La Loge
« Le Centre des Amis »
(G/ O/ D/ F/)(*)

Lorsque nous avons reproduit, récemment, et d’après le F/ J.-M. Ragon, le Rituel de la Maçonnerie Napoléonienne des Noachites, nous ne supposions pas qu’il pourrait y avoir quelque chose d’un peu analogue dans la « reconstitution » actuelle de la Loge « Le Centre des Amis », à l’O/ de Paris, du Régime Écossais Rectifié, sous l’Obédience du Grand Orient de France, dont parle, dans l’« Acacia » de Juin-Juillet 1911, le T/ Ill/ F/ Édouard de Ribeaucourt, 33e Chev/ (alier) B/(ienfaisant) de la Cité Sainte(1).

Nos lecteurs auront peut-être trouvé bizarre l’idée de notre réminiscence concernant le Dante ; mais qu’ils remarquent d’abord la coïncidence de date indiquée par le F/ de Ribeaucourt :

« Il y eut de 1300 à 1700 de nombreux Rites Templiers, superposés ou non aux LL/ Symb/ »

Comme suite à cette première note, nous publierons, prochainement, d’autres explications concernant la Croix maç/, ou plutôt Templière, qui a pris bien des formes depuis les Croix de Jérusalem ou de Malte, jusqu’à celle… de la Légion d’Honneur !

C’est, en effet, à Napoléon Ier que nous voulons en revenir, et, précisément, le F/ de Ribeaucourt, indiquerait que ledit Napoléon aurait été C/ B/ de la C/ S/ comme l’empereur Alexandre, comme le F/ Villermoz, et comme le F/ de Ribeaucourt lui-même.

À propos de Napoléon Ier, sait-on qu’au G/ O/ D/ F/, le mot sacré des R/ C/ fut pendant quelque temps interprété par

Imperator Napoleo Rex Italiæ

Nous sommes en mesure d’administrer la preuve officielle de ce fait.

Rappelons l’extrait de l’Acacia, publié par nos soins, il y a quelques mois, et duquel il résulterait bien que Napoléon Ier aurait été Francmaçon, mais n’aurait eu que le grade de Maître (3e degré).

Villermoz est un des Maîtres reconnus du Martinisme. Pour plus d’éclaircissements, nous recommandons à nos amis la lecture de la préface mise en tête des « Enseignements secrets de Martinès de Pasqually » par le F/ Abel Thomas, Grand Maître du Rite de Misraïm et Évêque gnostique de Bulgarie ; cette longue préface est particulièrement consacrée à relever les erreurs qui auraient été commises par le docteur Papus et ses amis.

Voici l’article du T/ Ill/ F/ Édouard de Ribeaucourt, 33e, Chev/ B/ de la Cité Sainte :


LA LOGE LE CENTRE DES AMIS
à l’O/ de Paris
DU RÉGIME ÉCOSSAIS RECTIFIÉ
Sous l’Obédience du Grand Orient de France

Le Résumé de l’Histoire de la Franc-Maçonnerie que notre F/ Hiram a fait en 1908 a rendu trop de services à la Maçonnerie française pour ne pas constater que cette œuvre si délicate répondait à un réel besoin maçonnique. Tout en rendant hommage à la bonne foi et à l’érudition de feu notre vieil ami, nous ne pouvons nous empêcher de regretter certaines erreurs, qui, dans l’Intérêt de la Vérité, doivent être rectifiées.

Tout d’abord, à la page 25, il y est dit qu’il existe en Suisse deux Rites accessoires : Le Rite Écossais et la Stricte Observance Templière, bien édulcorée, dont le dernier débris consiste en un Directoire du Grand Prieuré Helvétique, lesquels n’ont rien de commun avec la Grande Loge Alpina.

Il existe en effet en Suisse, depuis 1873, un Suprême Conseil du Rite Écossais ancien accepté (du 4e au 33e degré) (Lausanne) ; dire que ce Conseil n’a rien de commun avec la Grande Loge Alpina, n’est pas absolument conforme aux faits. La preuve en est fournie par le traité de 1876.

« Traité conclu entre la Grande Loge Suisse “Alpina” et le Suprême Conseil du 33e degré et dernier degré pour la Suisse.

