Dernière réponse
à M. Gustave
Bord(*)

M. Gustave Bord persiste à se croire « attaqué » par nous, alors que nous n’avons fait que critiquer certaines de ses idées, comme c’était notre droit, sans nous en prendre aucunement à sa personnalité. Il dit que « les polémiques personnelles n’ont aucun intérêt général » ; c’est tout à fait notre avis, mais alors pourquoi a-t-il voulu porter le débat sur ce terrain ? Si nous lui avons répondu longuement, ce n’est pas en considération de son plus ou moins de « mérites personnels », mais uniquement parce qu’il y avait là une occasion de nous expliquer sur certaines questions de « principes ». Quant à l’avoir accusé de vouloir « se faire une réclame dans la France Antimaçonnique », nous n’avons jamais rien dit de semblable, et cela pour une raison bien simple : c’est que la « réclame », si « réclame » il y a, c’est nous-même qui la lui faisions de notre plein gré, en reproduisant intégralement son article et en le commentant. De plus, comme nous n’aurions jamais eu la pensée d’adresser une réponse à la Revue Internationale des Sociétés Secrètes, nous ne pouvions pas songer que M. Bord, de son côté, en fît insérer une dans la France Antimaçonnique ; mais qu’il soit bien assuré que cela ne nous gène nullement. Nous n’avons pas « triomphé de son silence », qui nous importait peu, nous l’avons constaté purement et simplement, et, si nous l’« espérions définitif », c’était pour M. Bord et non pour nous. Il n’est pas dans nos habitudes de « chanter victoire », car, de toutes façons, la « victoire » n’est pas pour nous, mais pour les idées que nous considérons comme vraies ; nous ne cherchons pas le moins du monde à « recueillir des applaudissements », ce qui, d’ailleurs, ne nous est jamais arrivé. Il est vrai que, si notre intention n’est pas de « faire plaisir » à qui que ce soit, même à nos meilleurs amis, au détriment d’une idée, nous ne souhaitons pas davantage, pour notre part, de « faire des recrues parmi les indifférents et dans le camp opposé », car le prosélytisme, sous toutes ses formes, répugne à notre nature.

Nous avons tenu à dire tout ceci pour montrer combien il est inexact d’interpréter notre attitude comme le fait M. Bord. « Quand on me cherche, on me trouve ! » s’écrie celui-ci ; si nous ne « trouvons » jamais en face de nous d’adversaires plus redoutables, nous sommes bien tranquille, car rien n’est moins à craindre que celui qui ne se place pas sur le même terrain : ses coups ne peuvent atteindre… que le vide.

Pour nous montrer qu’il n’est pas « atteint du délire de la persécution », M. Bord commence par nous citer une prétendue lettre du F/ Debierre, dirigée contre lui, et dont il connaît du reste le véritable auteur. Cette affaire toute personnelle, que nous ignorions complètement, ne nous intéresse à aucun titre ni à aucun degré, et nous ne savons pas quels peuvent bien être les « complots organisés » dont parle à ce propos notre contradicteur. Si pareille aventure nous était arrivée, nous aurions estimé que nous avions affaire à de mauvais plaisants, et voilà tout ; nous n’en aurions pas été autrement affecté que cela. Si M. Bord en est encore à s’émouvoir à ce point de la malice des gens… mais parlons d’autre chose.

Nous devons déclarer à notre « adversaire » qu’il se trompe totalement en attribuant l’origine de la polémique actuelle à son compte-rendu du livre de M. Benjamin Fabre. Nous n’avons aucune raison spéciale pour prendre la défense de celui-ci, que nous ne connaissons pas ; seulement, nous avons lu attentivement son ouvrage, et nous l’avons trouvé fort intéressant ; M. Bord peut-il sérieusement nous faire un grief de n’être pas de son avis là-dessus et de l’avoir dit ?… La cause unique de toute la discussion, dans laquelle M. Bord n’est d’ailleurs intervenu qu’après coup, a été et, est encore la question des Supérieurs Inconnus, et rien d’autre ; c’est là un point que nous tenions à bien préciser.

