Octobre-novembre 1949

— Dans le Speculative Mason (no de janvier 1949), nous signalerons des notes sur le Compagnonnage, à vrai dire un peu sommaires, et un article sur l’astrologie, qui expose des vues généralement justes sur la part de vérité que contient cette science telle qu’elle se présente actuellement et sur les fantaisies qui sont venues s’y mêler ; l’auteur de cet article attache peu d’importance au côté « prédictions », en quoi nous sommes tout à fait de son avis. — Le no d’avril donne une très intéressante description des rites célébrés annuellement par la Maçonnerie opérative pour commémorer la fondation du Temple de Salomon ; il s’y trouve des considérations qui touchent de très près à quelques-unes de celles que nous avons exposées au cours de notre étude sur Parole perdue et mots substitués (voir nos de juillet-août à décembre 1948). — Dans ces deux nos, une étude intitulée The Freemason of Irish Mythology, qui doit d’ailleurs avoir encore une suite, apporte, en ce qui concerne l’ancienne tradition irlandaise, des renseignements curieux et peu connus. Nous noterons aussi des articles sur le « Zodiaque archaïque de Somerset », dont nous avons nous-même parlé ici autrefois dans La Terre du Soleil (voir no de janvier 1936) ; mais l’origine « sumérienne » qui lui est attribuée d’après quelques-unes de ses particularités nous paraît bien peu vraisemblable, et il nous est d’ailleurs impossible de prendre au sérieux des travaux comme ceux de L. A. Waddell, qui témoignent surtout d’une prodigieuse imagination.

— Le Masonic Light de Montréal (nos de septembre 1948 à juin 1949) a publié une curieuse série d’articles exposant une nouvelle théorie sur l’origine de la Maçonnerie, que leur auteur veut rapporter non à Salomon, mais à Moïse, ce qui est plutôt paradoxal. Par des considérations basées surtout sur les nombres, mais qui ne sont pas toujours des plus claires (peut-être y aurait-il fallu quelques figures), il cherche à établir que le symbolisme du Tabernacle aurait été beaucoup plus complet que celui du Temple de Salomon, qui, d’après lui, n’en aurait été en quelque sorte qu’une imitation imparfaite, certains secrets ayant été perdus entre temps. À vrai dire, il est tout naturel que le Temple de Salomon ait présenté certains rapports avec le Tabernacle, puisqu’il était destiné à remplir la même fonction, mais aussi certaines différences, correspondant au passage des Israélites de l’état nomade à l’état sédentaire ; nous ne voyons pas en quoi les uns ou les autres peuvent fournir réellement un motif pour le déprécier ainsi. D’autre part, le Tabernacle n’était évidemment pas un édifice construit en pierre, et cela seul suffit, nous semble-t-il, pour exclure qu’on puisse parler de Maçonnerie à son propos ; le métier des charpentiers est certes bien distinct de celui des maçons, et l’antique différend qui s’est perpétué jusqu’à nos jours entre les uns et les autres montre bien que toute assimilation entre eux est impossible (voir notre article sur ce sujet dans le no de décembre 1946). Que les noms des principaux ouvriers qui travaillèrent à la construction du Tabernacle aient été introduits dans certains hauts grades, c’est là une tout autre question, qui n’a rien à voir avec la Maçonnerie proprement dite. Maintenant, si l’on veut aller au delà de Salomon, on peut, avec beaucoup plus de raison, remonter encore plus loin, jusqu’à Abraham lui-même ; on trouve en effet un indice très net à cet égard dans le fait que le Nom divin invoqué plus particulièrement par Abraham a toujours été conservé par la Maçonnerie opérative ; et cette connexion d’Abraham avec la Maçonnerie est d’ailleurs facilement compréhensible pour quiconque a quelque connaissance de la tradition islamique, car elle est en rapport direct avec l’édification de la Kaabah. — Signalons aussi un article tendant à prouver qu’il y aurait eu en réalité deux Hiram, le père et le fils : c’est le premier qui aurait été assassiné pendant la construction du Temple, et le second aurait ensuite achevé son œuvre ; l’argumentation est ingénieuse, mais elle n’est pas très convaincante, et l’interprétation des textes bibliques sur laquelle elle repose nous paraît même quelque peu forcée. — Parmi les autres articles contenus dans la même revue, et dont beaucoup sont intéressants au point de vue historique, nous mentionnerons seulement ceux dans lesquels est discutée la question d’une « modernisation » de la Maçonnerie ; partisans et adversaires y exposent tour à tour leurs arguments, et tout ce que nous pouvons en dire, c’est que les premiers prouvent surtout, par le point de vue très profane auquel ils se placent, qu’ils ne comprennent guère ce qui constitue le caractère essentiel de la Maçonnerie.

— Les Cahiers d’Études Cathares (no d’avril-juin 1949) donnent le texte et la traduction de la Versa de Raimon de Cornet, poète occitan du xive siècle ; c’est une satire assez vive de la société de son époque, mais il est fort douteux que cela puisse avoir quelque rapport avec le Catharisme. Le plus curieux est que, dans toutes ses œuvres, et le plus souvent à la fin, ce poète fait intervenir, comme une sorte de marque distinctive, la « Rose », à laquelle il donne d’ailleurs des significations diverses suivant les cas ; il y a très probablement là comme un « signe de reconnaissance » ayant une valeur ésotérique, mais nullement « hérétique » pour cela, pas plus que chez Dante ou chez les auteurs du Roman de la Rose. — M. Déodat Roché publie une étude historico-philosophique sur Saint Augustin et les Manichéens de son temps ; il s’attache à montrer que saint Augustin a mal compris le Manichéisme, dont il n’aurait connu qu’un aspect exotérique ; mais les textes sur lesquels il s’appuie sont souvent bien obscurs et il ne semble pas que son interprétation soit exempte de toute idée préconçue ; à vrai dire, l’énigme du Manichéisme n’est sans doute pas encore près d’être résolue.