L’ARCHÉOMÈTRE
(suite)(*)

Avant de reprendre l’étude des mots formés par les lettres des divers Trigones, nous indiquerons l’application de l’Archéomètre à l’interprétation du commencement du premier chapitre de la Genèse.

Mais, tout d’abord, il nous faut rappeler ici les correspondances idéographiques indiquées par Fabre d’Olivet pour les vingt-deux lettres de l’alphabet hébraïque, et qui sont les suivantes :

א la puissance.
ב la création.
ג l’enveloppement organique.
ד l’abondance divisionnelle.
ה la vie.

ו la conjonction.
la lumière.
le convertissement..
ז le lien.
ח l’existence élémentaire.
ט la protection.
י la puissance potentielle.
כ l’assimilation.
ל l’épanchement.
מ la multiplication.
נ l’individualité.
ס la limite.
ע la matière.
פ l’action de faire paraître.
צ la forme.
ק la compression.
ר le mouvement.
ש la durée relative.
ת la réciprocité.

Ces correspondances nous serviront en particulier pour l’interprétation des valeurs numériques, traduites en lettres, des divers mots du texte.

Le premier mot, בראשית, donne son nom au Livre de la Genèse (ספר בראשית), suivant l’usage adopté généralement en hébreu pour la désignation des Livres Sacrés. Il faut remarquer que, bien que ce Livre soit le premier, il commence par la lettre ב, seconde de l’alphabet, ce qui indique qu’il devrait être en réalité le second. En effet, ses dix premiers chapitres, qui contiennent la Cosmogonie, devaient, suivant Fabre d’Olivet, être précédés de dix autres chapitres, contenant la Théogonie ; ceux-ci n’ont sans doute jamais été écrits, et l’enseignement qu’ils renfermaient faisait partie de la tradition orale(204).

Le mot בראשית est formé de six lettres, correspondant au signe du Macrocosme, qui est l’Hexagramme ou le double triangle de Salomon(205) ; les chapitres en tête desquels il est placé contiennent en effet l’étude du Macrocosme.

La formation du Macrocosme va être divisée en six phases, désignées symboliquement comme autant de jours ou de périodes, ou plus exactement de « manifestations phénoméniques lumineuses », suivant la traduction de Fabre d’Olivet.

Ce nombre 6, qui se présente ici dès le début, comme caractérisant la Création, est la somme des trois premiers nombres : 1 + 2 + 3 = 6. Il s’obtient donc en considérant, dans le Ternaire principiel (ou la Tri-Unité), les trois termes comme distincts et ayant une existence indépendante, ce qui donne naissance à un second ternaire qui est le reflet du premier(206) ; c’est l’apparition de ce second ternaire, existant seulement en mode réfléchi (et non par lui-même comme le premier), qui constitue proprement la Création(207).

Le mot בראשית signifie littéralement « dans le Principe » ; c’est d’ailleurs également le sens propre du grec ἐν Ἀρχῇ et du latin in Principio, bien qu’on les traduise vulgairement par « au commencement ».

La lettre ב, employée comme préfixe, équivaut à la préposition « dans », et marque le rapport du contenu au contenant ; d’ailleurs, le nom même de cette lettre n’est autre que le mot בית, qui signifie maison, demeure, et qui est précisément formé par la première lettre et les deux dernières du mot בראשית. Celui-ci peut donc, par interversion, se lire בית‑ראש, demeure principielle, ou principe-contenant.

Le mot ראש ou ראשית signifie tête, et par suite principe ; mais le principe dont il s’agit ici n’est pas le Principe Suprême et Premier, qui n’est désigné, avant toute manifestation, que par la lettre י, signe de la puissance potentielle (en dehors de toute détermination), dont l’expansion primordiale est marquée par la lettre א.

La lettre י se trouve bien dans la terminaison ית, ajoutée ici au mot ראש ; mais elle y est suivie de la lettre ת, qui, placée ainsi à la fin d’un mot, implique généralement l’idée d’un collectif féminin ; on sait en effet que le pluriel féminin est marqué par la terminaison וֹת. Ainsi, l’ensemble des deux lettres ית marque l’idée de puissance féminine universelle, et ת indique encore que cette puissance agit en mode réciproque, c’est-à-dire par une réaction correspondante à l’action en mode direct du Principe supérieur, qui est désigné par י.

De tout ceci, il résulte donc que le mot ראשית peut être considéré, dans son ensemble, comme désignant un Principe féminin, qui contient en puissance les éléments dont le passage en acte (ou à l’état manifesté) constitue la Création ; et ceci se rapporte précisément au rôle cosmogonique de la Vierge Céleste(208).

Nous disons que la Création est constituée par le passage de la puissance à l’acte ; cependant, à proprement parler, elle n’en est que la détermination première et initiale, tandis que le développement intégral dans la manifestation, qui en résulte, constitue l’œuvre de la Formation.

Si nous considérons encore le mot ראש, nous voyons de plus qu’il peut être regardé comme formé de l’union des deux racines אר et אש, dans lesquelles la lettre centrale de ce mot est jointe respectivement aux deux lettres extrêmes. Selon Fabre d’Olivet, אר représente le mouvement rectiligne, et אש le mouvement circulaire(209). Ces deux racines désignent aussi deux principes ignés ; d’ailleurs, il y a d’étroits rapports entre les idées de feu et de mouvement, qui sont toutes deux figurées hiéroglyphiquement par le serpent(210).

La résultante des deux mouvements rectiligne et circulaire est le mouvement hélicoïdal, dont on trouve une représentation dans la figure du Serpent d’Airain, s’enroulant autour de l’axe vertical du Tau. Nous avons déjà indiqué précédemment le rapport de ce symbole avec la signification hiéroglyphique du nom de שת (Sheth)(211), dont les deux lettres, qui sont les deux dernières de l’alphabet, se retrouvent aussi dans le mot ראשית, séparées par י, la lettre du Principe.

De plus, les trois lettres centrales du même mot ראשית sont, disposées dans un autre ordre, les trois lettres du mot איש, qui est formé par la lettre י placée au centre de la racine אש ; ce mot איש, qui signifie littéralement « intelligence lumineuse », est un de ceux qui désignent l’homme, et il s’applique plus particulièrement à l’homme intellectuel.

Dans אשה, féminin de איש, la lettre י, masculine en hébreu, a disparu, et elle est remplacée par la terminaison féminine ה ; ce mot אשה désigne, d’après Fabre d’Olivet, la faculté volitive de l’homme.

Enfin, dans le mot איש, la lettre א, première de l’alphabet, est jointe à י et ש, qui sont les deux premières des trois lettres du nom de Jésus-Verbe, ישוֹ, formé comme nous l’avons indiqué dans le Triangle de la Terre des Vivants(212).

On peut encore remarquer que, en retranchant dans בראשית les deux lettres centrales, c’est-à-dire la racine אש, on obtient le mot ברית qui signifie Alliance.

(À suivre.)