Juillet-août 1950

— Le Speculative Mason (no du 1er trimestre 1950) contient un bon article sur l’orientation, et plus spécialement celle des temples et des églises, cas où les considérations « utilitaires » par lesquelles les modernes prétendent tout expliquer sont évidemment sans aucune valeur ; il aurait été bon cependant d’indiquer plus nettement que, dans les civilisations traditionnelles, il n’y avait aucune différence entre ce cas et celui de l’orientation des maisons et des villes, l’« utilitarisme » n’ayant pu s’introduire qu’avec le point de vue profane, qui a peu à peu tout envahi à tel point que, dans les temps modernes, l’orientation des édifices sacrés eux-mêmes, apparaissant comme « inutile », a fini par être entièrement négligée. Au sujet des « régents » des quatre points cardinaux, il nous semble qu’il aurait été bien facile de trouver à citer de meilleures autorités que Mme Blavatsky ; mais, quoi qu’il en soit, nous sommes tout à fait d’accord avec l’auteur lorsqu’il demande : « Quelle est la valeur d’un phénomène physique quelconque s’il ne conduit pas à sa contrepartie d’ordre supérieur ? » C’est là, en effet, que réside la différence essentielle entre la science traditionnelle et la science profane des modernes, et c’est précisément pourquoi cette dernière n’a pas la moindre valeur réelle en tant que « connaissance ». Nous noterons aussi un article sur le symbolisme du centre, envisagé comme « le point autour duquel on ne peut errer », deux autres sur la signification du rituel, malheureusement beaucoup trop sommaires, et des impressions sur le Mark Degree.

— Dans le Masonic Light (no de décembre 1949), nous relevons un article sur l’Order of the Eastern Star, organisation féminine réservée aux épouses, mères, sœurs et filles de Maçons, mais qui cependant n’a et ne prétend avoir aucun caractère maçonnique, et un autre article sur Shakespeare et la Maçonnerie, qui est une analyse du livre déjà ancien d’Alfred Dodd, Shakespeare Creator of Freemasonry, dont nous avons parlé ici en son temps(*). — À la suite de cet article, il en a paru, dans le no de janvier 1950, un autre où est exposée la théorie « baconienne », à laquelle se rattache effectivement en réalité l’ouvrage d’Alfred Dodd, et où sont formulées des objections très justes sur le point plus particulier de l’attribution à Bacon de la fondation de la Maçonnerie. — Dans le même no, une étude est consacrée à divers points en rapport avec la question de la régularité maçonnique ; les Maçons des différents pays sont évidemment bien loin d’être d’accord sur ce qui doit être considéré comme essentiel ou non à cette régularité, et l’on sait d’ailleurs qu’une liste vraiment autorisée des landmarks n’a jamais été établie nulle part d’une façon définitive. Il nous faut signaler aussi un article plutôt bizarre, intitulé The Freeing of the Medieval Mason : d’après la thèse qui y est soutenue, le secret des Maçons opératifs du moyen âge aurait consisté surtout dans la possession et l’usage de la notation arithmétique et du calcul algébrique qui avaient été introduits en Europe par les Arabes, et que leur provenance, assure-t-on, aurait rendus suspects aux autorités ecclésiastiques, au point de donner lieu à des accusations de sorcellerie, de sorte qu’il eût été très dangereux de s’en servir ouvertement ; voilà qui est assurément fort éloigné du point de vue initiatique ! — Dans le no de février, un certain nombre de conceptions erronées concernant la Maçonnerie sont dénoncées et rectifiées ; il en est d’assez étonnantes, surtout si elles sont le fait de Maçons, mais il est vrai que nous avons eu l’occasion de constater nous-même que beaucoup de ceux-ci sont loin de se faire une idée exacte des rapports qui existent, par exemple, entre la Maçonnerie proprement dite et les divers Rites de hauts grades ou même certaines organisations « à côté ». Un article sur le symbolisme de l’Étoile polaire, qui touche d’assez près à la question que nous étudions ici d’autre part(**) (il y est notamment fait mention du swastika comme symbole du Pôle), est malheureusement gâté par le point de vue « évolutionniste » qui suppose que l’homme a dû débuter par quelques observations très simples, que ce n’est que peu à peu qu’il est parvenu à en dégager certaines conclusions, et que le symbolisme lui-même est dérivé de cette origine purement empirique ; il n’est pas besoin de dire que ces conceptions toutes modernes et profanes sont absolument incompatibles avec la moindre notion de ce qu’est réellement la tradition. — Le no de mars contient un aperçu de l’histoire de l’architecture, dans lequel il se trouve quelques renseignements intéressants ; mais il est assez « simpliste », et d’ailleurs fort peu conforme à l’esprit traditionnel, de vouloir expliquer par une série de facteurs purement extérieurs les différences qui existent dans l’architecture suivant les temps et les pays ; l’auteur semble d’ailleurs n’avoir aucune idée du rôle essentiel joué par l’imitation d’un « modèle cosmique » dans toute architecture traditionnelle, et pourtant c’est de là avant tout que celle-ci tire sa valeur initiatique, sans laquelle l’initiation maçonnique elle-même n’aurait évidemment jamais existé. — Une petite remarque accessoire : pourquoi, dans une épigraphe reproduite en tête de chaque numéro, Voltaire (qu’on ne devrait d’ailleurs guère citer en invoquant sa qualité maçonnique, puisqu’il ne fut initié, honoris causa, que quelques mois avant sa mort) est-il donné comme ayant été membre de la « Loge des Sept Sœurs » ? Il nous semble pourtant bien que les Muses ont toujours été au nombre de neuf !