Maintenant, M. Bord nous reproche de l’avoir traité de « positiviste », alors que « nous n’ignorons pas qu’il est catholique », et il tient à protester contre ce qu’il appelle une « insinuation calomnieuse ». Nous pourrions demander à ce royaliste ce qu’il pense de l’Action Française, où l’on allie assez volontiers le catholicisme et le positivisme ; mais, comme les « opinions politiques » nous sont plutôt indifférentes, nous avons mieux à lui répondre. C’est qu’il faut distinguer dans le positivisme deux choses essentiellement différentes : d’une part, une doctrine, qui comprend à la fois une « philosophie » et une « religion » (ou, si l’on préfère, une pseudo-religion « humanitaire »), et, d’autre part, une méthode qui, en elle-même, est indépendante de toute doctrine ; or, c’est de la méthode seulement que nous avons parlé. On peut donc être « positiviste » en histoire, ce qui est affaire de méthode, sans l’être en philosophie, ce qui serait affaire de doctrine ; la méthode que chacun adopte dépend de son éducation, de ses aptitudes, etc., en un mot, de sa mentalité, et l’on peut bien, tout en étant catholique, posséder, même à son insu, une mentalité « positiviste ». Si tel est le cas de M. Bord, on a bien le droit de le constater, pour situer ses travaux dans leur véritable domaine, sans lui faire un grief de quelque chose qui peut être parfaitement involontaire.

Ceci étant établi, venons-en à la question principale, celle des Supérieurs Inconnus, qui est, pour nous, plus qu’une « hypothèse ». Certes, nous voudrions bien « savoir gré » à M. Bord, comme il nous le demande, du « travail fort pénible et fort long » auquel il s’est livré ; mais il aurait pu tout au moins s’éviter la peine de transcrire de longs extraits de notre article, auquel nos lecteurs auraient bien su se reporter eux-mêmes, et, d’un autre côté, en s’efforçant d’« élaguer toutes les phrases incidentes », il a eu quelquefois la main malheureuse. En effet, voulant « ne conserver que les passages essentiels », il a justement supprimé quelques-uns de ceux qui contenaient la clef de tout le reste ; dans ces conditions, il lui était difficile de comprendre notre exposé. Ainsi, après avoir écrit : « Les individualités, ici, revêtent un caractère essentiellement symbolique », nous ajoutions : « Elles ne sont rien par elles-mêmes, en dehors de ce qu’elles représentent, et cela à tel point qu’elles n’ont pas même une physionomie qui leur appartienne en propre. » Et alors nous avons cité un exemple ; il est bien entendu que ce n’était qu’un exemple, et non une définition comme paraît le croire M. Bord. Il serait bien plus difficile, évidemment, de donner une « définition » s’appliquant à tous les cas, et non pas seulement à un cas particulier comme celui dont il s’agissait dans notre exemple ; et, d’ailleurs, nous estimons qu’il ne pourrait y avoir que des inconvénients à vouloir tout réduire à d’étroites formules… Donc, nous avons parlé de certains hommes, qui non seulement « ont existé jadis dans l’Inde », mais qui y existent encore actuellement, ce que notre contradicteur ne semble pas avoir compris ; après les avoir décrits, nous avons dit ceci, qu’il a omis dans sa citation, et qui était pourtant l’essentiel : « Personne ne connaît les noms de ces hommes, et personne ne songe à se les demander, parce que tout le monde sait fort bien qu’ils sont affranchis des limitations extérieures du nom et de la forme, ces deux éléments constitutifs de l’individualité vulgaire. » M. Bord n’a vu que « des individus d’un type uniforme », là précisément où l’individualité n’est plus rien ! Assurément, il a le droit d’ignorer ce que c’est qu’un jîvanmukta(1), mais il ne peut pourtant pas exiger que nous le lui expliquions en quelques lignes ; si nous avions dû exposer la théorie complète des deux sortes de mukti (jîvan et vidêha), puis montrer que la première seule se rapporte à la question que nous traitions, et enfin indiquer les qualifications requises pour parvenir à cette mukti, ainsi que les différentes voies par lesquelles on y parvient, ce n’est pas dix pages qu’il nous aurait fallu, mais tout un volume. Sans doute, cela aurait été nécessaire pour constituer « une démonstration plus précise », mais nous ne pensons pas que ce soit « nous moquer du public » de lui faire grâce de certaines considérations purement métaphysiques, qui, en raison de leur aridité et des connaissances qu’elles présupposent pour être comprises, ne peuvent intéresser que quelques spécialistes.

