CHAPITRE XII
Représentation géométrique
des états de l’être

Dans la représentation géométrique à trois dimensions que nous venons d’exposer, chaque modalité d’un état d’être quelconque n’est indiquée que par un point ; une telle modalité est cependant susceptible, elle aussi, de se développer dans le parcours d’un cycle de manifestation comportant une indéfinité de modifications secondaires. Ainsi, pour la modalité corporelle de l’individualité humaine, par exemple, ces modifications seront tous les moments de son existence (envisagée naturellement sous l’aspect de la succession temporelle, qui est une des conditions auxquelles cette modalité est soumise), ou, ce qui revient au même, tous les actes et tous les gestes, quels qu’ils soient, qu’elle accomplira au cours de cette existence(1). Pour pouvoir faire entrer toutes ces modifications dans notre représentation, il faudrait figurer la modalité considérée, non plus seulement par un point, mais par une droite entière, dont chaque point serait alors une des modifications secondaires dont il s’agit, et cela en ayant bien soin de remarquer que cette droite, quoique indéfinie, n’en est pas moins limitée, comme l’est d’ailleurs tout indéfini, et même, si l’on peut s’exprimer ainsi, toute puissance de l’indéfini(2). L’indéfinité simple étant représentée par la ligne droite, la double indéfinité, ou l’indéfini à la seconde puissance, le sera par le plan, et la triple indéfinité, ou l’indéfini à la troisième puissance, par l’étendue à trois dimensions. Si donc chaque modalité, envisagée comme une indéfinité simple, est figurée par une droite, un état d’être, comportant une indéfinité de telles modalités, c’est-à-dire une double indéfinité, sera maintenant figuré, dans son intégralité, par un plan horizontal, et un être, dans sa totalité, le sera, avec l’indéfinité de ses états, par une étendue à trois dimensions. Cette nouvelle représentation est ainsi plus complète que la première, mais il est évident que nous ne pouvons, à moins de sortir de l’étendue à trois dimensions, y considérer qu’un seul être, et non plus, comme précédemment, l’ensemble de tous les êtres de l’Univers, puisque la considération de cet ensemble nous forcerait à introduire ici encore une autre indéfinité, qui serait alors du quatrième ordre, et qui ne pourrait être figurée géométriquement qu’en supposant une quatrième dimension supplémentaire ajoutée à l’étendue(3).

Dans cette nouvelle représentation, nous voyons tout d’abord que par chaque point de l’étendue considérée passent trois droites respectivement parallèles aux trois dimensions de cette étendue ; chaque point pourrait donc être pris comme sommet d’un trièdre trirectangle, constituant un système de coordonnées auquel toute l’étendue serait rapportée, et dont les trois axes formeraient une croix à trois dimensions. Supposons que l’axe vertical de ce système soit déterminé ; il rencontrera chaque plan horizontal en un point, qui sera l’origine des coordonnées rectangulaires auxquelles ce plan sera rapporté, coordonnées dont les deux axes formeront une croix à deux dimensions. On peut dire que ce point est le centre du plan, et que l’axe vertical est le lieu des centres de tous les plans horizontaux ; toute verticale, c’est-à-dire toute parallèle à cet axe, contient aussi des points qui se correspondent dans ces mêmes plans. Si, outre l’axe vertical, on détermine un plan horizontal particulier pour former la base du système de coordonnées, le trièdre trirectangle dont nous venons de parler sera entièrement déterminé aussi par là même. Il y aura une croix à deux dimensions, tracée par deux des trois axes, dans chacun des trois plans de coordonnées, dont l’un est le plan horizontal considéré, et dont les deux autres sont deux plans orthogonaux passant chacun par l’axe vertical et par un des deux axes horizontaux ; et ces trois croix auront pour centre commun le sommet du trièdre, qui est le centre de la croix à trois dimensions, et que l’on peut considérer aussi comme le centre de toute l’étendue. Chaque point pourrait être centre, et on peut dire qu’il l’est en puissance ; mais, en fait, il faut qu’un point particulier soit déterminé, et nous dirons comment par la suite, pour qu’on puisse effectivement tracer la croix, c’est-à-dire mesurer l’étendue tout entière, ou, analogiquement, réaliser la compréhension totale de l’être.