1) Le Suprême Conseil pour la Suisse reconnaît la Grande Loge Alpina comme seule autorité régulière en Suisse pour les trois grades symboliques.

2) De son côté la Grande Loge Alpina reconnaît le Suprême Conseil du 33e degré pour la Suisse, précédemment Directoire Suprême Helvétique Romand, comme seule Puissance régulière du Rite Écossais, Ancien Accepté, ayant la juridiction pour la Suisse sur tous les Hauts Grades de ce Rite, soit du 4e au 33e inclusivement. »

Ce Suprême Conseil, Écossais, Ancien et Accepté, de Suisse, qui date de 1873, fut originairement le Directoire Helvétique Romand : depuis quelle année peut-il se dire le continuateur Helvétique Romand, dont l’existence fut si agitée et si saccadée ? En 1783 ce Directoire fit adopter son système par le Grand Orient de Pologne. En 1739, il pratiquait un certain Rite-Écossais qui ne faisait pas partie intégrante du Système templier(2). Plus tard, ce Directoire adopta les quatre ordres de la Maçonnerie rouge du Rite Français. En 1873 il passa au Rite Écossais Ancien et Accepté.

Quant au Grand Prieuré Indépendant d’Helvétie, il est la Puissance Templière la plus ancienne existante et dont l’existence n’a subi aucune interruption. Réuni à la Stricte Observance pendant un temps et l’ayant précédée, cette Puissance de Hauts Grades faisait jadis partie de la 5e Province (Bourgogne). Ses loges bleues furent nombreuses ; elle aussi, dut abandonner à l’Alpina ses trois premiers grades. Elle aussi puise ses éléments dans les Loges rectifiées d’Alpina, qui est ainsi conservatrice de son Ordre Intérieur. Le Grade d’Écossais de Saint-André fait le pont entre les Loges bleues et son ordre Templier. (Soit ordre intérieur.)

Nous souhaitons à tous les chaînons de la Maçonnerie, les qualités de fraternité et d’impeccabilité que ces deux Puissances de Hauts Grades pratiquent mutuellement en Suisse, et l’attachement de leurs membres à la souche bleue commune, unique, respectée et aimée.

Aux pages 13, 101, 270, 337, 356, 360, le F/ Hiram met sur le dos des grades templiers, en particulier sur ceux de la Stricte Observance, les excès de la Révolution et la lutte contre le Grand Orient de France. Ce ne serait que demi mal si le F/ Hiram n’affirmait que les Jésuites étaient derrière les grades Templiers !(3)

Or il y eut de 1300 à 1700 de nombreux Rites Templiers superposés ou non aux Loges symboliques. De quel Rite le F/ Hiram veut-il parler ? — Celui de la Stricte Observance ! — Erreur, la Stricte Observance n’existait plus en France depuis 1778, époque où ses Loges s’étaient séparées d’elle, en rompant définitivement toute attache avec les Supérieurs Inconnus, de jésuitique mémoire, de sorte que l’Ordre de la Stricte Observance n’existait plus en France dès 1778, il n’y a donc guère de chance que ses Templiers aient joué un rôle quelconque pendant la Révolution.

On me dira que les Loges rectifiées et leur Ordre Intérieur remplaçaient à cette époque l’ancien Ordre déchu. Je répondrai que j’ai en main le texte du traité d’alliance et d’union des Directoires Écossais et Rectifiés de France avec le Grand Orient et que ce traité fut renouvelé et accentué en 1782 et en 1811. Preuves de la correction des rapports amicaux des Loges Rectifiées avec le Grand Orient. — Au reste en 1814 les Loges Rectifiées restèrent fidèles au Grand Orient alors que d’autres Rites maçonniques procédaient différemment. La seule Loge qui conserva la Lumière pendant la Révolution fut la Loge « Le Centre des Amis », Loge qui passa au Rite Rectifié. Il est donc inexact de dire que les Loges Rectifiées des Hauts Grades aient jamais combattu le Grand Orient en France, à l’époque de la Révolution.

