Avant-propos de l’éditeur

Le présent recueil regroupe un ensemble de textes parus dans La France Antimaçonnique, pouvant être identifiés comme les manifestations du Sphinx (signature de René Guénon), avec plus ou moins de certitude, parfois partiellement ; nous allons en donner plus loin le détail.

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René Guénon lui-même souhaitait rassembler ces textes. Il l’évoque notamment dans sa correspondance avec Luc Benoist, le 1er septembre 1934 :

« La liste des ouvrages futurs que j’ai plus ou moins annoncés est vraiment impressionnante, et j’en suis quelque peu effrayé ; trouverai-je jamais le temps de mettre tout cela sur pied ? […] Je pense bien toujours aussi à ceux de “Regnabit” et de la France Antimaçonnique ; ceux-là me donneront plus de travail, je crois, pour arriver à prendre la forme d’un volume. »

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Un rappel s’impose concernant les différentes signatures employées par René Guénon. Dans la même correspondance, le 17 juin 1934, il précise :

« Chaque fois que je me suis servi ainsi d’autres signatures, il y a eu des raisons spéciales, et cela ne doit pas être attribué à René Guénon, ces signatures n’étant pas simplement des “pseudonymes” à la manière “littéraire”, mais représentant, si l’on peut dire, des “entités” réellement distinctes. »

D’où notre souci de ne publier ici que les textes liés à l’entité principale intervenue dans La France Antimaçonnique. Ceux qui y figurent sous les signatures Palingénius ou René Guénon doivent en être distingués, ils seront donc rassemblés dans d’autres recueils.

Cette distinction nécessaire porte sur la forme plutôt que sur le fond, comme Guénon le dit lui-même dans une lettre à Noële Maurice-Denis Boulet du 14 août 1921, à propos cette fois des écrits de Palingénius :

« Ce que j’ai écrit à cette époque (et qui n’avait d’ailleurs aucun rapport avec le gnosticisme), je pourrais l’écrire encore avec bien peu de changements, et plutôt en précisant l’expression qu’en modifiant le sens. »

Les raisons spéciales qui l’ont amené à emprunter plusieurs signatures nous paraissent devoir être mises en rapport avec les lecteurs auxquels elles s’adressent. Concernant Le Sphinx, ce sont des milieux s’intéressant à la Franc-Maçonnerie, antimaçonniques bien sûr, mais également maçonniques.

René Guénon était maçon à l’époque de la publication de ces textes, étant entré tout d’abord à la L/ Humanidad du Rite National Espagnol (Maçonnerie irrégulière), puis régularisé, le 21 mars 1912, à la L/ Thébah de la Grande Loge de France, de laquelle il a démissionné en 1916.

L’entité Le Sphinx s’est exprimée en son nom propre du 18 décembre 1913 au 18 juin 1914 (ce qui est une très courte période relativement à la réputation posthume qui lui sera prêtée), mais il faut également lui attribuer des textes sans signature (comme par exemple La Stricte Observance et les Supérieurs Inconnus, reconnu a posteriori par Le Sphinx dans À propos des Supérieurs Inconnus et de l’Astral). La « vie » de cette entité devait être liée à cette activité éditoriale ; ainsi, elle était déjà morte depuis longtemps en février 1933, date de l’extrait suivant, tiré des comptes rendus de revues du Voile d’Isis, où René Guénon commentait une attaque se voulant la suite de celles des antimaçons de l’époque contre Le Sphinx(1) :

« Dans le numéro de décembre [de la Revue Internationale des Sociétés Secrètes], nous trouvons un article fantaisiste qu’on a cru spirituel d’intituler Entretiens d’Œdipe ; si on savait combien cela nous est égal, et comme certaines allusions qui veulent être perfides sont loin de nous toucher… d’autant plus loin que ceux de nous qu’elles prétendent viser sont morts depuis bien longtemps ! »

