CHAPITRE VIII
Sédir et les doctrines hindoues(*)

Nous avons appris avec tristesse la mort prématurée de Sédir, au moment même où nous venions de lire, dans le dernier numéro des Amitiés Spirituelles, l’article qu’il avait consacré à la Métaphysique hindoue, à propos de notre livre sur L’Homme et son devenir selon le Vêdânta. Sédir, en effet, s’était beaucoup intéressé autrefois aux doctrines de l’Inde ; c’est surtout, croyons-nous, l’influence du Dr Jobert qui avait contribué à le diriger dans cette voie. Il avait publié alors une étude sur Les Incantations, qui n’était à vrai dire qu’un essai encore un peu confus, mais qui faisait espérer d’autres travaux plus importants et plus approfondis. Pourtant, il ne donna par la suite que quelques notes qui lui avaient servi pour des conférences sur la tradition hindoue, et qui parurent, si nous nous souvenons bien, dans la revue de M. Jollivet-Castelot. Nous ne voulons mentionner que pour mémoire une brochure sur Le Fakirisme, simple résumé des données courantes sur ce sujet qui, d’ailleurs, est d’une importance très secondaire. C’est que Sédir n’avait pas tardé à changer d’orientation et à se tourner vers un mysticisme chrétien un peu spécial, beaucoup plus préoccupé d’action que de pure connaissance ; et bon nombre de ses amis, tout en rendant toujours hommage à sa grande sincérité, ne purent s’empêcher de déplorer ce changement, qui était pour eux une véritable déception. Il faut dire, il est vrai, car cela peut aider à expliquer certaines choses, que Sédir n’avait trouvé que peu d’encouragement auprès de quelques Hindous qu’il avait rencontrés, et à qui il s’était montré trop soucieux de « phénomènes » ; mais il aurait certainement pu, s’il avait persévéré, se défaire de cette tendance trop occidentale et pénétrer plus avant dans la connaissance des véritables doctrines. Malheureusement, il se renferma dès lors dans une attitude qui nous causa toujours quelque étonnement : il chercha, entre le Christianisme et les traditions orientales, des oppositions qui n’existent pas vraiment ; il vit une sorte de divergence irréductible là où nous voyions, au contraire, une harmonie profonde et une unité réelle sous la diversité des formes extérieures. Son dernier article porte encore la marque de cette façon d’envisager les choses ; mais nous croyons y trouver aussi, d’autre part, la preuve qu’il n’avait jamais cessé, au fond de lui-même et en dépit des apparences, de s’intéresser à ces doctrines de l’Inde qui avaient exercé tant d’attrait sur lui au début de sa carrière ; et s’il avait vécu plus longtemps, qui sait s’il n’y serait pas revenu avec d’autres dispositions, et s’il n’aurait pas vu s’ouvrir devant lui de nouveaux horizons. Cette pensée ne peut qu’ajouter aux regrets que cause à tous ceux qui l’ont connu sa fin si soudaine et si inattendue.