Mai 1939

Speculum, organe de la Mediæval Academy of America (no de janvier), publie un article de M. A. K. Coomaraswamy sur la signification, souvent mal comprise, du symbole de la « pierre angulaire », et sur son rapport avec celui du « diamant » ; chose remarquable à cet égard, le mot Eckstein, en allemand, a à la fois les deux sens ; nous nous proposons de revenir en détail, dans un prochain article, sur cette importante question(*).

— Dans Atlantis (no de mars), M. paul le cour parle de Poséidon et la Chevalerie ; que Poséidon ait joué chez les Atlantes un rôle plus ou moins comparable à celui d’Apollon chez les Hyperboréens, c’est là une chose fort plausible ; que le cheval ait été un symbole de Poséidon, c’est encore moins douteux (il y aurait d’ailleurs, à ce propos, des considérations intéressantes à développer sur le rapport de ses deux aspects, le cheval terrestre et le cheval marin) ; mais, pour croire qu’il est possible de passer directement du « Temple atlantéen de Poséidon », à… l’Ordre du Temple, il faut assurément une forte dose d’imagination ! — Nous sommes malheureusement obligé de revenir encore une fois de plus sur l’étrange façon dont M. paul le cour dénature (inconsciemment, nous voulons le croire) tout ce que nous disons ; donnons-lui acte, tout d’abord, que la note signée « X. » nous visant et que nous avons relevée en son temps avait été copiée par lui dans un journal, et faisons-lui simplement remarquer qu’il aurait dû tout au moins en indiquer la provenance, si peu « reluisante » fût-elle. Nous ne lui avons d’ailleurs rien « fait parvenir », car, à la distance où nous sommes, cela nous serait un peu difficile ; mais il nous semble qu’il n’a pas à se plaindre si la direction des Études Traditionnelles estime devoir lui envoyer ce qui le concerne afin qu’il en soit loyalement informé et que même il ne ferait pas mal, de son côté, de prendre exemple sur cette façon d’agir. Quant au changement de titre des Études Traditionnelles, il est dû à leur directeur et non à nous qui n’avons aucune qualité pour cela, étant uniquement un des collaborateurs et rien de plus ; par surcroît, nous avions toujours cru jusqu’ici qu’une revue avait bien le droit de prendre le titre qui lui convenait, sans que le public soit appelé à donner son avis et à apprécier si c’est un « titre » ou un « sous-titre » ! Pour en venir au fond, ce qui est absolument stupéfiant, c’est que, pour M. paul le cour, déclarer « n’être pas orientaliste » équivaut à « renier l’Orient », alors que pour nous c’est exactement le contraire, un Oriental ne pouvant certes pas être un orientaliste ; du reste, nous expliquerons peut-être quelque jour à quoi servent réellement les orientalistes, mais le moment n’est pas encore venu… Pour ce qui est de l’affirmation que nous n’avons jamais rien écrit sur la « philosophie hindoue », M. paul le cour, pour pouvoir la qualifier à son aise d’« inattendue et audacieuse » (comme si nous ne l’avions pas déjà formulée explicitement à maintes reprises, et avant tout dans nos ouvrages mêmes qui traitent des doctrines hindoues !) se garde bien de la faire suivre de la raison que nous en donnions, et qui est tout simplement qu’il n’existe pas de « philosophie hindoue », si ce n’est dans les conceptions déformées des Occidentaux. D’autre part, si nous ne pensions pas que nos exposés sont suffisamment « clairs et intelligibles » pour que certains puissent en tirer profit, et aussi qu’il n’en existe pas d’autres avec lesquels ils fassent double emploi, nous ne les aurions jamais fait paraître, car nous ne sommes pas de ceux qui écrivent pour le plaisir d’écrire, et nous ne réussissons pas à voir quel sujet de « reproche » il peut y avoir là ; que d’ailleurs M. paul le cour trouve ces exposés « indigestes », c’est son affaire, mais cela ne prouve rien d’autre que son incompétence ; manifestement, la « littérature » doit être plus à son goût et à sa portée… Mais ce n’est pas tout : parler actuellement de « la civilisation européenne gravement menacée par les conquêtes asiatiques », c’est vraiment dépasser toutes les bornes permises ; quand on se recommande d’une « civilisation » qui ne vise qu’à détruire toutes les autres et à dominer le monde entier, on devrait tout au moins avoir l’élémentaire pudeur de ne pas prétendre renverser la situation ! Enfin, M. paul le cour a grand tort de nous attribuer une « fougueuse ardeur combative » dont personne ne saurait être plus complètement dépourvu que nous ; si lui-même n’avait pas éprouvé le besoin de nous harceler sans la moindre raison et avec une insistance incompréhensible, nous ne nous serions jamais occupé de lui, et nous aurions peut-être même toujours ignoré son existence ; c’est vraiment bien dommage que les « Européens » de sa sorte ne veuillent pas comprendre que tout ce que nous leur demandons, c’est de nous… laisser la paix, à nous et à l’Orient. — Encore une remarque : essayant de répondre à ce que nous avions dit de son assimilation des Arabes à la « race de Cham », M. paul le cour prend la mère d’Ismaël pour… son épouse, ce qui est plutôt amusant ; et ce qui ne l’est guère moins, c’est qu’il paraît croire sérieusement qu’en tout cela il s’agit de « races » au sens littéral et physique de ce mot, alors qu’il ne s’est jamais agi en réalité que de filiations traditionnelles.