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Concernant les différences terminologiques avec l’œuvre de Guénon, la principale que nous ayons relevée est celle portant sur l’expression de Supérieurs Inconnus : elle est assez vague lorsqu’elle est employée par Le Sphinx, pour qui elle semble désigner des représentants d’un pouvoir occulte quelconque, bénéfique ou maléfique. René Guénon précise lui que « le vrai sens de ce que la Maçonnerie du xviiie siècle désigna sous le nom de “Supérieurs Inconnus” » est une dénomination particulière des « représentants des centres spirituels » « qui, sans appartenir eux-mêmes à aucune organisation connue » « présidèrent dans certains cas à la formation de telles organisations, ou, par la suite, les inspirèrent et les dirigèrent invisiblement » (Aperçus sur l’Initiation, ch. X – Des Centres initiatiques). Quant à leur caricature maléfique, il ne les désigne pas par l’expression en question, mais, par exemple, il évoque les « “dirigeants”, connus ou inconnus », qui « savent bien que, pour agir efficacement, il leur faut avant tout créer et entretenir des courants d’idées ou de pseudo-idées », des « courants » « purement négatifs », « de nature mentale » dans le but d’« abolir l’intellectualité » des populations sous leur joug (Orient et Occident, 1re partie, ch. III – La superstition de la vie) ; et, de manière plus générale, il explicite la notion de contre-initiation.

Il n’y a pour autant pas contradiction entre les deux signatures, Le Sphinx laisse juste une indétermination. Celle-ci ne nous paraît pas être due à une imperfection de l’expression, mais nous pensons qu’elle est plutôt une adoption du vocabulaire en usage dans le milieu visé par cette entité, où les Supérieurs Inconnus n’étaient envisagés que sous l’aspect négatif.

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Venons-en au contenu du recueil. Nous avons dit que des textes sans signature peuvent également être attribués au Sphinx. Voici des extraits de la correspondance entre René Guénon et Luc Benoist, qui nous donnent confirmation de l’attribution de certains textes (confirmation que nous avons indiquée pour les articles concernés dans la table des matières en fin d’ouvrage ; nous invitons le lecteur à s’y reporter pour avoir une vue d’ensemble des articles du recueil) :

« […] Clavelle m’a fait connaître vos articles de “La France Antimaçonnique”. Ce que j’ai pu en lire à la “Nationale” où ils sont incomplets m’intéresse fort. Pourriez-vous me dire si je puis trouver une collection quelque part des années correspondant à votre collaboration, c’est-à-dire je crois 1913 et 1914 ? Quels sont là-dedans les articles anonymes de votre plume ? (en dehors de ceux signés Le Sphinx ?) »

« Pour la “France Antimaçonnique”, je ne puis, hélas ! vous dire où il serait possible maintenant de s’en procurer une collection, et je crains que ce ne soit pas facile. De plus, je serais tout à fait incapable de vous indiquer mes articles, ne les ayant pas ici ; il y en a une grande quantité, d’importance très diverse, surtout dans les deux dernières années (1913-1914), mais aussi quelques-uns avant (depuis 1909 ou 1910, je ne sais plus au juste). »

« Je me permets de vous joindre à ma lettre une liste des articles de La France Antimaçonnique qui me paraissent vous concerner. Certains sont signés, d’autres non. Tout cela est marqué sur la liste.

[…]

Année 1911 (il me semble que c’est la première année.)

No 17 Tribune pour tous : Lettre de S. G. Palingénius, secrétaire général de l’Église gnostique de France
(c’est il me semble la première apparition de votre collaboration à la Revue)
No 35 Lettre de Palingénius à propos de A. Jounet
No 40 Un côté peu connu de l’œuvre de Dante

(Faut-il faire état des Documents sur la Société Théosophique apportés par un soi-disant Swâmi Narad Mani ? Est-ce une de vos entités et ces articles sont-ils de vous ? Votre entrée à la revue est-elle relatée symboliquement par une apparition ?

Je ne pense pas d’autre part qu’il faille mettre à votre compte les Lettres d’un gnostique qui n’est pas évêque et qui n’a pas la berlue…)

Année 1912

Je ne trouve rien à signaler cette année là sauf les Documents sur la Société Théosophique, signés Swâmi Narad Mani ; des Documents sur la Francmaçonnerie et les Sociétés secrètes signés au début par A. C. de la Rive et contenant à la fin une reproduction d’un chapitre sur les Druides de Francis Monnier ; y a-t-il là quelque chose de vous ?

