Mars 1948
— Le Speculative Mason (no d’octobre 1947) reproduit un extrait du compte rendu de la dernière Conférence des Grands-Maîtres américains, concernant la question des « qualifications physiques », que certains voudraient actuellement abolir pour pouvoir admettre dans la Maçonnerie les invalides de la guerre. Il va de soi que les partisans de ce point de vue soi-disant « libéral » n’ont à faire valoir que des arguments d’ordre purement sentimental, et nous retrouvons chez eux l’idée complètement fausse suivant laquelle les qualifications corporelles auraient perdu leur raison d’être depuis que la Maçonnerie est devenue « spéculative » ; nous nous sommes d’ailleurs expliqué assez longuement sur ce sujet dans un de nos ouvrages (Aperçus sur l’Initiation, ch. XIV). Ceux qui soutiennent la thèse contraire envisagent naturellement les choses d’une façon plus correcte, mais pourtant il est au moins étonnant de voir qu’ils semblent être préoccupés avant tout par la crainte que les invalides admis ne deviennent tôt ou tard « une charge pour la Fraternité » ! Ce sont là des considérations qui n’ont certes rien d’initiatique, et rien ne saurait être plus juste que ces quelques mots ajoutés en manière de conclusion par un rédacteur de la revue : « Ce n’est pas une question de sentiment ni de situation financière ; il s’agit d’une loi naturelle, qui exige qu’il y ait un parfait “alignement” sur tous les plans si l’initiation doit être effective. » — Un article assez curieux pose la question du signe zodiacal sous l’influence duquel serait l’Angleterre ; l’auteur conteste l’affirmation habituelle des astrologues, suivant laquelle ce serait le Bélier ; c’est là surtout un prétexte à passer en revue les différents signes et à décrire les caractères humains qui leur correspondent ; il incline finalement en faveur du Sagittaire, sans pourtant vouloir conclure d’une manière définitive. — Dans un autre article, il est question du Tracing-board du grade de Maître ; un point particulièrement important est celui qui concerne la lucarne (dormer) qui, dans ce tableau, est figurée à la partie supérieure du Temple, et dont le symbolisme, comme l’a bien vu l’auteur, est identique à celui de l’« œil » du dôme dont nous avons parlé en diverses occasions. « Il est intéressant aussi de trouver quelquefois le symbole G suspendu dans l’ouverture d’un dôme qui est illuminé d’en haut, suggérant la Lumière divine qui se répand sur toutes choses » ; et nous ajouterons qu’il y a là un vestige évident du symbolisme « polaire » qui était en usage dans la Maçonnerie opérative et que nous avons signalé ailleurs (La Grande Triade, ch. XXV). D’autre part, il y a une inexactitude dans le rapprochement qui est fait avec le « troisième œil », car, en réalité, celui-ci ne se situe point à la couronne de la tête et est tout à fait distinct du Brahma-randhra ; et nous préciserons que c’est d’ailleurs seulement au grade de Royal Arch que le véritable rapport entre ces deux « centres » différents devrait pouvoir être compris effectivement. — Ensuite vient un article sur le grade de Rose-Croix, qui n’est en fait que la traduction textuelle d’un extrait du rituel de Ragon ; nous ne nous expliquons pas pourquoi le nom de celui-ci n’est même pas mentionné, ni pourquoi cet article est signé des initiales P. C., qui ne sont peut-être que celles du traducteur. Nous ne voyons d’ailleurs pas très bien quel intérêt il peut y avoir à reproduire ainsi purement et simplement, sans discussion ni commentaire d’aucune sorte, une série d’assertions pseudo-historiques dont la plupart sont entièrement erronées et ne reposent sur aucune base sérieuse. — Signalons enfin une note intitulée Tetragrammaton, mais qui, en réalité, se rapporte uniquement au symbolisme des quatre animaux ; comme il arrive trop souvent, les correspondances quaternaires qui y sont indiquées sont en partie inexactes ; et il est regrettable aussi qu’on y ait reproduit sans examen l’affirmation tout à fait injustifiée des occultistes qui prétendent trouver dans le Sphinx égyptien un composé des quatre animaux : il n’est pourtant pas bien difficile de se rendre compte tout au moins que ce Sphinx n’a jamais eu d’ailes !
— Atlantis, dans son numéro de septembre 1947, donne, sous le titre Vingt années d’études atlantéennes, une sorte de résumé de ce qui a été fait depuis sa fondation ; comme il fallait s’y attendre, on y souligne avec quelque complaisance les attaques dirigées contre les doctrines orientales, ainsi que la prétention de continuer l’œuvre du Hiéron de Paray-le-Monial ; à la suite de cet exposé, vient la reproduction de toute une série de lettres de lecteurs, qui ressemble vraiment un peu trop à certaines « attestations » publicitaires… Dans le numéro de novembre, M. paul le cour, qui signe maintenant « Paul le C-R », parle des Mystères chrétiens, à propos desquels il a eu l’idée plutôt curieuse d’établir une sorte de parallèle entre lui-même et son « patron » saint Paul. Les textes qu’il cite pour montrer l’existence d’un ésotérisme ou d’une disciplina arcani dans les premiers temps du Christianisme sont assez généralement connus (mais il n’est pas exact que Clément d’Alexandrie ait jamais été canonisé) ; ce qui est beaucoup plus contestable, c’est l’idée qu’il se fait de cet ésotérisme, qu’il veut, à toute force rattacher à l’« hellénisme » ; cette façon de voir nous était d’ailleurs déjà connue. Naturellement, il réédite quelques-unes de ses fantaisies habituelles sur le Chrisme, sur Aor-Agni et sur les Rose-Croix ; nous mentionnerons seulement, comme « nouveautés », une identification quelque peu inattendue du mot arcane au nom d’Aryane, et une prétendue étymologie faisant dériver le mot « Roi » ou « Roy » du sanscrit Rig, si bien que Rig-Vêda signifierait le « Vêda royal » ! Il n’a pas pu s’empêcher d’évoquer une fois de plus le « dieu à la tête d’âne », dont la réhabilitation, si l’on peut dire, semble décidément lui tenir à cœur ; il est vrai que, suivant lui, il s’agirait d’une tête d’« onagre », mot dans lequel il croit encore retrouver son inévitable Aor-Agni. À côté de cela, il faut lui savoir gré de protester contre les fausses « initiations » à base de magie et d’entraînements psychiques (mais l’expression que nous employons nous-même, en pareil cas, est en réalité celle de « pseudo-initiations » qui nous paraît beaucoup plus propre à éviter toute équivoque, car il y a là la même nuance qu’entre « fausses religions » et « pseudo-religions »), et aussi de vouloir bien reconnaître, contrairement à tant d’autres, que l’incendie de la bibliothèque d’Alexandrie eut lieu réellement en 390 et non au viie siècle. N’oublions pas de lui signaler, d’autre part, que la Grande Loge d’Angleterre n’a absolument rien de commun avec la Maçonnerie « écossaise » (celle-ci n’est d’ailleurs pas placée sous le patronage de saint Jean comme la Craft-Masonry, mais sous celui de saint André), et aussi, au risque de le faire frémir d’horreur, que la fixation du début de l’année à l’équinoxe d’automne est bien « traditionnelle » comme il le dit, mais seulement… dans le Judaïsme !