Septembre 1948

— Dans le Speculative Mason (no d’avril 1948), nous notons une étude sur « la mort du Compagnon » ; il s’agit naturellement de l’initiation au grade de Maître et de l’identification du récipiendaire à Hiram, en vertu de laquelle « il doit s’élever à un niveau où il agira pour des motifs supérieurs à lui-même et participant d’un caractère universel », ce qui est rapproché à juste raison de la notion du détachement des fruits de l’action suivant la Bhagavad Gîtâ. — Plusieurs auteurs étudient la signification de la maxime « Connais-toi toi-même » ; d’une façon générale, ces exposés insistent surtout sur la nécessité d’orienter la conscience vers l’intérieur, la faisant pénétrer graduellement de l’état tout superficiel dans lequel vit l’homme ordinaire à d’autres états de plus en plus profonds, jusqu’à ce qu’elle parvienne finalement, après s’être dégagée ainsi de toutes les limitations contingentes, à atteindre le centre même de l’être, où réside le véritable « Soi ».

— Dans Atlantis (no de mars 1948), M, paul le cour (ou plutôt Paul le C-R), écrivant sur Le cœur et le cerveau, prétend présenter à ce sujet « une théorie toute nouvelle », et qui en effet ne l’est que trop : « elle tend à considérer que le cœur est le siège de l’intelligence et de la sensibilité, mais que la volonté, la conscience, la raison, qui caractérisent l’esprit (?), ont le cerveau pour instrument chez l’homme » ; et, renversant complètement les rapports normaux et véritables, il part de là pour faire de la raison « une faculté supérieure à l’intelligence » ! En ce qui concerne les symboles du cœur et du cerveau, à côté de quelques choses intéressantes qui d’ailleurs ne sont pas de lui, et dont une bonne partie est tirée des travaux de L. Charbonneau-Lassay, il se trouve comme toujours beaucoup de fantaisies, parmi lesquelles nous relèverons seulement celles qui se rapportent au Chrisme et aux mots Cor et Roc (il s’agit naturellement là encore de sa nouvelle obsession des « archimystes » rosicruciens, celle-là même qui l’a amené à modifier sa signature, et nous nous en voudrions de ne pas signaler aussi, à ce propos, un rapprochement vraiment inattendu entre les « curètes » et les « curés »), et à ce qu’il appelle les « noms prédestinés », qui décidément, c’est le cas de le dire, lui tiennent fort à cœur…

— Nous avons reçu le premier numéro (juin-juillet 1948) d’une revue intitulée Cahiers du Symbolisme Chrétien, qui paraît à Bruxelles, et dont les intentions sont assurément des plus louables, en tant qu’elle se propose d’aider à restaurer, dans le Christianisme, la connaissance du symbolisme qui est actuellement si négligée. Malheureusement, il y a là des choses fort inégales, dont certaines sont même plus que contestables et contribueraient plutôt à déconsidérer les études dont il s’agit : il en est ainsi, notamment, des calculs faits sur certains noms en attribuant aux lettres latines des valeurs numériques correspondant tout simplement à leur rang dans l’alphabet, ce qui rappelle un peu trop la « numérologie » divinatoire de certains occultistes et n’a absolument rien de commun avec le symbolisme sérieux. D’autre part, nous remarquons une tendance, dont nous nous demandons même si elle est toujours purement involontaire, à « brouiller » les idées, si l’on peut dire, en confondant l’ésotérisme authentique avec ses contrefaçons et ses déformations les plus suspectes, et en mettant le tout sur le même plan ; un des collaborateurs, par exemple, ne cite-t-il pas, sans formuler la moindre réserve, un « exposé de la théorie cosmologique hindoue » par Mme Blavatsky, sur le compte de laquelle nous avons pourtant d’excellentes raisons de penser qu’il sait fort bien à quoi s’en tenir ? Un autre a éprouvé le besoin de s’en prendre à nous et, tout en nous adressant par ailleurs beaucoup d’éloges, de nous attribuer « une attitude spirituelle aux antipodes de l’esprit chrétien » ; comme notre attitude est en réalité strictement et exclusivement traditionnelle, nous devrions, en bonne logique, conclure de là que l’esprit chrétien lui-même est antitraditionnel ; mais nous en avons heureusement une meilleure opinion, et nous pouvons assurer l’auteur de cette « sortie » imprévue que nous ne sommes « aux antipodes » que du seul esprit moderne, ce qui n’est certes pas la même chose, et que nous avons conscience d’être au contraire en parfait accord avec toutes les traditions orthodoxes sans exception, y compris le Christianisme !