Année 1913

No 33 Le Régime Écossais rectifié de 1776 à 1815
(anonyme mais qui se poursuit en 1914 dans les No 8 et 9 signés Le Sphinx)
No 36 Le Christianisme théosophique
Curieuse coïncidence
(Catherine Emmerich et l’Agarttha)
No 47 La Stricte Observance et les Supérieurs inconnus
(anonyme et continué dans le No 49).
No 50 Brahma Samâj et Arya Samaj (Anonyme)
No 51 À propos des Supérieurs Inconnus et de l’Astral
(signé pour la première fois Le Sphinx, ce qui qualifie les No 47 & 49)

Année 1914

No 1 M. Bergson et la Libre Parole
No 5 L’Énigme
No 7 Réponse à M. Nicoullaud
No 8 Le Régime Écossais Rectifié
No 9 id.
No 10 L’Ésotérisme de Dante
No 12 M. Nicoullaud récidive
No 17 Documents sur l’Ordre des Élus Coëns
(publication continuée dans les No 21, 22, 23, et inachevée)
No 19 Dernière Réponse à M. Gustave Bord
No 24 Réflexions à propos du “pouvoir occulte”
(continuées au No 25)

(Tous ces articles sauf ceux concernant les Élus Coëns sont signés Le Sphinx. Ceux qui suivent sont anonymes.)

No 26 L’Église Catholique Française
(continué dans les No 27 & 31)
No 29 Mort de M. de la Rive
No 31 L’Ordre des Samaritains Inconnus
L’Ordre Initiatique réformé des Rose+Croix
(C’est me semble-t-il le dernier No) »

« J’ai reçu ces jours derniers une lettre de M. de Frémond, qui me parle de votre correspondance au sujet de la France Antimaçonnique. À ce sujet, je ne sais pas s’il y a quelque chose d’antérieur à l’année 1911 ; en tout cas, ce serait peu important. Les “lettres d’un gnostique…”, etc., ne sont pas de moi, non plus que les documents sur la Société Théosophique ; le Swâmî Narad Mani a d’ailleurs existé, car je l’ai connu, mais je pense que, dans la circonstance, il n’a fait que donner sa signature ; en tout cas, je ne suis pour rien là-dedans. Quant aux documents sur la Maç/ et les sociétés secrètes parus en 1912, je ne me rappelle plus ce que c’est ni s’il y a quelque chose de moi là-dedans ; voudriez-vous m’indiquer plus précisément ce que cela contient ? Ce qui est de moi, par contre, et que je ne trouve pas dans votre liste, c’est toute la série des notices sur les sociétés secrètes anglaises et américaines. Il me semble qu’il y a aussi d’autres choses sur l’Inde, en dehors de l’article concernant le Brahma-Samâj et l’Arya-Samâj (notamment un article sur l’“Indian Academy of Science”). Ce que vous avez noté pour 1913 et 1914 m’appartient bien, mais il doit encore y avoir en outre une certaine quantité d’autres petites choses, notamment sur le Théosophisme. Je me souviens d’un article sur le symbolisme du sceau de la Société Théosophique et d’un autre sur H. P. Blavatsky et la Maç/ ; il y a aussi un article sur Napoléon signé A. C. de la Rive, mais dont une assez grande partie est de moi. — Je pense que vous avez le double de votre liste ; je préfère la garder tout au moins pour le moment, pour m’y reporter au besoin. — Il doit aussi y avoir dès 1911 un article sur le Régime Rectifié, peu après l’article sur Dante. Si je repense à autre chose, je vous le dirai une prochaine fois. »

« Voici à ce sujet ce que vous m’avez demandé :

Année 1909

page 225 Lettre signée René Guénon à propos de Papus

Année 1910

page 165 Lettre de Palingénius sur le Dalaï Lama
page 452 Lettre de P. sur la Gnose.
page 483 Lettre de P. sur la Gnose.