Ce qui est bien certain, d’autre part, c’est que toutes ces explications n’ont absolument rien de « symbolique » ; c’est bien de métaphysique qu’il s’agit, et nullement de symbolisme, encore que ce dernier soit un mode d’expression autrement précis que ne se l’imagine M. Bord. Ce n’est pas parce que certains pseudo-initiés ont abusé du symbolisme et l’ont interprété à l’envers qu’on peut le rendre responsable de leurs « rocamboles », pour parler comme notre « adversaire » ; c’est un peu comme si l’on imputait à la science historique, par exemple, la responsabilité des procédés de M. Aulard. D’un autre côté, quels que soient les dangers que peut présenter la Maçonnerie à bien des points de vue, nous ne pensons pas qu’elle ait jamais eu celui de « détraquer » qui que ce soit ; c’est là une triste spécialité qu’il faut laisser à l’occultisme, au spiritisme et autres choses de ce genre, car on doit toujours être juste dans ses critiques et rendre à chacun ce qui lui appartient. Mais ce n’est pas de tout cela qu’il était question : nous n’avons pas eu à introduire le symbolisme là où il n’avait que faire(2) ; seulement, il ne s’agissait pas davantage de « faire tout simplement de la physique », car, s’il en eût été ainsi, nous ne nous serions jamais occupé de tout cela, la physique n’étant point notre affaire. Maintenant, comment M. Bord peut-il savoir si tel ordre de considérations est « au-dessus de nos moyens », alors qu’il le déclare « certainement au-dessus des siens » ? Quant à parler de « folies métaphysiques », ce sont là deux mots qui hurlent de se voir ainsi réunis, et qui, n’en déplaise à notre contradicteur, ne le sont habituellement que dans le langage positiviste ; et, pour comble de disgrâce, M. Bord, sans doute par inadvertance, s’est trouvé employer un langage nettement matérialiste en parlant, dans la phrase précédente, de Supérieurs Inconnus qui « existent dans notre cerveau », dans lequel il n’y a pourtant rien de plus que des cellules nerveuses et des mouvements moléculaires !

Pour en revenir aux faits, M. Bord a évidemment quelque peine à concevoir que le comte de Saint-Germain ait pu être « plusieurs personnages successifs »… et même simultanés ; certes, cela dérange un peut l’économie de sa « biographie », dont nous ignorions d’ailleurs l’existence. Nous croyions même que l’étonnant privilège d’écrire cette « biographie » (?) de quelqu’un qui n’eut ni naissance ni mort avait été réservé exclusivement à Mme Cooper-Oakley, une des disciples de cette Mme Blavatsky que certains considèrent précisément comme la « réincarnation » du comte de Saint-Germain lui-même !… Enfin, il est une satisfaction que nous regrettons de ne pas pouvoir donner à M. Bord, c’est celle de lui indiquer « les mémoires les plus authentiques qu’il a pu omettre » à ce sujet, et cela pour deux raisons : l’une est que nous n’avons pas actuellement le loisir de faire les recherches nécessaires, et l’autre que, n’ayant pas sous la main son Histoire de la Franc-Maçonnerie en France, nous ne savons pas quels sont les documents dont il a fait usage. Nous voulons même admettre qu’il les ait tous connus ; cela ne veut pas dire qu’il les ait interprétés exactement, pas plus que le fait, de la part des contemporains, de nous avoir transmis le récit de certains événements ne prouve qu’ils y ont compris quelque chose.

Du reste, si nous avons cité le comte de Saint-Germain, c’était uniquement, cette fois encore, à titre d’exemple(3) ; nous aurions tout aussi bien pu parler du mystérieux Althotas de Cagliostro, ou du non moins mystérieux Valmont auquel nous avons fait allusion ailleurs(4), ou encore de Gualdo, l’alchimiste de Venise. Nous aurions pu aussi, en remontant à une époque plus reculée, rappeler le nom purement symbolique de Christian Rosenkreuz, qui, s’il est assurément légendaire en tant que « personnage », l’est peut-être beaucoup moins si on l’envisage à un autre point de vue… Nous n’avions que l’embarras du choix ; les exemples importent peu, et, encore une fois, les noms ne prouvent rien et, s’il s’agit de « noms profanes », ne signifient même rien ; nous pourrions donner à ce sujet des précisions bien curieuses, mais il faut savoir nous borner.