— Le Grand Lodge Bulletin d’Iowa (no de février) contient diverses considérations relatives à la façon dont pourrait être formulée une « déclaration de principes maçonniques » ; ce qui est le plus remarquable là-dedans, c’est que l’essentiel y est complètement passé sous silence, car il ne s’y trouve pas même la moindre allusion au caractère proprement initiatique de la Maçonnerie. Cette constatation amène logiquement à se demander si, dans l’intention de ceux qui la croient utile, une telle déclaration ne s’adresserait pas surtout au public profane ; mais c’est là une chose qui n’a pas de raison d’être et que, par définition, une organisation initiatique réellement fidèle à ses principes ne devrait même pas envisager. Si au contraire elle était plutôt destinée à l’instruction des Maçons eux-mêmes, c’est là un rôle qu’elle remplirait fort mal, et en quelque sorte inévitablement ; elle serait, en effet, nettement contraire à la méthode traditionnelle d’enseignement par les symboles, sans même parler de l’impossibilité (qui d’ailleurs rend précisément cette méthode indispensable) d’enfermer les véritables principes dans des formules verbales. Donc, de toutes façons, le fait même que cette question puisse être posée et discutée par des « autorités » témoigne d’une fâcheuse incompréhension du point de vue initiatique ; et, si certains Maçons se plaignent d’ignorer « la nature essentielle de la Maçonnerie », ce n’est certes pas par des moyens de ce genre que leur ignorance pourra jamais être dissipée.

— Dans le Symbolisme (no de mars), G. Persigout étudie Le symbolisme du crâne et de la mort ; il fait à ce sujet un certain nombre de remarques intéressantes, dont quelques-unes sont d’ailleurs inspirées par ce que nous avons dit nous-même ici à propos du symbolisme de la caverne et de celui du dôme ; mais pourquoi y mêle-t-il des vues « préhistoriques » dont le moins qu’on puisse dire est qu’elles sont étrangement confuses, en dépit de réserves fort justes sur l’« évolutionnisme » et le « naturalisme » qui dominent les explications « scientifiques » modernes ? D’autre part, parmi les points auxquels l’auteur touche en passant et qui mériteraient d’être examinés de plus près, nous noterons plus particulièrement ce qui concerne la « danse des morts » ; il y a là quelque chose d’assez énigmatique, qui ne relève point de l’« histoire profane » comme il semble le croire (et d’ailleurs cette histoire ne saurait jamais rien expliquer véritablement), mais qui, au contraire, est en relation directe avec certaines organisations initiatiques de la fin du moyen âge ; il semble qu’on n’ait jamais cherché à préciser le rôle et la nature de ces organisations, ce à quoi l’on serait peut-être aidé dans une certaine mesure par la considération du rapport ésotérique existant entre l’« amour » et la « mort ». Signalons incidemment que le mot « macabre » n’est pas autre chose que l’arabe maqbarah, « cimetière » (ou plus exactement son pluriel maqâbir), et que son origine n’a certainement rien à voir avec le nom de saint Macaire, même s’il est arrivé que celui-ci en ait été rapproché après coup, du fait d’une de ces rencontres phonétiques qui ont parfois de si curieux effets.