À partir de 1911 vous avez la liste (que vous pouvez garder). Il faut seulement que je la modifie suivant vos indications :

Année 1912 No 23 et suivants : Notices sur la Maçonnerie et les différents ordres qui y sont rattachés (notices originales pour l’Amérique et l’Angleterre, copie de Clavel pour la France, la Pologne, la Russie et l’Allemagne, copie de Francis Monnier pour les Druides)
1913 No 25, 31, 37, 38, 39, 42, 46,
Notices sur les Sociétés secrètes anglaises rattachées à la Maçonnerie.
No 25, 28, 30, 32 et
1914 No 13, 15, 18, 20, 22, 24, 25, 28, 30,
Notices sur les Sociétés secrètes Américaines qui ne sont pas rattachées à la Maçonnerie.

En 1913 encore, il faut ajouter la notice sur l’Indian Academy of Science No 43 et 45.

Quant aux articles sur la Société Théosophique (Sceau de la Société Théosophique et H. P. Blavatsky et la Maç/), ils sont extraits d’autres revues et les notes seules sont de vous.

La seule de vos indications dont je n’ai pu trouver trace c’est d’un premier article sur le Régime rectifié dès 1911. Il n’y a rien à cette date sur le sujet. Le premier apparaît en 1913 comme suite aux articles sur l’Initiation de Bonaparte et l’article sur Un initié des Sociétés secrètes supérieuresFranciscus Eques a capite galeato” signé Le liseur et qui doit être de vous. »

« Pour en revenir à la France Antimaçonnique, l’article sur “Franciscus, Eques a Capite Galeato” est bien de moi en effet comme vous l’avez pensé ; j’avais oublié celui-là, et pourtant c’est le livre en question qui a été le point de départ de toute la querelle avec Nicoullaud et Bord. Quant à “L’Initiation de Bonaparte”, bien que portant la signature de M. de la Rive, ce n’est de lui qu’en partie, et une bonne partie aussi est de moi. Enfin, pour ce qui est de l’article antérieur concernant le Régime Rectifié, je me demande s’il ne porte pas le titre de “Maçonnerie napoléonienne” ou quelque chose de ce genre ; en tout cas, il a dû paraître en 1911, comme je vous l’ai dit, peu de temps après un premier article sur Dante. »

Parmi ces différents textes figurent d’autres signatures : Le Liseur (pour l’article sur Franciscus, Eques a Capite Galeato), et La Rédaction (pour l’article annonçant la mort de Clarin de la Rive). Nous pensons qu’elles n’ont pas à être distinguées du Sphinx : en effet, elles interviennent dans le même cadre que Le Sphinx, et en tant que collaborateurs de La France Antimaçonnique, alors que Palingénius et René Guénon n’en sont pas à proprement parler, n’y ayant contribué que de l’extérieur, par lettres ou reproduction d’articles parus dans d’autres revues.

Les articles proposés par Benoist et confirmés par Guénon fournissent une première base, que nous avons complétée par divers autres, dont nous ne pouvons garantir l’attribution avec autant de certitude. Nous publions ces articles supplémentaires pour enlever tout doute, mais aussi pour rendre compte de la documentation consultée (certains ont juste un intérêt historique, parfois discutable, secondaire ou dépassé).

Cet ensemble plus large comprend donc des contributions possibles du Sphinx. Certains de ces articles illustrent son propos, d’autres contiennent des passages qui apparaîtront plus familiers au lecteur de Guénon pour avoir été intégrés à son œuvre, en particulier dans Le Théosophisme, histoire d’une pseudo-religion (1921 ; 2e édition : 1928), mais également dans L’Erreur spirite (1923), ou dans Orient et Occident (1924 ; 2e édition : 1948).

Nous avons également inclus, à titre documentaire, certains articles, notamment de Clarin de la Rive, sur lesquels s’appuie Le Sphinx : la série Francmaçonnerie et Sociétés Secrètes ; l’article sur le Sceau des Théosophes ; celui sur L’Initiation Maçonnique du F/ Bonaparte (ce dernier est de plus partiellement du Sphinx, comme dit dans les correspondances plus haut) ; enfin, le compte rendu d’un livre d’Esclarmonde, que nous pensons presque entièrement du Sphinx. Ont été exclus les autres articles dont l’auteur est identifié, auxquels renvoie Le Sphinx de façon plus anecdotique, comme Louis Hacault ou Louis Dasté (sauf un article dont la première partie est signée de ce dernier, et dont la suite semble être du Sphinx).