Toutes ces questions ne sont pas du domaine des sciences dites « positives », et elles ne se traitent pas « à la Sorbonne », ni au Collège de France, pas plus qu’on n’y enseigne, d’ailleurs, la théologie, la philosophie scolastique, etc., que M. Bord hésiterait certainement à qualifier de « rêves ». Cela prouve seulement que ces établissements ne sont adaptés qu’à une certaine mentalité, la plus généralement répandue dans l’Occident moderne, et dont il faut faire remonter l’origine à la prétendue « Renaissance », qui ne fut en réalité qu’une mort pour beaucoup de choses ; cela aussi, M. Bord, qui s’est spécialisé dans l’étude de la période révolutionnaire, a le droit de n’en rien savoir. Quant à « faire appel au simple bon sens », qui n’est souvent appelé ainsi que par antiphrase, et qui n’est à proprement parler que le « sens commun », que de choses sur lesquelles ce soi-disant « bon sens » ne peut rien dire du tout, parce qu’elles dépassent entièrement sa compétence restreinte, et qui n’en existent pas moins pour cela !

Nous aurions bien voulu savoir quels ont été, dans la Maçonnerie du xviiie siècle, « les adeptes ayant la même mentalité » que nous ; il eut peut-être été bon de préciser… En tout cas, ils ne se trouvent sûrement pas parmi ceux qui recherchaient les « manifestations de l’au-delà », comme dit un autre de nos contradicteurs, car nous n’attachons aux fantasmagories qu’une fort médiocre importance ; du reste, nous avons déjà dit notre pensée à cet égard. Nous ajouterons seulement, pour éviter à l’avenir toute interprétation fantaisiste, que nous n’avons rien d’un « rêveur », et que même, s’il est une faculté dont nous sommes assez dépourvu, c’est justement l’imagination… D’un autre côté, nous nous demandons pourquoi M. Bord continue à parler d’« existence astrale », après que nous avons longuement expliqué les raisons pour lesquelles cette expression occultiste ne saurait avoir pour nous aucun sens ; ce fut même là le point de départ de toute la polémique.

Autre chose encore : M. Bord se plaint d’avoir été « attaqué » par « des antimaçons professant précisément les mêmes doctrines » que nous ; il y en a, certes, avec qui nous avons beaucoup de points communs, mais nous avons de bonnes raisons de croire qu’il n’y en a pas un seul qui « pense exactement comme nous » sur toutes les questions, ou du moins qui les envisage tout à fait comme nous, et cela tout simplement parce qu’il n’en est aucun que ses études aient amené à diriger ses investigations du même côté. Quoi qu’il en soit, nous ne nous faisons aucunement « le partisan de doctrines imprécises » ; s’il peut y avoir parfois quelque « imprécision » dans nos exposés, ce n’est qu’à nous qu’il faut s’en prendre, et non point aux doctrines, qui, contrairement à ce que pense notre « adversaire », ne valent que par elles-mêmes, indépendamment de toute considération de personnes, et nullement « par l’autorité de celui qui les proclame ». Un auteur ne vaut que par ses œuvres ; s’il en était autrement, nul homme n’aurait jamais pu acquérir la moindre « autorité » en quoi que ce soit, car il est bien évident que ceux qui sont devenus les plus célèbres par la suite ont tous commencé par être parfaitement inconnus ; comment donc leurs premières œuvres auraient-elles pu avoir la valeur qui a justement conduit ces auteurs à la célébrité ?… Mais passons ; il nous suffit d’avoir signalé ce « cercle vicieux » à la sagacité de notre contradicteur. Si « le Sphinx » tient à rester « le Sphinx », c’est parce qu’il estime que sa personnalité, tout aussi bien que celles de ses « adversaires », ne saurait avoir assez d’importance pour être mise en avant, surtout dans des questions qui doivent rester essentiellement impersonnelles ; le rôle de « chef d’école » n’a rien qui nous séduise, nous l’avons déjà dit. On peut être « le très humble serviteur de ce qu’on croit être la vérité » sans éprouver pour cela le besoin de se nommer et de se faire connaître, et sans faire étalage d’« opinions politiques »(5) qu’on peut fort bien se dispenser d’avoir (et qu’alors on n’a pas à « cacher », puisqu’elles n’existent pas), parce qu’elles n’ont rien de commun avec « les droits de la vérité ».

