CHAPITRE XIX
Représentation de la continuité
des différents états d’être
Dans notre nouvelle représentation, nous n’avons encore considéré jusqu’ici qu’un plan horizontal, c’est-à-dire un seul état d’être, et il nous faut maintenant figurer aussi la continuité de tous les plans horizontaux, qui représentent l’indéfinie multiplicité de tous les états. Cette continuité s’obtiendra géométriquement d’une façon analogue : au lieu de supposer le plan horizontal fixe dans l’étendue à trois dimensions, supposition que le fait du mouvement rend d’ailleurs aussi irréalisable matériellement que le tracé d’une courbe fermée, nous n’avons qu’à supposer qu’il se déplace insensiblement, parallèlement à lui-même, donc en demeurant toujours perpendiculaire à l’axe vertical, et de façon à rencontrer successivement cet axe en tous ses points consécutifs, le passage d’un point à un autre correspondant au parcours d’une des spires que nous avons considérées. Le mouvement spiroïdal sera ici supposé isochrone, d’abord pour simplifier la représentation autant qu’il est possible, et aussi pour traduire l’équivalence des multiples modalités de l’être en chacun de ses états, lorsqu’on les envisage du point de vue de l’Universel.
Nous pouvons même, pour plus de simplicité, considérer de nouveau et provisoirement chacune des spires comme nous l’avons déjà envisagée dans le plan horizontal fixe, c’est-à-dire comme une circonférence. Cette fois encore, la circonférence ne se fermera pas, car, lorsque le rayon qui la décrit reviendra se superposer à sa position initiale, il ne sera plus dans le même plan horizontal (supposé fixe comme parallèle à la direction d’un des plans de coordonnées et marquant une certaine situation définie sur l’axe perpendiculaire à cette direction) ; la distance élémentaire qui séparera les deux extrémités de cette circonférence, ou plutôt de la courbe supposée telle, sera alors mesurée, non plus sur un rayon issu du pôle, mais sur une parallèle à l’axe vertical(1). Ces points extrêmes n’appartiennent pas au même plan horizontal, mais à deux plans horizontaux superposés ; ils sont situés de part et d’autre du plan horizontal considéré dans le cours de son déplacement intermédiaire entre ces deux positions (déplacement qui correspond au développement de l’état représenté par ce plan), parce qu’ils marquent la continuité de chaque état d’être avec celui qui le précède et celui qui le suit immédiatement dans la hiérarchisation de l’être total. Si l’on considère les rayons qui contiennent les extrémités des modalités de tous les états, leur superposition forme un plan vertical dont ils sont les droites horizontales, et ce plan vertical est le lieu de tous les points extrêmes dont nous venons de parler, et qu’on pourrait appeler des points-limites pour les différents états, comme ils l’étaient précédemment, à un autre point de vue, pour les diverses modalités de chaque état. La courbe que nous avions provisoirement considérée comme une circonférence est en réalité une spire, de hauteur infinitésimale (distance de deux plans horizontaux rencontrant l’axe vertical en deux points consécutifs), d’une hélice tracée sur un cylindre de révolution dont l’axe n’est autre que l’axe vertical de notre représentation. La correspondance entre les points des spires successives est ici marquée par leur situation sur une même génératrice du cylindre, c’est-à-dire sur une même verticale ; les points qui se correspondent, à travers la multiplicité des états d’être, paraissent confondus lorsqu’on les envisage dans la totalité de l’étendue à trois dimensions, en projection orthogonale sur un plan de base du cylindre, c’est-à-dire sur un plan horizontal déterminé.
Pour compléter notre représentation, il suffit maintenant d’envisager simultanément, d’une part, ce mouvement hélicoïdal, s’effectuant sur un système cylindrique vertical constitué par une indéfinité de cylindres circulaires concentriques (le rayon de base ne variant de l’un à l’autre que d’une quantité infinitésimale), et, d’autre part, le mouvement spiroïdal que nous avons considéré précédemment dans chaque plan horizontal supposé fixe. Par suite de la combinaison de ces deux mouvements, la base plane du système vertical ne sera autre que la spirale horizontale, équivalant à l’ensemble d’une indéfinité de circonférences concentriques non fermées ; mais, en outre, pour pousser plus loin l’analogie des considérations relatives respectivement aux étendues à deux et trois dimensions, et aussi pour mieux symboliser la parfaite continuité de tous les états d’être entre eux, il faudra envisager la spirale, non pas dans une seule position, mais dans toutes les positions qu’elle peut occuper autour de son centre. On aura ainsi une indéfinité de systèmes verticaux tels que le précédent, ayant le même axe, et s’interpénétrant tous lorsqu’on les regarde comme coexistants, puisque chacun d’eux comprend également la totalité des points d’une même étendue à trois dimensions, dans laquelle ils sont tous situés ; ce n’est, ici encore, que le même système considéré simultanément dans toutes les positions, en multitude indéfinie, qu’il peut occuper en accomplissant une rotation complète autour de l’axe vertical.
Nous verrons cependant que, en réalité, l’analogie ainsi établie n’est pas encore tout à fait suffisante ; mais, avant d’aller plus loin, nous ferons remarquer que tout ce que nous venons de dire pourrait s’appliquer à la représentation « macrocosmique », aussi bien qu’à la représentation « microcosmique ». Dans ce cas, les spires successives de la spirale indéfinie tracée dans un plan horizontal, au lieu de représenter les diverses modalités d’un état d’être, représenteraient les domaines multiples d’un degré de l’Existence universelle, tandis que la correspondance verticale serait celle de chaque degré de l’Existence, dans chacune des possibilités déterminées qu’il comprend, avec tous les autres degrés. Ajoutons d’ailleurs, pour n’avoir pas à y revenir, que cette concordance entre les deux représentations « macrocosmique » et « microcosmique » sera également vraie pour tout ce qui va suivre.