Le Théosophisme a des éléments en commun avec ceux donnés par le Swâmî Narad Mani et publiés dans son étude Le Baptême de Lumière, dans La France Antimaçonnique ; mais comme le dit Guénon dans les précédents extraits, il n’y a pas pris part, ni même probablement le Swâmî ; ils ne sont donc pas dans ce recueil.

Au passage, il nous faut à ce sujet signaler une curieuse confusion. Comme Guénon indiquait, à la fin des notes additionnelles du Théosophisme : « l’idée de ce livre nous avait été depuis longtemps suggérée par des Hindous, qui nous ont d’ailleurs fourni une partie de notre documentation », certains ont voulu reconnaître le Swâmî Narad Mani parmi ces Hindous, et, à partir de cette supposition, ont émis la thèse, qui semble aujourd’hui admise partout, que Guénon aurait fait un emprunt au Baptême de Lumière. Que le Swâmî soit un des Hindous en question, c’est possible, bien qu’il n’y ait aucune preuve dans ce sens. Mais Guénon suggère que le Swâmî n’a fait que donner sa signature à l’auteur du Baptême de Lumière, et cela est cohérent avec ce que nous apprend sa lecture, ce dernier n’a en réalité rien d’un Hindou, ni dans son expression, ni dans sa mentalité : sa « Maçonnerie Hindoue » par exemple (25e année, no 50, p. 540), et sa description des organisations hindoues en général ; d’autre part il renvoie sans réserve au livre du Dr Gibier, Le Spiritisme ou Fakirisme occidental : « Paul Gibier a laissé deux ouvrages intéressants : Spiritisme, analyse des choses, et le Fakirisme oriental » (25e année, no 49, p. 533) ; livre qui d’après Guénon « contient, en ce qui concerne l’Inde, de véritables énormités » (L’Erreur spirite, 1re partie, ch. IV).

Tout ce que le contenu commun entre Le Théosophisme et le Baptême de Lumière prouve donc, c’est que les Hindous que désigne Guénon ont également fourni leurs informations à l’auteur du Baptême de Lumière qui se présente comme le Swâmî Narad Mani.

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Abordons désormais l’agencement choisi. Les textes forment un ensemble s’associant plus ou moins étroitement aux circonstances de la publication, et se citant les uns les autres. La cohérence chronologique avait donc une certaine importance. D’autre part, des regroupements thématiques nous ont semblé se faire d’eux-mêmes, sans pour autant aller jusqu’à un classement parfait, concernant ces textes divers qui s’interpénètrent et qui forment de plus un ensemble inachevé. Dans un souci de confort de lecture et de clarté, un compromis a été fait entre ces deux aspects.

Les thèmes que l’on rencontre sont, dans l’ordre :

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Les deux derniers articles abordent, d’une part, l’événement historique qui a causé le déclenchement de la première guerre mondiale (et accessoirement l’interruption de la Revue), et, d’autre part, la mort de son directeur Abel Clarin de la Rive, au début de juillet 1914.

Avant lui, la Revue avait été dirigée par Léo Taxil jusqu’en janvier 1896. Elle avait à l’origine pour titre La France Chrétienne. Elle est devenue La France Chrétienne Antimaçonnique le 16 juin 1910, puis La France Antimaçonnique le 5 janvier 1911. La première guerre mondiale a été déclarée le 28 juillet 1914, ce qui coïncide avec la publication de son dernier numéro, le 30 juillet 1914.

Pour la période qui a été considérée, allant de 1909 à 1914, c’était un hebdomadaire de 12 pages paraissant le jeudi (à part certaines interruptions en 1911).

Nous n’avons pas reproduit les différents portraits, de mauvaise qualité dans les versions de la Revue consultées.

Dans les premiers articles sur les sociétés secrètes, plusieurs totaux semblent inexacts, ils ont été laissés tels quels.