Enfin, à un autre point de vue, si nous ne pouvons tout dire, ce n’est peut-être pas tant parce que « nous nous inquiétons des conséquences immédiates que peut avoir la divulgation » de telle ou telle chose (encore que cette « divulgation » puisse être inopportune), que pour diverses raisons d’un tout autre ordre. D’une part, en effet, nous ne disposons pas d’une place illimitée, et il est bien des considérations que nous sommes obligé d’écarter parce qu’elles ne rentreraient pas dans le cadre que nous devons nous imposer ; un article, ou même une série d’articles, ne peut constituer l’équivalent d’un traité complet sur un sujet donné. D’autre part, nous devons avouer qu’il est beaucoup de choses que nous n’avons pas encore trouvé le moyen d’exprimer d’une façon claire et précise, surtout dans une langue aussi peu « métaphysique » que le français ; cela peut paraître tout à fait surprenant à nos contradicteurs, mais pourtant c’est ainsi.

Quant à la façon dont M. Bord a terminé sa réponse, il est une réflexion que nous lui soumettrons très courtoisement, en le priant de ne pas s’en froisser le moins du monde, et simplement pour lui montrer quel danger il peut y avoir à parler de choses qu’on ne connaît que par trop imparfaitement. En nous attribuant une intention beaucoup plus « désobligeante » qu’elle ne l’avait été en réalité, il a voulu faire un autre « rapprochement » qu’il croyait non moins « désobligeant ». « Dans une caravane, il n’y a pas que des cavaliers » ; c’est juste, il y a aussi des chameaux, pour les appeler par leur nom. Seulement, ce qui importait en l’espèce, ce n’était pas l’opinion que M. Bord peut avoir sur les chiens et sur les chameaux ; c’était celle des Arabes, évidemment, puisqu’il s’agissait de proverbes arabes. Or, malheureusement, il se trouve que les Arabes ont une profonde vénération pour le chameau(6), tandis qu’ils regardent le chien comme un animal impur… Cela est assez fâcheux ; mais, bien entendu, nous n’avions point eu cette pensée en faisant notre citation, et ce n’est que le « rapprochement » de M. Bord qui nous l’a suggérée. Cette petite digression comporte une morale : c’est qu’on ne saurait jamais être trop prudent en matière de citations, surtout quand on les emprunte aux Orientaux !

Maintenant, quel sera le résultat de notre polémique ? Il sera, naturellement, celui de toutes les polémiques, c’est-à-dire que chacun des adversaires restera sur ses positions. C’est à nos lecteurs de juger si M. Bord a, comme il le croit, « résumé très fidèlement nos opinions » ; nous avons dit ce que nous avions à dire, et, puisque cela nous a fourni l’occasion de préciser certains points « énigmatiques », c’est là un résultat dont nous nous contentons très volontiers. « Poursuivons-nous seulement le même but ? » se demande notre contradicteur, « non sans inquiétude » ; et il répond : « Il m’arrive parfois d’en douter… » Pour nous, « en toute sincérité », et sans mettre aucunement sa « bonne foi » en cause, nous faisons plus que d’en douter, mais ce n’est peut-être pas tout à fait dans le sens où il l’entend, ni pour les mêmes raisons que lui. Il est bien libre, certes, de « considérer nos articles comme des répliques sans portée et non comme des réponses concluantes », mais nous sommes libres aussi, de notre côté, de considérer les siens exactement de même. Lorsqu’il se déclare lui-même « inhabile à concevoir » certaines choses, nous aurions mauvaise grâce à insister pour les lui faire comprendre ; qu’il ne nous en veuille pas plus que nous ne lui en voulons, c’est là tout ce que nous lui demanderons, et c’est là-dessus que nous arrêterons cette dernière réponse.

Le Sphinx.