Juin 1937

John Stevens, Newport, Rhode Island.

Dans cette brochure, qui reproduit une conférence faite au Fogg Museum of Art de l’Université Harvard, l’auteur reprend et développe quelques-unes des idées que nous avons déjà trouvées dans Patron and Artist(*). L’art, suivant la vue normale ou traditionnelle, consiste à « bien faire les choses », et non pas une sorte particulière de choses, comme les modernes le supposent, mais toute chose qui vaut d’être faite. La beauté est une qualité positive des choses (tandis que la laideur n’a qu’une existence négative, celle d’une « privation » au sens aristotélicien), et elle n’est pas « transférable » d’un objet à un autre, ce qui explique qu’elle ne puisse être réalisée par la simple copie ou l’imitation extérieure et superficielle d’un objet : mais les choses peuvent être belles uniquement parce qu’elles sont bien faites et adaptées à leur usage, même si l’artiste n’a eu aucune intention de produire la beauté ou de provoquer le « plaisir esthétique ». Pour connaître la nature interne d’une chose, et par suite le genre de perfection dont elle est susceptible, il faut l’étudier au point de vue de ses causes et des relations de celles-ci entre elles ; l’auteur expose donc ici la théorie des quatre causes finale, matérielle, efficiente et formelle, qui correspondent respectivement aux quatre éléments essentiels de la production de toute œuvre d’art : le but, la matière, les outils, et l’idée ou l’image mentale. La perfection d’un objet dépend de l’harmonie de ces différents éléments ; dès lors que cette harmonie est réalisée, la beauté en résulte nécessairement, et on est en présence d’une véritable œuvre d’art, au sens le plus légitime de ce mot.

Librairie J. -B. Baillière et Fils, Paris.

Le premier « essai », qui donne son titre au volume, porte ce sous-titre assez significatif : « Les aspirations de l’âme hindoue et les tendances de la science occidentale contemporaine » ; il s’agit donc là d’une de ces tentatives de rapprochement dont nous avons dit souvent combien elles sont illusoires. Ici, d’ailleurs, cette tentative implique une méprise complète sur la nature des doctrines hindoues : l’auteur n’y voit que « philosophie », que « recherche » et « pensée » purement humaine, dont il croit qu’elles « tendent aux mêmes fins » que la science profane ; il faut dire qu’il paraît avoir été induit en erreur, à cet égard, par ce qu’il appelle la « pensée moderne et syncrétique de l’Inde », c’est-à-dire par les écrits de quelques auteurs affectés par les idées occidentales et qui n’ont guère d’hindou que leur origine. Il y a là-dedans beaucoup de confusions, dont certaines sont assez étranges, comme celles qui consistent à prendre le « mental » pour l’« esprit », à croire que le « cœur » représente le sentiment pour les Hindous comme pour les Occidentaux modernes, et, chose encore plus grave, à voir dans l’Inde une « philosophie du devenir » qui « communie étroitement avec les idées directrices de William James et de Bergson » ! Des autres « essais », qui sont consacrés surtout à des questions de « méthodologie » scientifique, nous ne dirons que peu de chose : ils sont, dans leur ensemble, d’inspiration très « bergsonienne » ; ce n’est certes pas en confondant tout qu’on atteint l’unité ; il faut au contraire savoir mettre chaque chose à sa place, et les « antagonismes » eux-mêmes ne sont point une « erreur », pourvu qu’on en limite la portée au domaine où ils s’appliquent réellement ; mais, comment pourrait-on comprendre l’unité véritable quand on ne conçoit rien au delà du « devenir » ?

« Les Cahiers du Sud », Marseille.

Ce petit volume débute par quelques considérations qui pourraient donner à penser que l’auteur a tout au moins entrevu certains facteurs de la déviation moderne ; mais ensuite, au lieu de les préciser, il s’en prend à des « abstractions » (au sens courant de ce mot) telles que la « raison pure » et l’« esprit de la nature », ce qui ne saurait évidemment amener à des conclusions bien nettes ni bien « positives ». On ne voit pas très bien ce qu’est le « monde parfait » tel qu’il le conçoit, ni où il peut se situer, non plus d’ailleurs que la « chute » ; il manque, pour éclairer tout cela, une connaissance des « lois cycliques » à laquelle la spéculation philosophique ne supplée en aucune façon. Sur des points plus particuliers, bien des choses appelleraient des rectifications : l’affirmation d’une sorte de « pluralisme » radical, avec l’idée très occidentale que le passage de la multiplicité à l’unité constituerait une « perte » ; la confusion de l’intellect avec la raison, et les étonnantes affirmations qu’« il n’y a pas de connaissance intuitive » et que « toute intuition exige vérification », qui montrent qu’en réalité ce dont il s’agit n’est pas du tout l’intuition ; passons sur quelques interprétations de symboles vraiment trop « personnelles », comme celle qui fait de la croix le « symbole de l’absolu », et aussi sur certaines invectives contre le « dogmatisme sacerdotal »… Il y a pourtant aussi, à travers tout cela, des remarques curieuses et intéressantes, par exemple sur le rythme, sur la maladie, sur le « parasitisme » ; mais, d’une façon générale, pourquoi ne pas s’appliquer à exprimer ce qu’on pense sous une forme moins vague et moins nébuleuse ?

Henri Dangles, Paris.

Ce livre marque visiblement un effort pour renfermer la radiesthésie dans des limites « raisonnables » ; l’auteur, qui d’ailleurs s’affirme nettement catholique, paraît avoir aperçu, mieux que la plupart de ses confrères, le danger de certaines « exagérations » ; les applications « divinatoires », en particulier, lui causent quelques inquiétudes, en quoi nous ne pouvons que l’approuver. Seulement, quand il déclare que « la vraie radiesthésie ne doit pas conduire au spiritisme », nous craignons qu’il ne se fasse des illusions, car la frontière est plus difficile à tracer qu’il ne le croit ; et ces affinités suspectes ne seraient-elles pas précisément, au fond, la véritable raison du « lancement » de la radiesthésie à notre époque ? Lui-même, du reste, ne peut faire autrement que de recourir aux procédés qu’il appelle « mentaux », qui ne le sont pas forcément, mais qui en tout cas sont sûrement « psychiques » ; ses méthodes soi-disant « chinoise » et « égyptienne », qui ne reposent que sur une application plutôt fantaisiste de certains symboles, ou encore la construction de sa « baguette Pluton », ne nous paraissent pas non plus exemptes de tout reproche à cet égard. Sa liste des « ondes nocives », où les influences physiques et psychiques sont curieusement mêlées, est encore assez instructive sous le même rapport ; si son intention est de faire de la radiesthésie une science purement physique, au sens qu’on donne actuellement à ce mot, on ne saurait dire qu’il soit en voie d’y réussir ; nous pensons d’ailleurs, pour notre part, que c’est là une chose impossible, ou alors… ce ne serait plus la radiesthésie. — Signalons incidemment à l’auteur que, contrairement à ce qu’il semble croire, l’article sur la radiesthésie qui a paru ici l’an dernier n’est nullement de nous : suum cuique