CHAPITRE XVI
Représentation symbolique
d’Âtmâआत्मा et de ses conditions
par le monosyllabe sacré Om

La suite de la Mândûkya Upanishad se rapporte à la correspondance du monosyllabe sacré Om et de ses éléments (mâtrâsमात्रा) avec Âtmâआत्मा et ses conditions (pâdasपाद) ; elle indique, d’une part, les raisons symboliques de cette correspondance, et, d’autre part, les effets de la méditation portant à la fois sur le symbole et sur ce qu’il représente, c’est-à-dire sur Om et sur Âtmâआत्मा, le premier jouant le rôle de « support » pour obtenir la connaissance du second. Nous allons maintenant donner la traduction de cette dernière partie du texte ; mais il ne nous sera pas possible de l’accompagner d’un commentaire complet, qui nous éloignerait trop du sujet de la présente étude.

« Cet Âtmâआत्मा est représenté par la syllabe (par excellence) Om, qui à son tour est représentée par des caractères (mâtrâsमात्रा), (de telle sorte que) les conditions (d’Âtmâआत्मा) sont les mâtrâsमात्रा (d’Om), et (inversement) les mâtrâsमात्रा (d’Om) sont les conditions (d’Âtmâआत्मा) : ce sont A, U et Mम्.

« Vaishwânaraवैश्वानर, dont le siège est dans l’état de veille, est (représenté par) A, la première mâtrâमात्रा, parce qu’elle est la connexion (âptiआप्ति, de tous les sons, le son primordial A, celui qui est émis par les organes de la parole dans leur position naturelle, étant comme immanent dans tous les autres, qui en sont des modifications diverses et qui s’unifient en lui, de même que Vaishwânaraवैश्वानर est présent dans toutes les choses du monde sensible et en fait l’unité), aussi bien que parce qu’elle est le commencement (âdiआदि, à la fois de l’alphabet et du monosyllabe Om, commeVaishwânaraवैश्वानर est la première des conditions d’Âtmâआत्मा et la base à partir de laquelle, pour l’être humain, doit s’accomplir la réalisation métaphysique). Celui qui connaît ceci obtient en vérité (la réalisation de) tous ses désirs (puisque, par son identification avec Vaishwânaraवैश्वानर, tous les objets sensibles deviennent dépendants de lui et partie intégrante de son propre être), et il devient le premier (dans le domaine de Vaishwânaraवैश्वानर ou de Virâjविराज्, dont il se fait le centre en vertu de cette connaissance même et par l’identification qu’elle implique lorsqu’elle est pleinement effective).

« Taijasaतैजस, dont le siège est dans l’état de rêve, est (représenté par) U, la seconde mâtrâमात्रा, parce qu’elle est l’élévation (utkarshaउत्कर्ष, du son à partir de sa modalité première, comme l’état subtil est, dans la manifestation formelle, d’un ordre plus élevé que l’état grossier), aussi bien que parce qu’elle participe des deux (ubhayaउभय, c’est-à-dire que, par sa nature et par sa position, elle est intermédiaire entre les deux éléments extrêmes du monosyllabe Om, de même que l’état de rêve est intermédiaire, sandhyâसंध्या, entre la veille et le sommeil profond). Celui qui connaît ceci avance en vérité dans la voie de la Connaissance (par son identification avec Hiranyagarbhaहिरण्यगर्भ), et (étant ainsi illuminé) il est en harmonie (samânaसमान, avec toutes choses, car il envisage l’Univers manifesté comme la production de sa propre connaissance, qui ne peut être séparée de lui-même), et aucun de ses descendants (au sens de « postérité spirituelle »)(1) ne sera ignorant de Brahmaब्रह्म.

« Prâjnaप्राज्ञ, dont le siège est dans l’état de sommeil profond, est (représenté par) Mम्, la troisième mâtrâमात्रा, parce qu’elle est la mesure (mitiमिति, des deux autres mâtrâsमात्रा, comme, dans un rapport mathématique, le dénominateur est la mesure du numérateur), aussi bien que parce qu’elle est l’aboutissement (du monosyllabe Om, considéré comme renfermant la synthèse de tous les sons, et de même le non-manifesté contient, synthétiquement et en principe, tout le manifesté avec ses divers modes possibles, et celui-ci peut être considéré comme rentrant dans le non-manifesté, dont il ne s’est jamais distingué que d’une façon contingente et transitoire : la cause première est en même temps la cause finale, et la fin est nécessairement identique au principe)(2). Celui qui connaît ceci mesure en vérité ce tout (c’est-à-dire l’ensemble des « trois mondes » ou des différents degrés de l’Existence universelle, dont l’Être pur est le « déterminant »)(3), et il devient l’aboutissement (de toutes choses, par la concentration dans son propre Soi ou sa personnalité, où se retrouvent, « transformés » en possibilités permanentes, tous les états de manifestation de son être)(4).

« Le Quatrième est “non-caractérisé” (amâtraअमात्र, donc inconditionné) ; il est non-agissant (avyavahâryaअव्यवहार्य), sans aucune trace du développement de la manifestation (prapancha-upashamaप्रपञ्चसार उपशम), toute Béatitude et sans dualité (Shiva Adwaitaशिव अद्वैत) : cela est Omkâraओंकार (le monosyllabe sacré considéré indépendamment de ses mâtrâsमात्रा), cela assurément est Âtmâआत्मा (en Soi, en dehors et indépendamment de toute condition ou détermination quelconque, y compris la détermination principielle qui est l’Être même). Celui qui connaît ceci entre en vérité dans son propre “Soi” par le moyen de ce même “Soi” (sans aucun intermédiaire de quelque ordre que ce soit, sans l’usage d’aucun instrument tel qu’une faculté de connaissance, qui ne peut atteindre qu’un état du « Soi », et non Paramâtmâपरमात्मा, le « Soi » suprême et absolu) »(5).

En ce qui concerne les effets qui sont obtenus au moyen de la méditation (upâsanâउपासना) du monosyllabe Om, dans chacune de ses trois mâtrâsमात्रा d’abord, et ensuite en soi-même, indépendamment de ces mâtrâsमात्रा, nous ajouterons seulement que ces effets correspondent à la réalisation de différents degrés spirituels, qui peuvent être caractérisés de la façon suivante : le premier est le plein développement de l’individualité corporelle ; le second est l’extension intégrale de l’individualité humaine dans ses modalités extra-corporelles ; le troisième est l’obtention des états supra-individuels de l’être ; enfin, le quatrième est la réalisation de l’« Identité Suprême ».