À la page 350, on lit « Napoléon lui-même semble avoir été le chargé d’affaires de la Stricte Observance ». — La Stricte Observance n’existait plus, nous le répétons, dès 1772, en France ; il faudrait antidater l’épopée napoléonienne pour que l’auteur ait quelque apparence de raison. On dit que Bonaparte fut initié à certain Rite, mais l’empereur Alexandre le fut aussi et il alla remplir à Lyon la fonction de F/ Servant auprès du R/ Ch/ B/ de la C/ S/ Villermoz.

À la page 351, le F/ Hiram dit que le F/ Villermoz était riche, ambitieux, avide d’honneur. Cette façon de présenter les choses est préjudiciable à la mémoire du Maçon le plus estimable de son temps. Homme dévoué, s’il en fut, Maçon éclairé, désintéressé, respecté au Grand Orient, le F/ Villermoz a laissé derrière lui une mémoire intacte et la trace d’une vie maçonnique sans taches.

Cet acharnement à diminuer les qualités et les services rendus par les chefs du Régime Écossais Rectifié ne se comprend qu’autant que cet auteur de grand mérite n’avait pas à sa disposition les sources auxquelles il m’a été donné de puiser. Pour remettre les choses au point nous nous bornons à rapporter ce qu’en disait Galiffe dans sa splendide Chaîne Symbolique, Genève, 1852 (très rare) qui est un chef-d’œuvre d’Histoire maçonnique par la sûreté de ses sources et l’abondance des documents.

« Nous avons vu au contraire ces trois Directoires écossais dont il s’agit conclure avec le Grand Orient de France, en 1776 et 1781, un traité d’union à ces fins de se faire régulièrement agréger, avec tous leurs ateliers, au corps de la Maçonnerie française ; en 1804, ils prennent part au concordat qui réunit en un même faisceau tous les rites pratiqués en France. Les mêmes Directoires, alors rectifiés, renouvellent en 1811 le traité d’union de 1776 avec le Grand Orient, après avoir élu, 1808-1809, le prince Cambacérès pour leur Grand Maître National. Dès lors le régime écossais rectifié fut toujours reconnu et protégé par le Grand Orient, et l’on peut dire, sans manquer à la vérité, que c’est, de tous les rites pratiqués en France, celui qui a causé le moins d’embarras aux autorités centrales ou constituantes de l’Ordre. Ses ateliers se sont toujours avantageusement distingués par une austérité simple, grave, et un certain comme il faut, résultant de leur bonne composition, jointe à la majestueuse simplicité des rituels. »

En 1910 quelques Français possesseurs des hauts grades du Régime Éco/ Rectifié de Genève fondèrent à Paris une Loge bleue et une Loge d’Écossais de Saint-André, sous l’obédience du Grand Orient de France, Grand Directoire Écossais rectifié. Elle fut installée au printemps de 1911, par le T/ Ill/ F/ Bouley.

Ils choisirent comme nom distinctif celui de « Centre des Amis », en souvenir de la loge du même nom, qui avait conservé la vraie lumière au G/ O/ de France pendant la Révolution et par déférence pour la dernière loge rectifiée de France (1838). La L/ Le Centre des Amis pratique aujourd’hui comme jadis le Rite rectifié dans son Esprit le plus pur et le plus élevé. Ses obligations sont celles de la Maçonnerie universelle et c’est sur ce terrain qu’elle se place pour poursuivre ses deux buts principaux : celui de travailler à renouer la chaîne d’union, si malheureusement brisée entre certaines Puissances maçonniques, et de donner protection dans son sein à toutes les opinions maçonniques, y compris celles qui découlent du spiritualiste éclairé.

Ce Rite respectable entre tous ne déparera pas le Grand Orient de France, Grand Directoire, et facilitera ses moyens d’action.

Édouard de Ribaucourt 33e
Chev/ B/ de la Cité Sainte.

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Nonobstant toutes les formes que prend le T/ Ill/ F/ Édouard de Ribaucourt pour signaler les inexactitudes du F/ Directeur-Fondateur de l’Acacia, nous avons tout lieu de supposer que les cendres de ce dernier ont dû fortement tressaillir dans leur urne du columbarium du Père-Lachaise !