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À plusieurs reprises dans la Revue, il est question d’une étude à venir sur la H. B. of L. (Hermetic Brotherhood of Luxor), notamment dans le dernier article de la série sur les Sociétés Secrètes américaines, p. 227, mais cette annonce restera sans suite. Au sujet de cette organisation, il est possible de trouver des informations dans Le Théosophisme et dans L’Erreur spirite, ainsi que dans les deux articles du Voile d’Isis : F.-Ch. Barlet et les sociétés initiatiques (avril 1925) et Quelques précisions à propos de la H. B. of L. (octobre 1925), informations que complètent ces extraits de la correspondance de René Guénon à Patrice Genty :

« Il est exact que Théon s’est dit d’origine chaldéenne ; c’est possible après tout, mais ce mot, à notre époque et depuis bien longtemps, ne désigne pas autre chose qu’une population chrétienne, du reste peu nombreuse, ayant une liturgie particulière. — Quant à Burgoyne, Davidson et la H. B. of L., je ne crois pas qu’il y ait jamais eu là d’autre “rattachement” réel que celui qui provenait de Randolph ; quant aux prétentions “rosicruciennes” que celui-ci y avait adjointes, elles paraissent plutôt fantaisistes ; il n’y avait sûrement rien d’hindou (tous le déclaraient même expressément), et un rattachement égyptien, s’il n’est pas islamique, n’est qu’une histoire qui ne tient pas debout. »

« Malgré le titre de la H. B. of L., ses enseignements ne paraissent pas avoir en somme grand rapport avec l’hermétisme au sens propre du mot ; cela ne veut pas dire qu’ils soient sans valeur, mais il semble qu’on ait voulu embrouiller la question de leur provenance, qui, en tout cas, n’est certainement pas égyptienne. Comme j’ai déjà dû vous le dire, je ne crois pas qu’il y ait jamais eu d’autre rattachement authentique que du côté des Nosaïris ; c’est d’ailleurs une raison de se méfier et de ne pas accepter les choses sans les examiner de près, car tout ce qui est “secte”, comme c’est ici le cas, a forcément des doctrines d’un caractère très mélangé ; sûrement, il y aurait un sérieux tri à faire dans tout cela pour en dégager les éléments qui pourraient être vraiment utilisables… »

Le Sphinx avait également l’intention de publier une étude sur la Stricte Observance Templière, comme il l’annonce à la fin de la note 4 du 2e article sur le Régime Écossais Rectifié (p. 596). Il n’aura jamais l’occasion de réaliser ce projet. On peut cependant trouver au sujet de cet Ordre quelques indications éparses à travers diverses recensions de livres de René Guénon : Un Mystique lyonnais et les secrets de la Franc-Maçonnerie (1730-1824), d’Alice Joly, principalement axé sur la « réforme » willermozienne ; Martinès de Pasqually : Un Thaumaturge au xviiie siècle, de Gérard Van Rijnberk, relatif à la vie et à la carrière maçonnique de Martinès de Pasqually ; Épisodes de la Vie Esotérique (1780-1824), du même auteur, sur quelques hauts dignitaires de la Stricte Observance et du Régime Écossais Rectifié ; etc.

Réputé pour ses travaux sur les Illuminés de Bavière, sur l’Église Gnostique, et pour son livre consacré à Martinès de Pasqually (La Franc-Maçonnerie occultiste au xviiie siècle et l’Ordre des Élus Coëns) qui reçut un accueil favorable de Guénon, l’historien René Le Forestier acheva, en 1950, un an avant sa mort, un monumental ouvrage de plus de 1000 pages, publié vingt ans après, et qui, contrairement à ce qu’indique son titre (La Franc-Maçonnerie templière et occultiste aux xviiie et xixe siècles), ne traite pas de toute la Maçonnerie de l’époque, mais seulement de la Stricte Observance et du Régime Écossais Rectifié, sur lesquels il fournit une documentation très abondante.

Pour cet ouvrage en particulier, et sur les informations qu’il fournit relativement aux filiations de la Maçonnerie, nous renverrons aux remarques de Denys Roman (René Guénon et les destins de la Franc-Maçonnerie, ch. V). Ce dernier a également abordé différents aspects de l’histoire des deux Ordres dans ses études intitulées Cagliostro, la Franc-Maçonnerie et les Ordres de Malte et Willermoz, ou les dangers des innovations en matière maçonnique (Réflexions d’un Chrétien sur la Franc-Maçonnerie, ch. XIV et XV).

Ces indications n’ont pas la prétention d’être exhaustives et visent principalement à rafraîchir le point de vue du Sphinx par celui de Guénon.