossible à déterminer ; le point de vue des historiens modernes, qui ne veulent pas remonter plus loin que la fondation de la Grande Loge d’Angleterre en 1717, est assurément injustifiable, même en tenant compte de leur parti pris de ne s’appuyer que sur des documents écrits, car il en existe tout de même d’antérieurs à cette date, si rares soient-ils. Il est d’ailleurs à remarquer que ces documents se présentent tous comme des copies d’autres documents beaucoup plus anciens, et que la Maçonnerie y est toujours donnée comme remontant à une antiquité fort reculée ; que l’organisation maçonnique ait été introduite en Angleterre en 926 ou même en 627, comme ils l’affirment, ce fut déjà, non comme une « nouveauté », mais comme une continuation d’organisations préexistantes en Italie et sans doute ailleurs encore ; et ainsi, même si certaines formes extérieures se sont forcément modifiées suivant les pays et les époques, on peut dire que la Maçonnerie existe vraiment from time immemorial, ou, en d’autres termes, qu’elle n’a pas de point de départ historiquement assignable.
— Dans le Symbolisme (no de janvier), G. Persigout, dans un article sur Le Centre du Monde et de l’Être, où il envisage l’idée du retour à l’Unité principielle, déclare que « la libre accession à la Connaissance ésotérique exige à la fois la répudiation du dualisme cartésien et de l’évolutionnisme spencérien » ; cela est parfaitement juste, mais cette « répudiation » devrait s’étendre pareillement, et sans distinction, à tout autre point de vue de philosophie profane ; et nous ne voyons pas que, par exemple, les spéculations de M. Blondel sur la « philosophie de l’action », qui sont citées à plusieurs reprises au cours de cet article, soient réellement moins éloignées de toute doctrine ésotérique ou initiatique, ou même simplement traditionnelle au sens le plus général. — Un petit article intitulé Connais-toi toi-même est un assez bon exemple des confusions auxquelles peuvent donner lieu les illusions « psychologistes » et « scientistes » des modernes, et de la parfaite incompréhension du point de vue initiatique qui en est l’inévitable conséquence.